Nouveau rebondissement dans l’affaire de la BFT

L’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT), objet depuis les années 80 d’une bataille judiciaire entre l’Etat tunisien et l’avocat franco-tunisien Abdelmajid Bouden, actionnaire du groupe de droit néerlandais ABCI Investment à propos de l’appropriation de cette banque, a connu ces derniers jours un rebondissement avec une vidéo postée sur les réseaux sociaux par Ahmed Kedidi, ancien homme politique au temps de l’ancien Premier ministre Mohamed M’zali.

Pour mémoire, en juillet 2017, l’Etat tunisien a été condamné dans cette affaire, à Londres, par le CIRDI relevant du groupe de la Banque mondiale. Le CIRDI a estimé que l’Etat tunisien est responsable dans ce dossier et lui a reproché d’avoir exproprié l’investissement d’ABCI Investments Limited par la contrainte exercée sur son ancien président d’honneur, Abdelmajid Bouden.

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L’Etat tunisien est également épinglé d’avoir organisé “un déni de justice, transgressé non seulement le droit de l’actionnaire majoritaire de la BFT à gérer sa propriété mais également le droit tunisien et le droit international”.

Le CIRDI va plus loin en accusant l’Etat tunisien d’avoir “violé l’ordre public international”.

Empressons-nous de signaler ici que le verdict du CIRDI est une première décision sur le fond, c’est-à-dire qu’il s’est prononcé sur la responsabilité, la deuxième portera sur la détermination par des experts du montant des réparations que l’Etat tunisien va devoir verser à ABCI.

On craint ici en Tunisie de devoir payer, un jour, de fortes indemnités à l’ABCI, indemnités estimées par certaines sources non-officielles à 2,5 milliards de dinars.

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Nouvelles révélations sur l’affaire

Pour revenir à la vidéo d’Ahmed Kedidi, celle-ci semble faire de nouvelles révélations sur cette affaire qualifiée comme “la plus grosse affaire de corruption qu’ait connue la Tunisie”.

La première révélation de cette vidéo consiste, pour tous ceux qui connaissent ce dossier sulfureux, en le fait qu’Ahmed Kedidi s’est avéré un camarade de classe de l’avocat franco-tunisien, Abdelmajid Bouden, principal protagoniste dans cette affaire. Bouden aurait été, conformément à ses conseils, convaincu, en 1982, de l’intérêt qu’il y a à racheter au juif français, Raoul Daninos, la BFT et de la mobiliser pour financer des investissements agricoles.

La deuxième révélation réside dans le fait que l’ancien Premier ministre Mohamed M’Zali et Ahmed Kedidi -qui étaient exilés en France pendant le règne de Ben Ali- avaient signé des documents témoignant en faveur d’Abdelmajid Bouden et de son droit de récupérer sa banque.

La troisième nouveauté a trait aux interventions au plus haut niveau d’Ahmed Kedidi en faveur de son ami Bouden en vue d’une résolution à l’amiable du problème, et ce une première fois en l’an 2000 auprès du défunt président de la République, Ben Ali, et une seconde fois en 2011 auprès du défunt Béji Caïd Essebsi, alors Premier ministre.

La quatrième révélation est un peu surprenante. Dans cette vidéo, Ahmed Kedidi a innocenté complètement l’ancien ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières de la Troïka (2011-2013), Slim Ben Hmidane. Ce dernier est   présenté, jusqu’à ce jour, par les médias, comme le véritable coupable pour avoir fourni, lorsqu’il était en exercice, à Abdelmajid Bouden des documents de première main impliquant la responsabilité de l’Etat tunisien.

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C’est sur la base de ces documents d’ailleurs qu’au mois de juillet 2017, l’Etat tunisien aurait été condamné dans cette affaire par le CIRDI.

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Une solution à l’amiable semble possible

Abstraction faite de l’ensemble de ces nouveaux éléments d’information, Ahmed Kedidi, ancien directeur du journal Al Amal, organe du Parti socialiste destourien (PSD) au temps de Bourguiba, a surtout désigné du doigt les véritables responsables à l’origine du pourrissement du dossier.

Il s’agit, d’après lui, des 50-60 hommes d’affaires qui auraient contracté des crédits sans aucune garantie, et des hauts cadres de l’administration qui ont été chargés de défendre, sans aucun résultat, les intérêts de l’Etat en engageant, au prix fort, des avocats étrangers. Les honoraires et les commissions payées, à cette fin, se chiffreraient à plus d’un demi-milliard de dinars.

Au-delà de ces révélations, il reste à se demander pourquoi Ahmed Kedidi a choisi ce moment pour évoquer cette sale affaire de la BFT.

Selon certains observateurs, il aurait été chargé de négocier une solution à l’amiable entre son ami Abdelmajid Bouden et l’Etat tunisien. L’indice qui le prouverait est perceptible à travers l’insistance de Kedidi sur le fait qu’Abdelamajid Bouden, au cas où il serait dédommagé, se serait engagé à investir tout l’argent récupéré dans des projets agricoles et hydrauliques en Tunisie.

Affaire à suivre

Abou sarra