Tunisie : prémices d’un automne très, très chaud

tunisie_ville-societe.jpgTraditionnellement, l’automne est socialement très chaud. Celui qui pointe à l’horizon non seulement ne devrait pas faire exception, mais risque même d’être beaucoup plus chaud que d’habitude. Car l’été 2016, comme l’indique le rapport pour le mois de juillet de l’Observatoire Social Tunisien (OST) du Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) qui touche à sa fin a été moins paisible sur le front social qu’il ne l’est généralement.

En effet, juillet 2016 a vu se dérouler un véritable «sirocco» social, puisque le nombre des mouvements sociaux a plus que doublé à 568. Pourtant, avec 398 mouvements sociaux en juin dernier on pouvait penser que l’été allait être aussi calme que par le passé. «Ainsi que les années précédentes l’ont montré, la période estivale se caractérise généralement par un recul des mouvements de protestation (…) en raison de facteurs objectifs, dont les vacances, la séance unique, les congés des fonctionnaires, etc.», confirme l’introduction du rapport.

Alors comment expliquer l’exception de l’été 2016? Le rapport de l’OST impute ce «regain des protestations» à l’apparition de comportements protestataires en rapport avec des problématiques qui, jusqu’ici, n’en suscitaient pas.

Le premier est, selon les auteurs du rapport, «la situation de trouble du paysage politique tunisien suite à l’initiative du président de la république en vue de former un gouvernement d’union nationale » et, par conséquent, «qu’on mette l’accent sur cette initiative et qu’on ne s’occupe pas suffisamment des nombreux dossiers».

Ensuite, la vague de chaleur et de coupures d’eau potable dans de nombreuses régions «et son absence ou mauvaise qualité dans d’autres» et qui «ont été l’axe principal des mouvements protestataires sociaux».

Troisième facteur, «le développement relatif des protestations à motivations environnementales »; explique le rapport, parce que certaines régions confrontées à ce problème n’ont pas été le théâtre de manifestations «peut être parce que (les) questions de subsistance y constituent le principal problème des habitants, comme la question de l’eau… ».

Quatrième domaine à devenir objet de mouvements sociaux, la santé. A ce sujet, le rapport constate que les protestations de cette nature se concentrent dans les régions de l’intérieur très démunies dans ce domaine. Si dans les villes, ces mouvements restent individuels, ils prennent une nature collective dans l’intérieur du pays.

Cinquième terrain de déploiement du mécontentement, voire de la colère, de différentes régions et catégories, l’administration. Les protestations contre les structures administratives restent «importantes » car, selon le rapport «l’administration est le corollaire du pouvoir ».

Enfin, les mouvements sociaux ayant des motivations économiques «font leur apparition de nouveau» pour «demander l’accès au développement» et «la restriction de la marginalisation des régions de l’intérieur». Bien que refluant parfois, ce genre de manifestations finit toujours par reprendre de l’ampleur et «cela est dû à l’absence de traitement en profondeur des problématiques de développement régional et d’activation des outils de la discrimination positive». En plus de ces diverses sources de malaise et de tension sociaux, la prochaine rentrée risque d’être particulièrement tendue en raison de l’évocation par diverses figures politiques d’une application plus stricte de la loi –voire d’une «militarisation » des zones concernées- contre les mouvements et les groupes entravant la marche normale des unités de productions et de la libre circulation sur les routes et la voie ferrée vers et de ces unités.