Après des décennies de tergiversations, le gouvernement semble cette fois-ci bien décidé à aller de l’avant et à réformer, sous la forte pression du FMI, la compensation et à n’en faire bénéficier que ceux qui la méritent, soit environ 12% de la population tunisienne.

Abou SARRA

En l’absence de communication officielle, il semble, au regard des rumeurs qui circulent, que le gouvernement de Najla Bouden a fait sienne la stratégie arrêtée à cette fin du temps des gouvernements Chahed et Mechichi.

A cette époque, une commission gouvernementale chargée de la refonte du système des subventions des produits de base avait proposé une levée progressive de la compensation.

Sur la base de cette stratégie, «le basculement vers la vérité des prix se fera sur trois phases dont chacune durera 6 à 9 mois. La première concernera le lait et l’huile végétale ; la deuxième les pains (gros pain et baguette), la farine pâtissière ; alors que la troisième concerne le sucre, la semoule, le couscous, les pâtes ».

Les transferts monétaires seront-ils efficients ?

Le clou de cette réforme, c’est l’institution d’un nouveau mécanisme, à savoir un “transfert monétaire“ qui permettra de compenser le manque à gagner pour les couches démunies. En d’autres termes, les pauvres vont bénéficier d’aides financières pour se nourrir décemment.

Bien qu’il soit encore en gestation, ce nouveau mécanisme a fortement été critiqué par des médias et autres experts. Mal intentionnés, apparemment pour des raisons politiques, ces derniers s’en sont donnés à cœur joie pour dénoncer son éventuelle inefficience. Ils citent à ce sujet l’échec de l’expertise développée en la matière par un pays comme l’Iran.

Pourtant, selon des informations fournies par la Banque mondiale, la meilleure expertise en matière de réduction et de suppression de la subvention est manifestement celle mexicaine.

Faut-il supprimer définitivement les subventions ?

Le plus important dans l’expertise mexicaine réside dans la démarche suivie. Celle-ci consiste à lutter contre la pauvreté et à réduire les subventions en conditionnant le paiement d’une aide sociale ou financière à l’obligation pour les bénéficiaires de contribuer à la réalisation de certains programmes socioéconomiques de L’Etat.

A titre indicatif, les bénéficiaires doivent s’engager à envoyer obligatoirement leurs enfants à l’école, à les vacciner et à leur faire des visites médicales régulières.

Les résultats sont là. Dix ans après, le gouvernement mexicain a éliminé, progressivement, les subventions alimentaires généralisées et les subventions alimentaires ciblées.

Point d’orgue de ces résultats, la disparition des subventions s’est accompagnée par la disparition progressive des bénéficiaires dont la situation s’est améliorée. Ils sont devenus par conséquent inéligibles à l’aide de l’Etat.

Cela pour dire, in fine, que l’important ce n’est pas de réduire les subventions mais de programmer leur suppression sur le long terme. La Tunisie peut s’inspirer de cette expertise mexicaine en actionnant le levier de la diplomatie bilatérale et du partenariat multilatéral (Banque mondiale, PNUD…).

Seulement au regard des discours que les ministres nous tiennent, on ne voit nulle part une telle tendance.

Et comme tout le monde sait combien il est difficile de réformer en Tunisie, il serait vivement recommandé de saisir cette opportunité pour programmer, dès maintenant, et parallèlement à la réduction des subventions, la suppression définitive de la compensation. Le principe est simple : on ne doit pas lâcher la proie pour son ombre.