Tunisie – Economie : L’artisanat de Sidi Bousaid, victime collatérale des attentats du Bardo et Sousse

Par : TAP

artisanat-sidi-bou.jpgLe paysage paradisiaque du célèbre village de Sidi Bousaid, qui a toujours inspiré les artistes et les écrivains, n’a pas changé. Mais, l’activité touristique n’y est pas de la même densité, depuis que les croisiéristes ont boudé la Tunisie, découragés par la situation sécuritaire et les attentats du Bardo (18 mars 2015) et de Sousse (26 juin 2015).

Aujourd’hui, même si le village de Sidi Bousaid conserve sa beauté, les artisans qui y sont installés et gagnent leur vie grâce aux petits métiers liés au tourisme sont en détresse. Ils disent que tout a changé en pire.

Dans ce site classé patrimoine mondial par l’UNESCO et 13ème village le plus charmant au monde par le magazine de voyages “WhenOnearth”, environ 125 artisans sont installés sur le chemin qui mène au sommet de la colline, surplombant le magnifique Port de plaisance de Sidi Bousaid. Ils ne se présentent plus comme des “privilégiés” occupant la principale ruelle du village où le va-et-vient ne s’arrête jamais. Ils ne sont plus les bénéficiaires du trafic dans ce célèbre site qui accueillait environ 100.000 visiteurs par jour pendant les week-ends et la belle saison.

Leurs visages sont plutôt sombres, car leurs commerces ne sont plus prospères. En cette période d’automne, les touristes se comptent sur les doigts de la main…

Seuls quelques locaux regorgeant de divers produits artisanaux (djebbas, accessoires en argent..) et de “souvenirs de Tunisie” sont encore ouverts.

Certains de leurs propriétaires ont refusé de parler à l’agence TAP. Ils se disent “amers et déçus de tout”. Même les célèbres cafés de Sidi Bousaid sont presque désertés en cette matinée ensoleillée.

“Nous ne pouvons plus payer nos impôts”

Tous disent que rien ne va, depuis les attentats du Bardo et de Sousse qui ont ciblé les touristes et mené à une grave crise touchant de plein fouet le tourisme et son corollaire, l’artisanat.

Noureddine Midouni, qui compte 30 ans de métier, déclare, lui, que les affaires marchaient bien auparavant. “On travaillait bien et on payait les impôts, aujourd’hui, nous ne pouvons plus payer nos crédits envers la CNSS et la municipalité”.

Certains d’entre eux considèrent que la crise du tourisme tunisien remonte à plus loin, à l’époque où le clan Trabelsi faisait la loi.

“Les touristes que des bus transportaient, dans le temps, jusqu’au parking de Sidi Bousaid, espace dédié aux véhicules mais aussi place entourée par les commerces de l’artisanat, n’atteignaient plus nos locaux, sur instructions de Belhassen Trabelsi, gendre du président déchu”. “Les attentats du Bardo et de Sousse nous ont réduit à néant”, se lamente Midouni, relevant que certains de ses collègues ont vendu leurs meubles pour subvenir aux besoins de leurs familles.

Dans ce village chargé d’histoires et qui conserve le nom d’Abou Saïd Khalaf Ibn Yahya El-Tamimi El-Béji, alias Sidi Bou Saïd, l’attentisme est devenu le maître-mot. La renommée du site méditerranéen n’a pas sauvé les artisans.

Belhassen Dridi, assis devant son commerce, l’air révolté, ne mâche pas ses mots. “Personne ne pense à nous. Ils cherchent tous leurs propres intérêts et ne pensent qu’à conserver leurs postes”, accuse-t-il, en faisant allusion aux hauts responsables du secteur touristique.

Les ventes de l’artisanat à Sidi Bousaid ont baissé de 90% d’après lui. C’est toute la chaîne qui est en panne, depuis le Port de La Goulette qu’il qualifie de “Vitrine de la Tunisie”. “Si nous travaillons, tout le monde en profite -les taxis, les cafés, les banques-, car nous générons des devises”, s’efforce d’expliquer l’artisan.

“Les artisans sont marginalisés? Le tourisme même est marginalisé. Les déchets partout. Où sont les responsables? Où est la ministre du Tourisme, nous ne l’avons pas vue”, s’est-t-il révolté…

“La mue de Sidi Bousaid ne plait pas à ses habitants”

Des habitants et des commerçants de ce village racontent des histoires diverses du tournant qu’a pris Sidi Bousaid après la révolution.

Ils disent que les monuments phares de ce village, dont le célèbre café “El Alia”, ne sont plus gérés comme avant. Ils ont perdu de leur attraction, certains pour les tarifs exagérés appliqués après la révolution et d’autres parce qu’ils ont de nouveaux gérants désintéressés de l’art et de l’histoire.

Pourtant, le village, qui présente un parfait mariage du bleu et du blanc, avait depuis des siècles séduit d’éminentes personnalités.

L’histoire de l’un de ses plus célèbres hôtes, le Baron Rodolphe d’Erlanger, banquier britannique d’origine allemande, féru de musique et de peintre, est fortement liée à la destinée du village.

Saisi par la beauté du site, le banquier fit construire son palais qu’il nomma ” Nejma Ezzahra”, d’une architecture essentiellement orientaliste”. Il était à l’origine du décret beylical du 6 août 1915, sauvegardant le village et c’est lui qui poussa à instaurer le blanc et le bleu dans tout Sidi Bousaid.

WMC/TAP