Global Banking : Ou l’occasion, pour la Tunisie, de devenir un acteur de l’industrie du software ?

Par : Autres

Global Banking

Ou l’occasion, pour la Tunisie, de devenir un acteur de l’industrie du
software ?

 

7banque_20042005.jpgEngagées depuis peu dans un processus de mise à niveau du secteur bancaire,
plusieurs banques n’ont guère le choix que d’étendre cette mise à niveau à
celle de leur système d’information. En effet, il est intéressant de
rappeler que curieusement dans ce domaine après l’argent, le nerf de la
guerre est le système d’information.

Jusque là l’informatique bancaire tunisienne est le résultat d’une
sédimentation de plusieurs couches de programmes réalisés en interne. Ces
solutions ont été réalisées durant les trente dernières années par des
informaticiens tunisiens. Outre les technologies désuètes dont disposaient
les équipes de l’époque, le mérite de ces «stakanov» du code a été justement
de fournir à leur banque un stock non négligeable de programmes
informatiques. Il faut reconnaître qu’à l’actif de ces équipes, les
conditions de travail n’étaient pas forcément optimales car c’était souvent
«l’urgence» et «le provisoire qui dure» qui étaient la règle.

Dans ces conditions, il était prévisible et normal qu’après la
déréglementation des dernières années et l’instauration inéluctable de la
concurrence dans ce secteur, les banques ont fini par sentir l’étroitesse du
carcan sédimentaire à telle enseigne qu’il devint un handicap à la
modernisation des services attendus par une économie en pleine croissance.

Certes, ce besoin de modernisation informatique a souvent été ressenti et
dénoncé par les différentes équipes managerielles. Hélas, les actions de
modernisation se sont limitées à des acquisitions ou au renouvellement
d’équipements matériels, ce qui apporte sans doute une continuité du
service, mais sans aucune amélioration de la qualité des prestations.

Dans le meilleur des mondes, une modernisation aurait nécessité d’abord la
réorganisation des activités, la re-conception des processus en fonction des
moyens modernes (on parlera alors de réingenierie) et in fine la mise en
oeuvre de logiciels opérationnels.

Cependant, certaines banques ont opté pour la solution qui consiste à
acquérir rapidement un même logiciel pour tous à l’effet de couvrir
l’ensemble de leurs besoins. Ce groupe de 7 banques vient de lancer un appel
d’offre dans ce sens.

D’autres banques, généralement les grands ténors du monde de notre finance,
ont opté pour une approche plus graduelle : elles comptent acquérir en
commun une même plateforme architecturale que chacune d’elles pourra
compléter selon ses besoins par des modules fonctionnels. Ce dernier groupe
est en train de peaufiner un cahier des charges pour lancer un appel d’offre
dans les semaines à venir.

Idéalement, la démarche de ces banques est une occasion pour fournir du
travail pour des centaines d’ingénieurs informaticiens tunisiens et autant
sinon plus de diplômés des écoles de gestion. Par extension, la dynamique
ainsi créée deviendra une source d’opportunités d’exportation du savoir
faire tunisien.

Dans quelles conditions ce «idéalement» peut-il devenir une réalité tangible
?

Pour ce faire, au moins deux conditions fondamentales doivent être remplies
: Qu’il y ait des sociétés tunisiennes capables de relever ce défi et
surtout que les acquéreurs puissent avoir confiance en ces sociétés
tunisiennes.

* Y a-t-il des sociétés tunisiennes capables de relever ce défi ?

La réponse à cette question est aujourd’hui évidement, tant il y a de
sociétés tunisiennes qui ont brillé dans la réalisation de projets aussi
critiques que stratégiques en Tunisie et à l’étranger.

Dans un marché sans a priori, en l’occurrence le marché international, moult
entreprises tunisiennes ont déjà réalisé des applications aussi sinon plus
difficiles que ce que les banques tunisiennes demandent : en Afrique, pour
ne citer que cette partie du monde, des Tunisiens ont fait honneur à leur
pays en décrochant des marché à la barbe d’entreprises occidentales dont ce
continent a toujours été la chasse gardée, financement oblige !

