Les femmes orientales et leurs défis au quotidien rythment les thèmes des courts métrages venus d’Iran et d’Egypte, deux pays de grandes traditions cinématographiques, qui ont été en projection, jeudi soir aux cinémas du Grütli, à Genève, au quatrième jour de la 17ème édition du Festival international du film oriental de Genève (FIFOG).

Le court-métrage Tuk-Tuk de Mohamed Kheder est une œuvre touchante, présentée hors compétition, qui revient sur une question toujours d’actualité en Egypte: les femmes endettées. Sa projection a eu lieu en présence des coproductrices, Sherin Alaa et Zeina Raad.

Le thème du film n’est pas directement étalé par le réalisateur et directeur de la photographie qui a choisi de nous le révéler vers la fin de sa fiction (26’). L’histoire part de la vie d’un couple égyptien de la classe populaire cairoise. Le mari, un chauffeur de Tuk-Tuk va tout laisser derrière lui et partir clandestinement en Italie.

Sans aucun revenu, sa femme, Walaa, 34 ans, va reprendre le boulot de son mari pour assurer un revenu à sa petite famille en plus sa mère et son frère handicapé.

La jeune femme avait appris à conduire le Tuk-Tuk de son frère avant qu’il soit agressé par l’un de ses collègues chauffeurs. Elle décide alors d’intégrer un univers dominé par les hommes en achetant un Tuk-Tuk (genre de taxi pour deux ou trois passagers), après avoir payé une caution. A défaut de payement, elle risque de se retrouver en prison.

Cette contrainte ne décourage pas Walaa, (personnage principal interprété par Ilham Wajdy), ni même le harcèlement psychique et physique de ses collègues hommes. Elle va aussitôt se trouver une clientèle féminine lassée de ces mêmes problèmes au quotidien. Le Tuk-Tuk est finalement peint en rose et la vie continue pour Walaa et sa famille, malgré un quotidien assez dur.

Au final, la jalousie va conduire l’un de ses collègues dont elle refuse les avances, à mettre le feu dans son véhicule. De là, la jeune femme se retrouve en prison puisqu’elle n’est plus en mesure d’honorer ses engagements envers la personne auprès de qui elle s’est endettée. Une fin ouverte sur un phénomène qui affecte beaucoup de femmes égyptiennes qui se retrouvent en prison au lieu de continuer à soutenir leurs familles financièrement.

Mohamed Kheder est un réalisateur diplômé de l’Académie de cinéma de New York. Ce cinéaste issu des Beaux Arts nous livre une toile en images inspirée du réel et qui illustre son univers plastique. Grace à sa maîtrise des outils-cinématographiques, il est également à la coscénarisation, au montage et à la coproduction de cette fiction courte produite en 2021 et nominé aux Oscars de la même année.

Après avoir été présenté au Festival du film court métrage d’Alexandrie en Egypte, Tuk-Tuk avait participé dans plusieurs festivals de courts métrages dont certains sont éligibles aux Oscars. Il a été présenté en avant-première mondiale à la 43e édition du Festival Clermont Ferrand (France) et continue de faire le tour des festivals et de remporter les prix.

La fiction est inspirée d’une histoire vraie d’une femme endettée, avec quelques évènements fictifs que le réalisateur et scénariste a choisi de mettre en avant. L’héroïne est une ancienne miss d’Egypte qui a parfaitement épousé son rôle.

Le titre du film, Tuk-Tuk, fait référence au moyen de transport en commun, omniprésent dans les rues encombrées du Caire, mais aussi un clin d’œil au réseau social du Tik Tok dont le mari de Walaa était un grand fan. A son tour, le personnage de Walaa a cédé à la tentation des réseaux sociaux qui pouvait lui procurer de l’argent facile en utilisant son image.

Les femmes endettées en Egypte sont parfois accusées de faire des achats dont la valeur dépasse leur capacité de remboursement. Elles empruntent de l’argent auprès des préteurs à gage, ce qui est susceptible de les inculper auprès de la justice si elles n’honorent pas leurs engagements.

La coproductrice du film, Sherin Alaa, a fait savoir que des milliers de femmes en Egypte sont affectées par ce problème qui existe aussi dans certains pays de la région arabe et africaine où la précarité les oblige à s’endetter sans avoir les moyens de rembourser.

Parmi les projections d’hier, quatre sont en compétition internationale des courts métrages ; l’Egypte est représenté par Qahwet Ferial (Feriel Coffee, 15’, 2021)) de Mohamed el Khachef et Wahda Keda (About a Girl, 15’, 2020). Baraye Bare Devon (For The Second Time,19’, 2021)) de Leila Akhbari et Barter (Echange, 20’, 2021) de Ziba Karamali et Emad Arad, représentent l’Iran.

En compétition internationale des longs métrages de fiction ont été projetés deux films algériens produits en 2021, Argu ou Rêve (97’) de Omar Belkacemi et Soula de Salah Issaad (92’).

Parmi cette sélection, certains films abordent des histoires humaines exceptionnelles sur le calvaire de la femme, sa féminité, sa sensibilité et sa dignité dans un monde machiste.