Selon Mansour Helal, universitaire, spécialiste du droit social, les progrès technologiques perceptibles à travers le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) et l’émergence de l’Intelligence artificielle (IA) vont impacter, considérablement, le monde du travail avec comme corollaire probable, une réduction significative du rôle des syndicats.

L’universitaire, qui donnait, le 11 novembre 2023, à Tunis, une conférence dans le cadre d’un débat organisé par la Fondation Mohamed Ali Hammi (FMAH) sur le thème « Nécessité de refonder le mouvement syndical tunisien pour une Tunisie meilleure », devait axer son intervention sur les nouvelles tendances du syndicalisme dans le monde.

L’ère d’une seule activité et d’un seul salaire, c’est fini. L’heure est à la pluriactivité.

Dans un premier temps, il a rappelé les étapes historiques de l’évolution du monde du travail, de la conscience des travailleurs et de leur organisation sociale.

Ainsi, on est passé de la phase artisanale (corporation des métiers), à la phase industrielle (organisation syndicale et à la phase post-industrielle (organisation de clubs professionnels corporatistes).

Nouvelles formes d’emploi et devenir syndical

Mansour Helal devait aborder, ensuite, les nouvelles formes d’emploi et le devenir syndical.

En réponse aux techniques de l’information et la communication (digitalisation, numérisation et intelligence artificielle), les nouvelles formes d’emploi peuvent être classées selon deux techniques juridiques :

  • Le jeu sur le temps : recours au contrat à durée déterminée, recours au travail à temps partiel, recours à la période d’essai …
  • Le jeu sur l’espace : travail à domicile, télétravail, recours à la sous-traitance du personnel

D’après lui, toutes ces nouvelles formes d’emploi vont transformer le statut du travailleur avec plus de précarisation.

Les syndicats doivent innover pour être des acteurs plus forts, plus pertinents et plus représentatifs pour les travailleurs

Les indices en seront : la disparition du salariat, l’affaiblissement du lien de subordination classique, l’augmentation du nombre des travailleurs indépendants, la flexibilité accrue des formes d’emploi, l’effacement des notions de limite de travail et de temps de travail.

En somme, le conférencier estime qu’au regard de l’évolution du monde du travail, le nomadisme sera, dorénavant, la règle, voire la norme. Autrement dit, ce n’est plus la présence au lieu du travail mais la réalisation de l’objectif fixé qui déterminera, dans l’avenir, la rémunération.

En plus clair encore, l’ère d’une seule activité et d’un seul salaire, c’est fini. L’heure est à la pluriactivité.

Scénarios futurs

Face à tant de mutations technologiques et de nouvelles tendances comportementales au travail, Mansour Helal perçoit quatre scénarios de la pratique future du syndicalisme.

Le premier consiste en sa marginalisation avec comme conséquences : baisse du taux de syndicalisation et vieillissement des personnes syndiquées.

Le deuxième serait ce qu’il a appelé « la dualisation » : les syndicats défendent leurs positions actuelles et offrent des services aux membres qui leur sont les plus proches.

Le troisième serait le remplacement des syndicats. Il s’agirait d’une éventuelle concurrence entre les syndicats et les autres acteurs (ordres professionnels, médecins, architectes…).

Le quatrième porterait sur la revitalisation : les syndicats auront tendance à utiliser des tactiques innovantes leur permettant de devenir des acteurs plus forts, plus pertinents et plus démocratiques et donc plus représentatifs pour les travailleurs.

Les mutations technologiques transformeront le statut du travailleur avec plus de précarisation

Quant aux techniques idéales pour transformer, dans de bonnes conditions, les syndicats, le conférencier en cite trois.

Il s’agit de trouver le juste milieu entre le formel et l’informel, de concilier nouvelles technologies- capital humain (mix entre l’humain et le digital) et de faire face au capital global des multinationales. Faut-ille souligner : ces dernières, de plus en plus puissantes financièrement, ont tendance à programmer les augmentations salariales et autres promotions sociales avant même que les syndiqués ne les réclament. Elles ont tendance en quelque sorte à anticiper sur toute tentative de déclenchement des revendications syndicales.

Quant à nous, nous pensons qu’au regard du sous- développement -bien sous-développement-, du syndicalisme en Tunisie, nos syndicats, particulièrement, l’UGTT ont intérêt à faire l’effort pour s’adapter ou disparaitre.

L’enjeu serait pour eux de faire preuve d’innovation et d’explorer de nouvelles pistes pour perdurer comme c’est le cas en Europe. Les syndicats dans le vieux continent ont trouvé dans l’écologie et l’amélioration des conditions de vie dans les milieux de travail de nouveaux horizons pour perdurer. A bon entendeur.