Portée politique de l’initiative du président de la République, Béji Caïd Essebsi

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bce-essid-gouvernement-tunisie.jpgForce est de constater que l’initiative de Monsieur le président de la République pour la formation d’un gouvernement d’Unité Nationale est un aveu sanglant de l’échec de la politique du 2ème gouvernement de Monsieur Habib ESSID.

Et pourtant, interrogé sur un éventuel remaniement ministériel au mois de mars 2016, Monsieur Béji Caïd Essebsi déclaré que l’évaluation de l’action du chef du Gouvernement et de ses Ministres pourrait intervenir à la fin de l’année 2016, il est trop tôt, déclarait-il, de procéder à cette évaluation et il serait injuste d’établir un bilan de l’action gouvernementale après un an d’activité.

Erreur d’appréciation du Chef de l’Etat, semble-t-il. Monsieur Béji Caïd Essebsi ignorait-il qu’en France, Madame Edith CRESSON, 1ère femme Premier Ministre de la France sous la Présidence de Feu François MITTERRAND, a été Premier ministre du 15 mai 1991 au 02 avril 1992, soit environ 10 mois d’exercice. Elle aurait démissionné de ses fonctions à la demande du président de la République pour être remplacée par Monsieur Pierre BEREGOVOY.

Partant de cette référence française, le chef du Gouvernement tunisien, Monsieur Habib ESSID, aurait pu être relevé de ses fonctions conformément aux règles de la nouvelle Constitution tunisienne (démission, ou vote d’une motion de censure par l’Assemblée des représentants du peuple), d’autant plus que l’opposition demandait son départ. Il est reproché au Gouvernement son incapacité à proposer des mesures urgentes pour redresser la situation économique, sociale et financière du pays, notamment la résorption du chômage qui touche de plus en plus les jeunes diplômés.

Les qualités humaines, le dévouement, le sérieux, l’engagement politique de Monsieur Habib ESSID ne sont pas remis en cause par toute la classe politique tunisienne, la société civile, et ce, à ce jour, il convient même de lui rendre hommage, car Monsieur Habib ESSID ne disposait pas de moyens financiers suffisants pour mettre en place la politique pour laquelle il s’est engagée devant les députés.

La crise grave qui secoue la Tunisie dans tous les secteurs de ses activités n’est pas liée, à mon sens, à l’efficacité de tel ou tel Gouvernement. N’oublions pas que la Tunisie a connu 8 GOUVERNEMENTS depuis la révolution, c’est dire que le problème de fond n’est pas lié aux personnes.

En effet, aucun gouvernement n’a pu, malgré sa bonne volonté, surmonter les crises qui ont secoué le pays, le seul point notable dans l’action gouvernementale est sa lutte contre le terrorisme où les forces de l’ordre (Armée, Garde Nationale et Police) enregistrent des succès significatifs dans ce domaine, certes au détriment de martyrs de la nation.

Les problèmes réels auxquels est confronté le pays sont de 3 ordres:

– Le premier, que j’ai expliqué dans un article précédent, est lié à une crise de confiance. Le peuple tunisien ne fait plus confiance à ses dirigeants et n’écoute plus ses gouvernants qui ne sont plus crédibles, notamment dans leurs discours politiques et le déficit de communication enregistré, celui du Président de la République et du Gouvernement n’a fait qu’accentuer cette crise de confiance, qu’il convient de rétablir dans les meilleurs délais, d’autant plus que cette crise à des incidences néfastes sur l’investissement national et étranger.

– Le second facteur de la crise est financier: manque de moyens financiers pour la mise en place de grands projets économiques nationaux, ce qui explique le recours de l’ETAT à plus d’endettement auprès du FMI, la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et l’Union européenne, nonobstant les garanties accordées à la Tunisie, afin qu’elle puisse emprunter sur le marché international.

Il est regrettable de constater qu’une bonne partie de ces crédits n’a pas été injectée dans des investissements permettant ainsi une croissance et, par voie de conséquence, la création d’emplois. Force est de constater que la quasi-totalité des emprunts depuis la révolution ont servi pour la consommation et le paiement des salaires.

– Le 3ème facteur de la crise est lié à l’absence d’un véritable projet national fixant des priorités nationales, régionales et locales pour l’ensemble des secteurs de l’économie (investissements, formation, lutte contre le chômage, inflation, etc.).

La proposition du chef de l’Etat -appel à un gouvernement d’unité nationale- pourrait avoir au moins pour mérite d’apporter une solution au 3ème facteur de la crise évoqué ci-dessus. Pour le reste, le salut de la Tunisie tient à l’effort, au soutien de pays amis qui pourraient -et la volonté existe chez eux, je crois- fournir une aide financière massive sous forme de dons et non de prêts pour faire décoller l’économie tunisienne.