Tunisie – TA : 14 ordinateurs volés et uniquement 150 mille dinars de budget

 

tribunal-administratif-680.jpgUn tribunal administratif efficient malgré son manque de moyens, aussi bien humains que matériels. «Que pouvons-nous exiger d’un tribunal dont le budget de gestion ne dépasse pas les 150 mille dinars et qui n’est même pas sécurisé? Imaginez, le gardien a osé voler 14 ordinateurs parce qu’il n’y a pas de système de surveillance, ni caméra et ni système d’alarme», s’est indigné Chawki Tabib, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption à l’occasion de la journée d’études sur le rôle du juge administratif dans la lutte contre la corruption.

«Si le juge administratif n’est pas, par définition, le juge de répression pénale, l’examen de sa jurisprudence sur une longue période montre qu’il est conduit, régulièrement, à prononcer des décisions qui, de près ou de loin, ont un lien avec des affaires de corruption ou avec d’autres infractions qui leur sont associées (prise illégale d’intérêts, favoritisme, trafic d’influence…). Le juge administratif a affirmé son autonomie vis-à-vis du juge pénal, tant pour ce qui est du traitement des atteintes à la probité que pour ce qui concerne leur impact sur le contentieux de la légalité», lisons-nous sur la feuille de présentation de la journée.

Ce qui est une évidence en elle-même car dans l’histoire de la Tunisie, le Tribunal administratif a été le seul front de résistance contre les décisions abusives émanant de l’Etat ou de ses institutions quelles qu’elles soient. Certains jugements qu’il a émis ont été exécutés, d’autres se sont confrontés au refus du pouvoir exécutif de les appliquer.

Ghazi Jeribi, à l’époque président du Tribunal administratif, aurait même refusé une sollicitation de l’ancien président Ben Ali pour réviser une décision émanant de son tribunal! Contrairement à ce que l’on pense, il n’a pas été révoqué de son poste dans l’ère dictatoriale mais plutôt dans la prétendue ère démocratique. La décision fut prise sans raison valable ce qui avait, en 2011, soulevé un tollé chez les juges administrative et elle s’apparentait plus à du népotisme qu’à autre chose. Mais les pratiques restent et les appellations changent.

Aujourd’hui même d’aucuns au sein du TA crient haut et fort leur indignation car le président du Tribunal serait «d’appartenance nahdhaoui», ce qui pourrait nuire à sa neutralité et son impartialité. «Il est évident que la neutralité des juges est une condition sine qua none dans accomplissement au mieux de notre mission. Mais le plus important pour moi, et au-delà des convictions idéologiques des uns et des autres, c’est la vigilance de tous pour que les jugements rendus ne nuisent pas au statut prestigieux d’un Tribunal réputé pour ses positions indépendantes de tout pouvoir», explique Ahmed Souab, juge administratif (lire notre article: Portrait: Ahmed Souab ou le juge syndicaliste).

Ce qui est attendu des juges est que leurs opinions personnelles n’interfèrent pas avec l’obligation d’impartialité. Toute décision doit s’appuyer sur les éléments du dossier et ne doit pas être la conséquence d’opinions personnelles.

Il est malheureux que, dans la Tunisie d’aujourd’hui, les rapports de confiance entre les justiciables et la magistrature soient ébranlés. Il est encore plus malheureux que le TA -qui a de tous les temps représenté l’exemple même de la neutralité et du courage- soit menacé de virer de bord!

Pendant au moins une décennie, le droit administratif tunisien a figuré parmi les plus avancés dans le pourtour méditerranéen, malgré des moyens très réduits. Aujourd’hui saura-t-on garder ce temple?