Démarrage à Tunis, samedi 27 août, de la huitième édition de la Tokyo International Conference on African Development (TICAD 8) qui s’étale sur deux jours (27 et 28 courant) sur fond d’une crise économique sans précédent que traverse le pays hôte, en l’occurrence la Tunisie, et dans un contexte international délicat secoué par la pandémie de Covid-19 et la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

A Tunis beaucoup d’effervescence politique, mais pour aboutir à quoi. Un peu moins d’une vingtaine de chefs d’Etat africains des 54 Etats africains seront présents à la conférence. Les chefs de file japonais auraient finement signifié à la Tunisie, même en tant que pays hôte, n’aura aucun privilège par rapport à ses homologues africains.

Hédi Abbes, président de la Chambre de commerce tuniso-japonaise, fait preuve d’un optimisme prudent. « Il faut savoir que la TICAD est un marché de l’investissement organisé en Tunisie pour l’Afrique. Il y a par conséquent des centaines de projets proposés par les pays africains aux investisseurs japonais à la recherche de projets répondant à leurs centres d’intérêt ».

Innovation, Intelligence artificielle, digital, économie verte et économie bleue seront à l’honneur pendant cette édition.

Côté secteur privé conduit par la chambre tuniso-japonaise de commerce, 81 projets ont été sélectionnés parmi plus de 240 pour être proposés aux investisseurs japonais dont certains intégrés dans le Livre blanc édité par la chambre. Ils représentent une enveloppe totale de 8 milliards de dollars d’investissements dont une grande partie dans des projets d’énergie solaire et d’hydrogène vert et pourraient créer plus de 50 000 emplois directs rien qu’en Tunisie.

Côté gouvernement, aucune information officielle, mais des sources crédibles parlent de 47 projets dont 10 dans le cadre bilatéral, 20 dans la formule PPP et 17 dans le cadre du partenariat triangulaire Japon/Tunisie/Afrique.

Au ministère de l’Economie et de la Planification, on a fait l’effort de traduire le Code des investissements en japonais, mais que valent tous les codes si le climat d’affaires ne suit pas.

Lire aussi : TICAD 8 : Lancement du “Guide digital de l’investisseur” en japonais, en Tunisie, par la TIA

Un climat d’affaires qui n’est pas pour rassurer les investisseurs japonais très prudents, rigoureux et performants. Une instabilité politique, une lourdeur administrative qui s’apparente plus au blocage qu’à la défense des intérêts nationaux, et l’absence d’un plan sur le moyen et le long termes ne sont pas pour plaire à des investisseurs qui accordent une importance primordiale à la transparence, la bonne gouvernance et l’environnement physique et humain.

Des partenariats anciens mais l’empreinte économique n’est pas marquante

Les relations tuniso-japonaises, historiquement chaleureuses depuis les années 70, n’ont pas abouti à une grande présence des entreprises japonaises dans notre pays -seulement 19 à ce jour et 14 000 postes d’emplois créés qui atteindront les 20 000 après l’extension de l’usine Sumitomo à Jendouba. 42 projets de développement pour un montant cumulé supérieur à 3 milliards de dollars ont été appuyés par le Japon.

Le Japon est classé 24ème fournisseur de la Tunisie et 4ème sur le continent asiatique en 2021* (détenant 4,6% de ses importations en provenance des pays asiatiques). Il est 33ème client de la Tunisie et 4ème en Asie (détenant 8,5% de ses exportations vers les pays asiatiques).

La Tunisie n’est pas au premier rang des partenariats japonais en Afrique, elle arrive bien loin après les premiers de la classe qui se nomment Kenya, Afrique du Sud, Egypte et Maroc. Elle est le 14ème partenaire commercial du Japon en Afrique.

Le commerce bilatéral entre la Tunisie et le Japon n’a pas dépassé les 640,5 millions de dinars en 2021, soit l’équivalent de 230 millions de dollars US, enregistrant cependant une hausse de 11% par rapport à 2020, année de crise de Covid-19.

Les exportations tunisiennes vers le Japon ont atteint 132,8 millions de dinars (soit 47,5 millions USD), enregistrant une progression de 30% par rapport à l’année 2020.

Les importations tunisiennes depuis le Japon ont atteint 507,7 millions de dinars (181,5 millions USD), enregistrant une hausse de 6,8% par rapport à 2020.

Au cours du premier semestre 2022, les exportations tunisiennes vers le Japon ont chuté de 87%, passant de 59 millions de dinars (MDT) en 2021 à seulement 7,6 MDT en 2022, en raison de l’absence d’opérations exportation du thon rouge vers ce marché nippon (qui accaparait 86% du total exporté).

Les analystes du CEPEX estiment qu’il y a un grand potentiel d’échanges commerciaux additionnels de plus de 200 millions USD et d’investissement entre les deux pays. Il s’agit de développer les parts de marché de la Tunisie dans l’agriculture et l’agroalimentaire, les équipements mécaniques, électriques et électroniques : composants et dispositifs électriques (compteurs, disjoncteurs, câbles…), les pièces de rechange automobiles et de véhicules industriels et agricoles, les produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, la formation professionnelle (agriculture, industrie, BTP, tourisme…), l’eau et assainissement (gestion de réseaux de distribution…), énergie électrique (développement de l’énergie solaire), enseignement supérieur, santé et services de soin, études et ingénierie et BTP.

Outre son atout géostratégique dans lequel elle n’a pas beaucoup de mérite, la Tunisie peut encore prétendre disposer de l’atout compétences humaines, ce qui aurait une grande valeur si on réussissait la gageure d’améliorer le climat d’affaires dans le pays et dans toutes ses composantes humaines, réglementaires, logistiques et politiques.

La TICAD devrait trouver réponse à la problématique suivante : « Comment créer ensemble un monde durable ». Cela s’inscrit en droite ligne dans la politique de coopération internationale japonaise où l’accent est mis sur « la sécurité humaine » et sur le partenariat et l’appropriation.

Précisons aussi que la TICAD a pour objectif de mobiliser les investissements privés sur le marché africain face à la diminution des fonds de l’aide publique au développement (APD).

Amel Belhadj Ali