Taoufik Baccar, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a réagi à un statut de Samit Brahimi sur le classement de la Tunisie par Bâle III dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Dans son statut, Taoufik Baccar apporte plusieurs éclairages concernant cette dégringolade du classement de notre pays, mais craint surtout que la Tunisie rejoigne “la liste des pays et juridictions accusant des «déficiences stratégiques» établie par le GAFI et qui comprend, suivant la «Déclaration publique» de juin 2017, la Bosnie-Herzégovine, l’Ethiopie, l’Iraq, la Syrie, l’Uganda, Vanuatu et le Yémen“.

Sur 146 pays, la Tunisie occupe en 2017 la 59ème place avec une note de 6,5 –sachant que plus la note est élevée, plus le risque est important. La meilleure note est attribuée à la Finlande avec 3,04 et la plus mauvaise à l’Iran avec 8.60.

Par rapport à 2016, la Tunisie a reculé d’environ 70 places, puisqu’elle occupait le 129ème rang mondial sur 149 pays avec une note de 4,62, devançant tous les pays de la région MENA et même certains pays de l’OCDE (France, RU, USA, RFA, etc.).

L’excellent classement de 2016 a été rendu possible grâce, en particulier, à la réforme législative de 2009 qui, de l’avis des experts du GAFIMOAN (Groupe d’Action Financière Moyen-Orient/Afrique du Nord), a comblé l’essentiel des lacunes de la loi de 2003 et à l’adhésion de la CTAF au groupe Egmond des Cellules de Renseignements Financiers, une sorte de reconnaissance internationale, dans le cadre d’un processus engagé depuis 2006 et finalisé avec succès par les disciples de Samir Brahimi, Habiba Ben Salem et Lotfi Hachicha.

La raison essentielle du recul enregistré en 2017 tient au fait que les conclusions du 2ème rapport d’évaluation du dispositif LBA/FT adopté par la Plénière du GAFIMOAN tenue au printemps 2016 étaient négatives pour ce qui concerne l’efficacité dudit dispositif. Sur l’ensemble des indicateurs relatifs à l’efficacité, onze au total, la Tunisie a obtenu des évaluations qui oscillent entre «faible» et «modéré». Aucune notation du niveau «Élevé» ou «Significatif» n’a été attribuée au pays.

Il faut rappeler que le nouveau standard du Groupe d’Action Financière (GAFI) focalise désormais beaucoup plus sur l’effectivité ou l’efficacité des dispositifs nationaux LBA/FT, que sur leur conformité aux 40 Recommandations.

Si elle ne s’efforce pas à pallier aux insuffisances signalées dans le rapport d’évaluation de 2016, il est fort à craindre que la Tunisie soit inscrite dans les mois à venir dans la liste des pays et juridictions accusant des «déficiences stratégiques» établie par le GAFI et qui comprend, suivant la «Déclaration publique» de juin 2017, la Bosnie-Herzégovine, l’Ethiopie, l’Iraq, la Syrie, l’Uganda, Vanuatu et le Yémen.

L’enjeu est donc de taille, car ce genre de mesure entamera sérieusement la réputation du site Tunisie d’autant qu’il coïncide avec la baisse vertigineuse de la notation souveraine, engagera le pays dans un processus long et pénible de redressement sous un suivi international rapproché et sévère et risque fort, du reste, de dissuader les «bons» investisseurs et d’attirer les «plus mauvais».