Voyager est un métier

Par : Autres
 

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Par
Rached
Trimèche

 

avionaf1.jpgChassez-le, il revient au galop. Le père de l’homme. L’enfant. Cet état ou
esprit d’enfant éternel est l’essence même du voyageur. En voyage, il
redevient cet enfant qui n’a de cesse de découvrir, de questionner et de
s’étonner. Carpe Diem plus que jamais ! Peu de cas sont similaires. Les
cartes, le sport, le jeu en général et la drogue sont souvent plus que des
passions, des manies ou même des maladies. Le voyage, le vrai est encore
plus tenace et garde toutes ses traces d’amour contrairement à la chanson
d’Yves Montand où «la mer efface sur le sable, les pas des amants désunis…».
Rien ne s’effacera de la mémoire du Voyageur ! Il vivra son voyage en trois
étapes, avant, pendant et après ! Sa drogue, cette boulimie dite
«dromomanie» le pousse même à vouloir repartir dès son retour au bercail !

Mais quid du voyage ? C’est la grande école de la vie. Le Voyage forme
l’humain, le rend tolérant, élargit ses horizons, aiguise ses sens et
surtout le rend plus heureux !

Les touristes ou les vacanciers juilletistes et aoûtiens ne sont pas encore
des voyageurs. Ces derniers sont dans un monde quasi mystique et surprenant
! La poésie et l’amour tissent leurs destins et balisent leurs chemins.

Trois principales catégories de voyageurs se présentent à nous : Ceux qui
voyagent en groupe avec une agence de voyages et qui suivent un dieu
Panurge, ceux qui passent des mois à préparer les détails des lieux à
visiter, et enfin ceux qui partent à l’aventure, nez au vent, pupilles
dilatées et oreilles aux aguets !

Ces voyageurs sont à la recherche de contacts humains, avides d’histoire, de
culture et de géographie. Chez le voyageur-aventurier, le voyage devient
réellement un métier. Tout impossible deviendra possible et toute difficulté
sera une nouvelle bouffée d’adrénaline ! Et pour cause. Un grand voyageur
qui souhaite continuer à sillonner le monde et à découvrir ses coins et
recoins affronte aujourd’hui des dizaines de difficultés. La première
muraille est épaisse et n’est pas chinoise, elle porte l’horrible nom de «11
septembre» qui a définitivement coupé le monde en deux par un profond ravin
appelé visa ! Sur les 245 pays du CIGV, seuls les citoyens d’une trentaine
de pays (principalement ceux de l’OCDE) peuvent obtenir facilement un visa
touristique et en sont souvent exemptés dans une centaine de pays du monde !

Les autres Grands Voyageurs, dont je fais partie, auront à traverser à la
brasse et à contre-courant cette terrible tranchée qui découpe le monde. En
quête d’un visa. Je viens de passer 90 jours, trois longs mois, à solliciter
un simple visa touristique pour le Groenland en m’adressant aux ambassades
du Danemark dans deux pays et à trois consulats différents ! Le «niet» est
poliment déguisé en «il faut encore attendre, on n’a pas de réponse…». Il ne
reste plus qu’à passer au plan B : Sri Lanka et Maldives où j’avais déjà
entamé la procédure de visas…ou au plan C vers le Cap Vert et la Guinée
Bissau…

C’est ainsi que commence le métier de voyageur ! Il faut, à chaque départ,
préparer deux ou trois périples à la fois en tenant compte des critères
suivants :

1/ Quémander un visa auprès d’une ambassade située dans un pays tiers. Dans
son propre pays, on n’a en principe que 70 ou 100 ambassades résidentes. On
possède rarement deux passeports et il est très dangereux d’envoyer son
unique précieux passeport par poste à une ambassade.

