Fadhel Jaibi : Après “Violence(s)” et “Peur(s)”, viendra “Le Rêve”…d’un théâtre meilleur et d’une vraie démocratie

A l’occasion de la célébration de la Journée mondiale du théâtre qui coïncide également avec la semaine de la Journée mondiale du théâtre, le directeur général du Théâtre national, Fadhel Jaibi, a accordé un entretien à l’l’agence TAP.

L’homme de théâtre et metteur en scène Fadhel Jaibi évoque dans ce long entretien les défis qui se posent au niveau de cette institution et des difficultés et lacunes auxquelles fait face le théâtre tunisien aujourd’hui, dont le décalage de connaissances et de références entre l’artiste et le critique de théâtre.

Selon lui, le théâtre tunisien a besoin plus que jamais de s’ouvrir sur les différentes expériences étrangères et d’en tirer profit.

Dans cet entretien, il présente sa vision par rapport aux qualités qui devraient caractériser l’acteur et le metteur en scène.

Après “Violence (s)” et “Peur(s)”, il travaille actuellement sur “Un rêve réalisable”.

Après cinq ans à la tête du Théâtre tunisien, avez-vous réalisé les objectifs que vous avez tracés pour l’institution?

Fadhel Jaibi: Quand je suis venu au Théâtre tunisien en 2014, j’avais une obsession, celle de me retrouver et de retrouver mon image dans cette institution. C’est-à-dire que je voulais que tous les ingrédients de l’art scénique soient disponibles dans la salle et que le public trouve son confort en lui offrant des œuvres théâtrales dignes de qualité et qui répondent à ses goûts artistiques.

Il ne faut pas oublier que le Théâtre national est une institution publique créée en 1983. De ce fait, il est censé, à mon avis, atteindre le niveau des théâtres du monde du point de vue qualité des spectacles et confort de la salle de représentations conformément aux normes internationales.

Alors, qu’avez vous constaté alors?

Malheureusement, ce n’était pas le cas. C’est pourquoi l’une de mes préoccupations majeures, c’est de faire du Théâtre national un espace qui ressemble à celui des théâtres du monde, et ce en s’inspirant de mes expériences dans les théâtres européens où j’ai présenté certaines de mes pièces.

En plus, je me suis trouvé face à plusieurs autres problèmes. L’institution n’a pas été à l’abri de certains phénomènes comme la corruption et le manque de notion de travail sérieux. Ceci n’empêche pas l’existence d’employés honnêtes et sérieux dans leur travail.

Cette situation m’a poussé alors à recruter des contractuels, notamment des spécialistes dans la production, la distribution et la communication ainsi que des experts dans le théâtre et la chorégraphie. Nous avons introduit de profondes réformes structurelles et financières dès lors que nous avons procédé au règlement de l’endettement de l’institution.

Je reconnais que nous sommes encore à mi-chemin dans la réalisation des objectifs que nous avons tracés bien que nous ayons accomplis de grands pas au niveau des réformes.

Parmi les nouveaux programmes du Théâtre national, la création de l’école de l’acteur. Cela veut-il dire que la formation n’est pas aussi développée dans les instituts spécialisés?

L’acteur est la clé du jeu théâtral et le pivot central sur scène, c’est pour cette raison que nous avons créé l’école de l’acteur. Nous espérons que cette expérience s’élargira dans les années à venir pour toucher d’autres disciplines comme l’écriture théâtrale et la mise en scène.

Je saisis cette occasion pour dire que des dizaines d’acteurs ont été formés dans cette école dont des diplômés de l’Institut supérieur d’art dramatique (ISAD) de Tunis.

En ce qui concerne la mise en scène, vous avez ouvert la voie à plusieurs metteurs en scène qui ont présenté des œuvres avec le soutien du Théâtre national. Comment évaluez-vous ces œuvres artistiquement?

Le Théâtre national a produit depuis 2014 environ 18 œuvres théâtrales dont six que j’estime d’un haut niveau artistique.

A votre avis, pourquoi les autres œuvres n’ont-elles pas été du niveau souhaité et à qui incombe cette responsabilité?

Le Théâtre national assume une grande part de responsabilité. Cela dit, le vrai problème dans le théâtre tunisien c’est la formation dans le jeu de l’acteur et la mise en scène.

Dans le théâtre tunisien, il n’y a pas d’écoles de mise en scène. Il ne suffit pas dans le théâtre comme dans le secteur de l’éducation d’avoir des idées et des textes mais surtout une culture générale.

Pour être un metteur en scène ou un acteur, il faudrait la passion d’abord. Le théâtre, nous l’apprenons dans les musées, les salles de cinéma, les livres et dans la rue aussi pour pouvoir s’en inspirer et avoir cette capacité à créer. C’est ainsi qu’on réussit à éviter le classique, qui relève de tout ce qui est prêt et déjà consommé.

Les hommes de théâtre parlent d’une quasi-absence de critique théâtrale. Pourquoi à votre avis?

Il existe un décalage remarquable au niveau du bagage de connaissances et de références entre l’artiste et le critique de théâtre, car malheureusement il n’est pas assez outillé pour ce travail, à l’exception de certains -qui sont une minorité à mon avis.

Je crois que le problème aujourd’hui est que le critique est devenu, si j’ose le dire, “mondialisé”, il ne lit pas et il ne dispose pas d’outils appropriés pour décortiquer le travail théâtral.

D’ailleurs, la faiblesse de la critique théâtrale est liée à la faiblesse du système d’enseignement, car le théâtre, comme tous les arts, évolue mais le critique, malheureusement, demeure à l’écart des nouvelles connaissances.

La semaine de la Journée mondiale du théâtre a atteint cette année sa cinquième édition. Que peut apporter cet événement à la scène théâtrale tunisienne?

La semaine de la Journée mondiale du théâtre est un projet auquel j’ai toujours cru. De ce point de vue, le théâtre tunisien a besoin de s’ouvrir sur les différentes expériences internationales et d’en tirer profit. Nous avons, au cours de cette édition, à accueillir 11 œuvres dont quatre pièces syriennes ainsi que des œuvres en provenance de l’Italie, du Canada et de la Belgique.

Nous avons soutenu la coopération entre le théâtre Tunisien et les régions à travers la production d’une oeuvre du Centre des arts dramatiques et scéniques de Tataouine “Marché Noir” d’Ali Yahyaoui, qui sera présentée en première lors de cette manifestation.

Nous avons établi également un jumelage entre cette Semaine et le festival Ezzeddine Gannoun pour le théâtre.

Je crois que la Semaine de la Journée mondiale du théâtre est une belle occasion pour les hommes de théâtre tunisiens, notamment ceux qui ne peuvent pas se déplacer ailleurs, pour voir des pièces internationales.

Vous êtes actuellement sur une nouvelle oeuvre que vous signez en tant que metteur en scène, pouvez nous en parler?

Après “Violence(s)” et “Peur(s)”, je vais évoquer le rêve apte à se concrétiser, le rêve commun de tous les Tunisiens, celui de la vrai démocratie, de l’égalité, de la justice et du développement…