Surpris par le confinement, les ouvriers du bâtiment, venant souvent de régions de l’intérieur, ont eu à faire face à deux problèmes principalement : la difficulté de rentrer chez eux et la privation de leurs salaires.

Quand le bâtiment va tout va, a-t-on l’habitude de dire. Et cela en premier pour les travailleurs de ce secteur important pour toute économie. Mais «avec chaque crise, les disparités et les problèmes socioéconomiques remontent de nouveau à la surface», observe l’auteur de l’étude «Tunisie : Conséquences de la pandémie sur les ouvriers de bâtiment – Le confinement entre mesure gouvernementale et réalité vécue». Et cela n’a pas raté avec la pandémie Covid-19 et la proclamation du confinement sanitaire général en Tunisie qui «ont provoqué l’arrêt d’activité de nombreux ouvriers dans la plupart des secteurs. Cela a engendré une détérioration de leur situation économique et la remise de leurs causes et situation sur la table des débats».

Pour relever et analyser les conséquences de cette double peine sur les ouvriers du bâtiment, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) a fait réaliser une étude coordonnée par Sofiane Djaballah, chercheur dans le domaine social et coordinateur de ce think tank, et Haythem Maddouri, ingénieur de son état.

Ces ouvriers ont été confrontés à trois problèmes : la difficulté, voire l’impossibilité de rentrer chez eux après la proclamation du confinement, eux dont la majeure partie vient de régions de l’intérieur ; la privation de leur rémunération, et le non-accès aux aides décidées par l’Etat pour aider les franges les plus fragiles de la population à faire face aux conséquences économiques de la pandémie.

Des contraintes…

Le problème du transport, d’abord. Le décret gouvernemental interdisant les déplacements durant la période de confinement s’est transformé en ce qui ressemble à une «grande incarcération». Ne pouvant rester sur les lieux de travail en raison des conditions difficiles de logement sur les chantiers, ceux-ci ont été contraints «à des opérations de “harga“ (migration clandestine) pendant les premiers jours de ce confinement impromptu. Les premiers à être lésés par cette décision sont bien évidemment et bien souvent les ouvriers nomades», souligne l’étude.

La privation de la rémunération, ensuite. Les ouvriers interrogés se sont plaints de ne pas avoir perçu leur salaire du mois de mars parce que leur employeur a bloqué les salaires «pour économiser les liquidités en prévision du développement imprévisible de la situation, abandonnant ses ouvriers et son personnel en proie aux difficultés, démunis face à la pandémie».

Enfin, l’impossible accès des ouvriers du bâtiment aux aides aux sinistrés promises par le gouvernement. Car les critères définis par les autorités et des pratiques détestables les en excluent.

Deux types de citoyens ont droit à ces aides : «les détenteurs des cartes de soins gratuits» et la catégorie considérée comme «fragile ou menacée par la pauvreté». Or, dans le premier cas, l’obtention de cette carte requiert du postulant, depuis l’époque révolue, le recours à des flagorneries auprès des “omda“, d’une part, et rencontre, d’autre part, une bureaucratie haïssable dont les procédures exigent entre autres “une attestation de pauvreté“ dont l’obtention demande parfois le paiement d’un pot-de-vin ou un “piston“ (l’intervention de quelqu’un de bien placé dans l’administration). Nombreux sont ceux qui, pour cette raison, renoncent à s’enregistrer afin de préserver leur dignité et éviter l’humiliation, dénonce l’étude.

Et dans le second, peuvent en bénéficier les chefs de famille détenant la carte de soins au tarif bas (AMG 2) ou le “carnet jaune“, -«c’est-à-dire qui ne sont affiliés à aucun autre régime de protection sanitaire (CNRPS, CNSS, AMG1)»-, ou dont le revenu ne dépasse deux fois le SMIG, «soit 806 dinars pour une famille de cinq personnes».

Synthèse de M.M.