En Tunisie aussi bien des exemples sont là pour convaincre la réticence des
sceptiques et réveiller les amnésiques : douanes, télé compensation, banque,
impôt, etc. Fruit du savoir-faire d’équipes à 100% tunisiennes, ces projets
opérationnels suscitent même l’admiration de nos compétiteurs. Mais il est
indéniable que ces projets ne sont devenus une réalité que parce que des
Tunisiens ont donné confiance à des Tunisiens.

* La confiance des acquéreurs !

La réponse à cette question est moins évidente tant il est difficile de
convaincre les banques qui pensent qu’acheter tunisien pourrait représenter
un gros risque qu’elles ne peuvent pas se permettre. Ces nouvelles banques
commerciales pourraient penser qu’à l’aube de l’ouverture du marché tunisien
aux banques étrangères, elles devraient se battre avec les mêmes armes que
leurs compétiteurs étrangers : il est vrai qu’aujourd’hui, le système
d’information est une arme au sens le plus complet du terme. Sans l’avouer
clairement, certaines banques pensent même que ce n’est qu’à travers des
produits prêts à l’emploi et déjà largement éprouvés qu’elles pourront êtres
prêtes rapidement. Ce qui pourrait être, en première analyse, légitime
surtout pour les ex-banques de développement qui viennent d’obtenir
l’agrément pour devenir banques universelles.

Bien qu’il s’agisse d’un appel d’offres national, la formulation du cahier
des charges lancé par les sept banques confirme bien la volonté des banques
d’acquérir un produit étranger. L’astuce et tout le monde le sait, c’est que
des sociétés étrangères vont répondre à travers des sociétés «boîtes à
lettres» locales. Si cette approche peut donner plus de conscience nationale
à nos acheteurs, elle ne fait qu’augmenter les difficultés de réalisation de
projets aussi critiques tout en faisant amplifier le coût qui doit prévoir
la marge de la boîte à lettres sans apporter de plus-value.

Chronologiquement, cet appel d’offres arrive à point nommé pour l’industrie
des NTIC en Tunisie en mal de projets nationaux mobilisateurs et ce d’autant
plus qu’il coïncide avec l’année où la Tunisie organise la 2ème phase du
SMSI.

En effet, outre le volant d’affaires que ce marché peut engendrer (Estimé à
plus de
11 000 millions de dinars pour les sept banques réunies), outre la
résorption d’une grande quantité de cadres tunisiens, outre la dynamique
d’exportation que cela peut engranger, donner la réalisation de ce type de
projet à des sociétés tunisiennes fournira une autre raison à la Tunisie
d’être fière en montrant aux autres nations que notre pays est un nouveau
partenaire sérieux avec lequel les éditeurs de logiciel devront désormais
compter.
La Tunisie de Ben Ali ne se contente pas seulement d’organiser avec brio des
manifestations, elle est aussi un acteur incontournable.

Mais cela ne pourra être vrai que si l’adjudicataire de cet appel d’offres
sera une société de tunisienne. Pour cela, il faudra moins de circonspection
et de réticences de la part de nos banques, autrement dit limiter
sérieusement les craintes et risques potentiels ; l’idéal serait de
départager l’attribution du marché des sept banques entre deux ou trois
sociétés tunisiennes. Cette solution pourrait satisfaire les attentes des
uns tout en calmant les craintes des autres. Cette idée offrirait à la
Tunisie un avantage comparatif sans précédent durant l’année même du
déroulement du SMSI. Elle apporterait aussi plus d’émulation entre les
sociétés éditrices tunisiennes tout en diminuant très sérieusement les aléas
liés à l’installation d’un produit unique dans sept banques à la fois. A
terme, cette approche permettra plus de compétition entre les banques
elles-mêmes.

Messieurs les banquiers, le deal est possible, le risque est minimisé si
seulement deux ou trois banques ont en face un fournisseur à leur dimension
qu’elles peuvent maîtriser.

C’est à vous de voir si vous êtes en mesure d’offrir aux sociétés
tunisiennes l’occasion de devenir un acteur du marché mondial du logiciel !

Il est curieux de constater que pour une fois ce n’est pas pour financer des
projets que vous êtes sollicités aujourd’hui; c’est pour votre rôle dans un
projet national : à vous de jouer !
 


T.Bahoury

 

22  – 04 – 2005 ::
06:00

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