Relations économiques tuniso-françaises  : Impératif d’un renouveau 

Au dernier séminaire de l’ATUGE – pour Association des Tunisiens des Grandes écoles -, les relations économiques entre la Tunisie et la France étaient en débat. Mouna Allani, présidente de ladite Association, et chef d’entreprise de son état, portait la contradiction sous forme d’exercice de prospective, avec deux invités de marque. Il s’agit d’André Parant, ambassadeur de France en Tunisie, et de Khelil Chaibi, président fraîchement élu de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI).

Comme l’on pouvait s’y attendre, le débat fut passionné et de haute intensité. On pouvait mesurer que l’amitié tuniso-française est au zénith. Cependant, les relations économiques bilatérales, qui font apparaître un excédent commercial favorable à la Tunisie, semblent manquer de tonicité, laissant redouter un essoufflement à l’avenir, si l’on n’y prend garde.

Des relations satisfaisantes

La France bénéficie, faut-il ajouter momentanément encore, d’un classement de top niveau dans ses relations économiques et commerciales avec la Tunisie. Elle est encore premier client. Et elle est deuxième fournisseur, pour avoir cédé son premier rang à l’Italie, il faut le dire. Et sa part dans les échanges, tout en restant en tête de classement dans ce domaine, régresse malgré tout en proportion pour passer de 24 à 11% environ.

Elle est challengée de partout et notamment par deux nouveaux compétiteurs, en l’occurrence la Chine, et sa “petite jumelle“ de la Méditerranée, à savoir la Turquie. Et c’est cette tendance qui nourrit les craintes que nous éprouvons.

Elles sont près de 1 400 entreprises en direct ou en joint-venture à exercer en Tunisie, généralement exportatrices et emploient 80 000 salariés

Il est vrai que le bilan global avec la France se défend de lui-même, comme le soutenait avec force conviction Abderrazak Zouari, ancien ministre du gouvernement Béji Caïd Essebsi et universitaire.

L’encours d’IDE, hors énergie, est dominant. Elles sont près de 1 400 entreprises en direct ou en joint-venture à exercer en Tunisie. Elles sont généralement exportatrices et emploient 80 000 salariés.

La coopération bilatérale sous toutes ses formes est constamment en progression.

La France, rappellera Mouna Allani, est le premier marché émetteur de touristes. La coopération bilatérale sous toutes ses formes – économique, scientifique et culturelle – est constamment en progression, ajoutera l’ambassadeur français. Et cela se vérifie encore en matière d’assistance technique. Et la nouvelle agence du trésor sera réalisée avec le concours du gouvernement français.

Exemplaires en tous points, les relations entre la Tunisie et la France ne présentent pas, en revanche, un grand potentiel d’avenir. Il est vrai que les entreprises françaises n’ont pas désinvesti et cela n’a pas entamé le socle des échanges entre les deux pays, car les exportations tunisiennes à destination de la France proviennent essentiellement des flux d’exportations d’entreprises françaises basées en Tunisie.

Exemplaires en tous points, les relations entre la Tunisie et la France ne présentent pas, en revanche, un grand potentiel d’avenir.

Il est vrai que les échanges n’ont pas fléchi du fait notamment de la crise sanitaire (Covid-19), ainsi que de l’instabilité que connaît notre pays depuis dix ans. Cependant, les hypothèses de leur progression à l’avenir ne sont plus aussi robustes qu’elles étaient auparavant.

Réactiver l’attractivité du site tunisien

André Parant, avec beaucoup d’optimisme, table sur un redémarrage fort des échanges dans la perspective de relocalisation industrielle induite par la pandémie de Covid-19. Les industries françaises de retour d’Asie seraient tentées de se relocaliser dans le pourtour méditerranéen. Et dans cette perspective, la Tunisie n’aurait pas les faveurs des pronostics. La raison en est simple : nos avantages comparatifs sont en train d’être laminés car trop figés sur des éléments désormais dépassés tels les bas salaires.

La procrastination en matière de réformes nous a fait un grand tort. Et ce reproche est repris de tous, FMI compris. Pour sûr que la Chambre s’activera à user du meilleur lobbying, comme elle l’a fait par le passé. Feu Ridha Ben Mansour avait beaucoup plaidé l’utilité de la libéralisation des services du temps où le pays s’apprêtait à signer le premier accord d’association avec l’UE et rejoignait l’OMC.

Plus tard, Foued Lakhoua, est parvenu à faire rentrer la Tunisie dans le réseau Futurallia, qui connecte les Etats francophones et cela pour une meilleure visibilité à l’international.

La procrastination en matière de réformes nous a fait un grand tort. Et ce reproche est repris de tous, FMI compris.

De même qu’il a entretenu un effort permanent de promotion du site national auprès des grandes régions de France métropolitaine.

Le bureau exécutif n’est pas en reste et les actions croisées de promotion autour des leviers de financement et des incitations à l’investissement dans les deux pays sont régulièrement exposés aux entreprises des deux bords.

Du reste, les investissements des entreprises tunisiennes en France arrivent en tête pour les pays de la région d’Afrique. Leur total avoisinerait les 500 millions d’euros. C’est un palier remarquable à l’internationalisation.

Khelil Chaibi, en relation d’affaires avec des enseignes françaises de premier rang tel Promodes (propriétaire de l’enseigne Carrefour), est en posture d’imprimer un redémarrage aux relations entre les deux bords.

les investissements des entreprises tunisiennes en France arrivent en tête pour les pays de la région d’Afrique. Leur total avoisinerait les 500 millions d’euros.

Courtiser l’avenir

Si les choses continuent en l’état, nous pensons que la tendance lourde des échanges entre les deux pays irait en déclinant, à l’avenir. Malgré la bonne volonté des autorités françaises à doper la coopération entre les deux pays, les milieux d’affaires français regardent ailleurs, dans la région. Les investissements structurants, c’est-à-dire ceux dans la construction auto, notamment PSA et Renault, se sont installés au Maroc.

Dans quelle filière significative pourrions-nous investir à l’avenir ? On soutient de-ci de-là que le sommet de la Francophonie glisse vers un statut de Commonwealth. Et d’ailleurs, le XVIIIème sommet qui se tiendra à Djerba au mois de novembre prochain comporte une composante économique et commerciale d’envergure.

Il faut toujours courtiser l’avenir mais il reste aussi à le meubler avec des projets concrets, et ceux-là dépendront de la partie tunisienne. La partie française, à l’instar des autres partenaires internationaux de la Tunisie, réclame une stabilité du change. Pas nécessairement un dinar fort mais un Dinar stable.

La partie française réclame une stabilité du change. Pas nécessairement un dinar fort mais un dinar stable.

Une trêve fiscale est toujours à l’ordre du jour. Et c’est bien compréhensible. Les investisseurs veulent que leurs prévisions ne soient pas brouillées et que leurs bénéfices puissent être transférés avec une contrevaleur qui ne soit pas volatile. Et puis ils réclament des zones franches, avec une infrastructure logistique rénovée. Le Conseil des Chambres mixtes le rappelle annuellement avec insistance. Et les investisseurs français y adhèrent régulièrement, de même que le révèlent les sondages annuels de la CTFCI.