Voeux

Par : Autres


Voeux

De Hédi Mechri

 

 

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Que peut-on
souhaiter de bon ou même de meilleur à nos entreprises à l’aube de la
nouvelle année ? Tout et l’essentiel… elles n’auront pas assez de tous nos
voeux pour surmonter leurs craintes et leurs appréhensions. 2005, on l’a
souvent dit et répété, sera pour elles l’année de tous les challenges, de
tous les défis. Elles s’ouvrent, sans répit aucun, sur la suppression de
l’accord multifibres.

 

On craint, non
sans raison, un véritable séisme dans notre industrie du textile à la mesure
de la déferlante asiatique qui inonde déjà l’Europe d’articles textiles en
tout genre.

 

L’ouragan
asiatique a déjà décimé des pans entiers de l’industrie textile européenne,
qui ne cherche même plus à venir trouver refuge et protection chez nous. Les
entreprises européennes, qui le peuvent encore trouvent leur salut en
délocalisant tout ou partie de leur activité en Asie qui dispose d’une
formidable réserve de main d’oeuvre taillable et corvéable à merci. Le droit
de travail n’y a pas droit de cité et les salaires qui y sont pratiqués
confinent à la révolte chez nous.

 

La Chine et
l’Inde ont bouleversé de fond en comble la donne internationale. Elles
tiennent fermement les deux bouts du processus de développement. Leur
suprématie s’exerce aussi bien dans l’industrie du hight tech que dans celle
du textile et de l’habillement. Elles sont pourvoyeuses de matières
premières, de technologie et d’une réserve de main-d’oeuvre intarissable qui
fera, pendant longtemps, chez eux, pression sur les salaires.

 

La menace des
pays émergents d’Europe de l’Est, du reste de redoutables compétiteurs,
surtout après qu’ils aient signé leur adhésion à VUE, a jusqu’ici fait écran
et nous a masqué le danger asiatique. Celui ci révèle aujourd’hui, à la
faveur du démantèlement total des AMF, toute sa puissance de feu.

 

Nous avons su
faire de la Tunisie, en l’espace de quatre décennies, le quatrième
fournisseur de l’Europe en produits textiles notamment dans la confection.
Nous avons, à cet effet, et très tôt réussi et multiplié sur le site
national des foyers de sous-traitance internationale ; les investisseurs
étrangers y ont pris une part active, attirés qu’ils étaient par un climat
d’investissement des plus favorables.

 

En 2005, il nous
faut faire la démonstration de notre capacité de préserver la compétitivité
de notre site en dépit de l’offensive asiatique. Et de nous rappeler que les
chants de sirène en provenance de la Roumanie et de la Bulgarie ont déjà
ébranlé quelque peu la conviction de certains investisseurs étrangers.
Seront-ils tentés par le nouvel Eldorado asiatique ? Il est peu probable que
les états-majors qui siègent en Europe ou ailleurs n’y pensent. Il nous faut
tout entreprendre pour les en dissuader.

 

Il est
aujourd’hui du devoir de l’ensemble des partenaires sociaux de hisser
l’attractivité du site Tunisie au niveau des standards de compétitivité
asiatique. S’il est exclu d’aligner nos salaires sur les revenus du travail
chinois, il est, en revanche, impératif d’ajuster notre temps de travail et
notre productivité aux leurs. Dans cette course à la compétitivité,
l’Administration est en première ligne. Elle doit s’imprégner de cette
nouvelle réalité qui doit faire d’elle un prestataire de service au même
titre que les entreprises. Elle doit, elle aussi, assurer sa part de risque
en allégeant ses procédures et sortir de son ambiguïté même si elle le fait
à ses dépens. On lui demande d’être à la fois l’arbitre et le coach. Les
entreprises ont besoin d’un compagnon de route dans le rôle de partenaire
sans quoi les aides promises à l’emploi ou à l’investissement seront
inopérantes. Le pire serait que les pratiques administratives se retrouvent
en décalage par rapport au discours officiel.

 

Face à la
nouvelle campagne commerciale internationale aux allures guerrières,
l’action résolue et l’offensive de charme de l’Administration sont certes
nécessaires, mais elles ne sauraient suffire si elle ne sont épaulées par
les autres acteurs économiques et sociaux. Les salariés sont les plus
exposés au raz de marée asiatique. Les premières ondes de choc qui ne sont
pas du reste les plus dévastatrices du séisme chinois ont déjà provoqué des
séquelles voire des victimes dans le secteur textile tunisien.

 

Car le textile
n’est pas seul en cause, l’industrie dans sa globalité ainsi que le tourisme
sont aussi sous le feu roulant de la concurrence internationale. Partout, le
combat s’annonce long et difficile et les chances du succès se mesurent à
l’aune de notre vigilance.

 

En cas de
désastre, le pays sera privé d’une partie de ses recettes en devises alors
que les salariés risquent de perdre leur emploi, leur source de revenu et
leur illusion. Il est de bon ton de rappeler alors que s’ouvre un nouveau
round de négociations salariales et qu’il y a des lignes jaunes qu’il faut
se garder de transgresser au risque de précipiter le décrochage sinon le
déclin de l’industrie tunisienne. La mondialisation avec son nouvel avatar –
suppression des AMF – ramène à peu de choses les marges de manoeuvre et les
marges tout court des entreprises.

 

En tout cas,
elle nous prive de toute marge d’erreur si l’on veut protéger l’emploi et
plus encore faire reculer le chômage. Cette règle est commune à l’ensemble
des pays. Si certains y parviennent, fussent ils asiatiques, nous aussi nous
sommes en capacité de le faire. Les salariés ont leur part de
responsabilité. Les chefs d’entreprise aussi et surtout. Ils doivent assurer
leur rôle et honorer leur statut en faisant preuve de plus d’audace, de
prise de risque et d’imagination. On peut, dans le climat de confiance
actuel qui prévaut dans le pays, aisément l’imaginer. C’est notre meilleur
voeu pour la nouvelle année.

 

(Source : Le Manager N° 102 – janvier 2005 )

 

 


Tunisie :
20- 01 – 2005 à 07:00

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