2/ Trouver le meilleur tarif avion ! On peut être deux à voyager dans le
même avion et à payer la moitié ou le cinquième du prix de l’autre. Et
légalement. C’est qu’un avion, à part ses classes dites First, Business et
Eco, est encore subdivisé en 26 classes variables, telle la V de Victor, la
N de Novembre, la T de Tango, la H d’Hôtel, la M de Mike ou la G de Golf par
exemple. Chaque classe a un quota et un prix. Viennent encore Internet et
les fameuses «last Minute» qui, en Amérique et en Europe, vous vendent un
billet à 99 € au lieu de 1240 €… Reste, enfin, les promotions des compagnies
aériennes que l’on découvre par ses cartes ‘’Privilège’’, par ses Emails ou
par son agence de voyages si elle se veut coopérative ! Grâce à une grande
compagnie européenne, j’ai souvent voyagé très loin, en classe affaire, avec
un de mes enfants qui obtenait alors un billet gratuit, durant la courte
période d’offre aérienne ! En bout de voyage, on récoltera enfin de précieux
miles qui vous offriront en temps voulu des billets gratuits ! Voyager est
un métier dit-on…

3/ Trouver, enfin, le temps de partir, de s’enfuir, de s’évader tout en
s’assurant que le travail et le foyer continuent à bien fonctionner. Après
plus de 4400 avions et 181 pays visités, je commence à peine à apprendre la
recette…

4/ Commence, enfin, l’Aventure. La vraie. Le plaisir de la découverte,
l’imprévu, l’autochtone et les multiples surprises quotidiennes. Cela
élimine la lecture préalable de prospectus, livres et brochures qui, par
contre, lus après le voyage, seront avalés et parfaitement absorbés !

L’aventure repose sur trois principes de base: maîtriser plusieurs langues
étrangères, être très rapide dans ses réactions et offrir à l’Autre son
sourire et son amitié. Les armes de la Paix !

Imprégnés de ces ingrédients de voyage, on redevient «l’éternel enfant»
extasié par une fleur, un mot, un verre d’eau ou une choppe de bière, une
voix, une statue ou un petit colibri rouge découvert au soleil levant, sur
un buisson, en bord de mer !

Dès l’arrivée, il faudra rapidement trouver un gîte au meilleur prix et avec
le maximum de prestations pour déposer rapidement son baluchon voyageur et
partir de suite à la conquête du pays nouveau ! Toute personne est
apostrophée et le nouveau cercle d’amis s’élargira à vue d’œil et nous
permettra bien vite de pénétrer us et coutumes de l’aborigène ! Bien
conseillé par l’habitant, on trouvera le fil d’Ariane pour aller à la
découverte de tel ou tel endroit ! Les minutes se suivent et ne se
ressemblent pas ,et la fatigue fait place à l’extase, à l’amitié et à
l’amour ! Des dizaines de petites surprises transformeront la journée en
année lumière et doteront le voyageur de bonheur et de joie de vivre ! Si
pour le Bouddhisme le nirvana est la perte de tout bien et de tout karma,
afin d’atteindre la plénitude totale, la perpétuelle extase du Voyageur le
fait voyager dans une autre galaxie où tout va si vite que la tête tourne,
tourne et tourne encore avec toutefois un instinct de survie acerbe et un
contrôle constant de chaque mouvement ! Cette dualité de surveillance et de
laisser aller, d’état de dilettante et de furie, de rires et de pleurs, de
joie et de recherche font du voyageur un être comblé qui a cette bizarre
impression de marcher sur l’eau, d’aimer tout un chacun, de ne plus
contrôler son flux d’adrénaline et de tourner soigneusement les pages du
livre sacré de cette école de la vie qui mène droit au bonheur et à la Paix
!

Reste le fait majeur : le Voyageur averti découvre avec passion la culture
de l’Autre, son patrimoine, son histoire, ses us et coutumes et ses
traditions ! Le monde est vaste et ses cultures sont souvent très
différentes ! Le voyageur ne parlera pas, lui, de «choc de culture» mais de
«choc des ignorances» ! Tel connaîtra de l’autre sa langue, ses traditions,
son bon vin et même la couleur du cheval de son roi Henri IV…l’autre, en
retour, ne saura rien ou presque rien sur le premier ! Dans l’habit de
voyageur, chacun essayera de pénétrer la culture de l’autre et de diminuer
le mur d’ignorance et d’intolérance ! Car connaître c’est déjà reconnaître !

C’est ainsi que le Grand Voyageur deviendra à son tour narrateur, «travel
writer», chroniqueur, «passeur de culture» ou journaliste pour offrir au
monde les clefs des arcanes et des labyrinthes d’un pays, dont il deviendra
l’ambassadeur culturel ! Témoins vivants de l’histoire d’un pays, les
voyageurs endosseront, enfin, l’habit du missionnaire culturel.

Voyager est certes un métier, un sort, souvent une croix à porter, mais
surtout une chance !