Le système fiscal tunisien, injuste et inéquitable à maints égards, présente de nombreuses lacunes et problèmes, estiment des universitaires et autres spécialistes de la fiscalité.

Lors d’une table ronde sur le thème : “Justice fiscale”, organisée vendredi 9 décembre 2022 à Tunis par l’organisation ” I Watch “, à l’occasion de la célébration, le 9 décembre de chaque année, de la journée internationale de la lutte contre la corruption, les panélistes ont rappelé qu’un nombre important de mesures fiscales contenues dans les lois de finances promulguées au cours de la dernière décennie (plus de 800 mesures), n’ont pas été appliquées de manière optimale, alors que l’objectif assigné était de lutter contre l’évasion fiscale en imposant une certaine forme de justice fiscale.

Au cours de son intervention, Abderrahmen Lahga, économiste du département des études et de la documentation de l’UGTT, a indiqué que des ressources financières importantes sont dilapidées hors des circuits de l’administration fiscale, appelant à la nécessité d’investir dans l’administration fiscale afin d’améliorer le recouvrement, essentiellement, auprès des ” évadés fiscaux”.

Et de poursuivre qu’il existe un consensus international, après la crise sanitaire, sur le fait que les pays sont dans l’impératif de s’appuyer sur leurs propres capacités internes pour faire face aux défis post Covid-19. L’objectif est de collecter les taxes grâce à une fiscalité juste et équitable.

Pour Lahga, le système fiscal en Tunisie peut être plus efficace en cas d’élargissement de l’assiette fiscale et non pas par l’alourdissement des procédures pour les entreprises économiques organisées.

Il a rappelé que l’UGTT n’a pas cessé d’appeler les gouvernements, dont le dernier celui de Najla Bouden, à revoir le barème des impôts, notamment, au profit des salariés, afin de réduire l’injustice fiscale sur les salaires des salariés et des ouvriers qui représentent la plus grande part, des recettes fiscales de l’Etat. “Une promesse a été obtenue avec le gouvernement actuel mais elle n’a pas été concrétisée”, a-t-il fait savoir.

Par ailleurs, l’expert a abordé la question de la fraude fiscale, qui représente la principale facette de l’injustice fiscale . Et d’expliquer qu’elle se concrétise à travers l’incapacité des services du ministère des Finances à percevoir des revenus financiers à partir de la valeur de la consommation privée dans le pays qui représente l’équivalent de 100 milliards de dinars.

Le ministère des Finances ne collecte que 9 milliards de dinars, ce qui représente un gaspillage de ressources financières, a-t-il encore fait savoir.

Lagha appelle donc les services du département des Finances à faire preuve de courage et de détermination pour ancrer la justice fiscale et de ne pas recourir à des solutions faciles et simples.

De son côté, l’expert-comptable Anis Ben Abdallah a souligné que la pression fiscale élevée témoigne de l’absence de justice fiscale en Tunisie, faisant savoir que la pression fiscale a atteint 25% pour cette année, hissant la Tunisie au premier rang en Afrique dans ce domaine.

Il pense que la pression fiscale va augmenter dans le projet de loi de finances pour l’année 2023, selon les données recueillies.

Il a noté que la hausse continue de la pression fiscale concerne les entreprises économiques organisées et structurées, et ne cible pas les ouvriers du secteur non organisé, soulignant que cette question concrétise l’absence de justice fiscale.