Tunisie – Déficit des caisses de sécurité sociale : Urgence de prolonger l’âge légal de la retraite

Par : TAP

cnrps-deficit-2014-01.jpg“Prolonger l’âge légal de la retraite constitue une “solution d’urgence” qui ne manquera pas de contribuer à alléger le déficit des Caisses sociales mais qui n’est pas la “plus adéquate”, et il importe de réfléchir à des solutions radicales à long terme”. C’est ce qu’ont conclu les participants à une table ronde organisée, samedi 12 décembre à Tunis, sur la réforme des caisses sociales.

Les intervenants se sont penchés sur l’examen de la question des équilibres financiers des caisses sociales ainsi que des solutions possibles permettant de réformer les régimes de retraite en Tunisie.

Prenant la parole, l’expert en sécurité sociale, Badreddine Smaoui, a indiqué que le problème des déséquilibres financiers des caisses sociales remonte à plus de vingt ans, faisant remarquer qu’en 2014, le déficit de ces caisses a atteint 285 millions de dinars (MDT) pour la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS), 222 MDT pour la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et 132 MDT pour la CNAM.

Parmi les raisons de la crise de ces caisses qui remonte au début des années 90, l’intervenant a cité, notamment, le modèle de développement, l’échec des politiques de développement économique et l’amalgame entre sécurité sociale et solidarité sociale.

A cela s’ajoute, a-t-il dit, les choix des politiques libérales de l’Etat depuis la mise en place du Plan d’ajustement structurel (PAS) en 1986 qui a eu pour incidence de privatiser les entreprises publiques, de licencier les ouvriers et de décréter le départ à la retraite anticipée.

Pour l’expert, l’actuelle crise des caisses sociales tient également à l’incapacité de l’économie nationale de générer de nouveaux postes d’emploi, à l’émergence de nouveaux modes de travail caractérisés par la précarité et le courtage de la main-d’oeuvre, outre l’accumulation des dettes impayées à la charge de l’Etat et des chefs d’entreprise dans le secteur privé.

Pour étayer son raisonnement, l’expert a fait remonter les causes de la crise de la CNSS au déficit découlant des régimes spécifiques depuis leur création et aux cas de retraite anticipée résultant de la restructuration des entreprises.

Evoquant la situation actuelle de la caisse nationale d’assurance- maladie, l’expert a indiqué que cet organisme est en proie à un déficit grandissant dû aux frais de soins dans le secteur privé et à la non mise à niveau du secteur public de santé.

Selon Smaoui, les causes du déficit de la CNSS sont dues aux mauvais choix en matière d’exploitation des réserves financières et à la prolifération des cas de retraite anticipée. A cela s’ajoute, l’absence de nouveaux apports financiers permettant à la caisse de couvrir les charges supplémentaires résultant des crédits universitaires et de la prise en charge des traitements du personnel des établissements de l’éducation spécialisée.

Il a, par ailleurs, indiqué que les études menées par le centre de recherches et d’études sociales (CRES) permettront, uniquement d’alléger le déficit de ces caisses mais ne constituent, aucunement, une solution durable.

Vu la situation “catastrophique” des équilibres financiers des caisses sociales, Smaoui a évoqué la possibilité de recourir à l’augmentation volontaire de l’âge de départ à la retraite, comme “solution d’urgence”, en attendant d’identifier des solutions radicales. Parmi les solutions envisageables, figurent la possibilité de diversifier les sources de financement des caisses sociales, de recourir au recouvrement de leurs dettes, de réhabiliter le secteur de la santé publique et d’élargir la couverture sociale.

Le directeur à la Direction générale de sécurité sociale au ministère des Affaires sociales, Kamel Madouri, a pour sa part souligné que la réforme du système de sécurité sociale requiert une série de mesures, dont la réforme fiscale, financière et bancaire.

Selon lui, le nombre des affiliés aux Caisses de sécurité sociale s’élève à près de 4 millions de personnes, ajoutant que les prestations de la sécurité sociale représentent 3,8% du Produit intérieur brut (PIB).

Madouri a, dans ce contexte, souligné que l’augmentation de l’âge de départ à la retraite et la révision du calcul des pensions peuvent être envisagées comme solutions pour résoudre la crise des caisses sociales.

Il a, par ailleurs, fait savoir que l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ne peut être adopté que dans le cadre d’une approche participative, indiquant qu’une telle solution permettra de réduire le déficit de 4,6 millions à 0,8 million de dinars, pour la période 2016-2020.