Tunisie – Développement régional : La finance alternative, solution miracle?!

entrep-tunisie-2013-680.jpgLe développement régional, c’est une méthodologie et une vision. Une fois les deux réunies, la finance alternative possède réponse à tous les appels de financement du développement dans les régions. Sous réserve toutefois d’adopter la gouvernance adéquate dans la gestion des régions. Un pari sur le basculement vers la démocratie locale, socle irremplaçable de l’état de droit et des institutions !

Le séminaire de finance alternative en est à sa quatrième édition annuelle. Le concept semble trouver sa voie. Et, comme à l’accoutumée, l’ambassade de Grande-Bretagne a sponsorisé cette manifestation organisée par la CBA (Carthage Business Angels), dirigée par Mondher Khanfir. Et c’est un thème choc qui a été retenu pour cette année, à savoir le bridging entre développement régional et finance alternative.

Faire repartir le développement régional du bon pied c’est  l’assurance de se mettre sur la voie de l’intégration régionale cohérente et intelligente. Avec à la clé de la croissance inclusive. Que faut-il pour cela? Une -nouvelle- vision d’ensemble du développement régional, avec un découpage territorial adéquat et surtout une gouvernance émancipée pour les régions. Ce serait un topo similaire aux deux expériences fructueuses de la Corée du Sud ou la Pologne. Et, la finance alternative fera le reste. Entre les deux, il faudra, dira Jalloul Ayed, président d’honneur de l’Association, conférer une pouvoirisation aux régions. Et, Maher Kalel, président en exercice, de préciser que cette perspective est tout à fait en ligne avec la Constitution actuelle.

La vision a fait défaut

Hélas, on a eu tout faux en matière de développement régional. La politique publique en matière d’économie régionale était bancale. Elle n’a pu gommer ni injustices ni déséquilibres. L’exclusion sociale a fini par dynamiter la maison Tunisie. Comment dès lors stimuler une convergence entre le littoral, les régions de l’intérieur et les régions frontalières?

Voici l’interrogation majeure soulevée par ce séminaire. Pour faire simplet, que faut-il faire pour que l’environnement de vie et de travail soit équivalent entre le littoral et l’intérieur du pays? Voilà c’est dit.

Il faudra, à l’avenir, se démarquer de la répartition administrative et politique du territoire. Jusque-là, on a cloisonné des espaces territoriaux, pour finir par les enclaver. Les horizontalités ont fait défaut. Les administrations régionales travaillaient en solo sans plan de concertation. Les dotations budgétaires étaient engagées selon une clé de répartition, pensée par une administration centrale, découplée de la réalité du terrain. Il s’en est suivi une infrastructure clairsemée, impuissante à enclencher une connectivité économique effective entre les régions.

La répartition spatiale de la création de la valeur était torpillée par des disparités flagrantes. Les indicateurs de performance étaient absents et on naviguait, au petit bonheur la chance, sans objectif global. Par conséquent, pour faire du neuf il ne faut pas tomber, alertent les organisateurs, dans le jeu de la décentralisation. Ce ne serait qu’un toilettage de surface de l’ancienne politique.

Une nouvelle vision d’ensemble a été présentée. Taieb Hadhri, ancien ministre et actuellement consultant, Pr Mohamed Haddar, président de l’ASECTU, Taieb Boubaya de l’UTICA, Mohamed Salah Frad, président du Fonds UFGS, Jamel Belhaj, DG de la CDC ont contribué à forger une idée claire de ce que doit être l’aménagement du territoire et la planification du développement régional. Ils ont créé une méthode tunisienne d’inspiration personnelle sans rien prendre de ce qui existe ailleurs. C’est 100% un effort de génie national.

On voit en effet se profiler une feuille de route avec ses tenants et ses aboutissants. Fini le charcutage sans finalité. Une fois la vision a pris forme, elle est immédiatement implémentable aux sensibilités des régions. Tout porte à croire que cela crée les conditions d’une attractivité pour les investissements autant étrangers que nationaux. Et les moyens de financement suivront avec la perspective d’une intégration économique, fatalement inclusive.

Des chaînes de valeur locales

Le potentiel local doit procurer le boost du décollage de chaque ensemble régional, individualisé. Pour parler franchement, on dira que les ressources naturelles devront profiter en partie aux régions de sorte à impulser une chaîne de valeur pour l’environnement immédiat.  

La répartition sociale de la prospérité ne sera jamais identique, mais au moins elle aura pour effet de converger et de pousser à l’intégration. Un mix entre investissement public et privé est la clé de cette réussite. Or, toutes les expériences locales réalisées à ce jour ont abouti à des résultats contrariants. Gafsa a reçu le plus important flux d’investissement public et pourtant elle se classe en queue de peloton en matière de développement.

Mais l’investissement sans planification ne suffit pas. Monastir a bénéficié d’un important afflux d’investissements publics et privés, mais elle n’arrive pas à s’auto-propulser. Tout ce qui peut être pensé hors localité va à contrecourant. Rien n’y fait, Local Men know local business, dit un adage américain. Il est temps de transférer aux régions un pouvoir de décision affectif. Cela sera différent de ce qu’on appelait auparavant l’autonomie financière et administrative. La région doit être reconnue comme autorité politique institutionnelle avec autorité pour de décision et une fiscalité propre. A cette condition, l’identification des projets de développement découlera de la réalité locale. Et l’interfaçage avec la planification devient une affaire d’intelligence de perception.

Dans cette perspective, comment les organisateurs insèrent-ils la formule de financement du développement régional et quelle serait son originalité?

L’apport de la finance alternative

Une fois le pouvoir régional institutionnalisé, les régions ne seront plus à la merci des allocations budgétaires. L’investissement public souffre d’un double handicap. Outre qu’il est insuffisant, il n’est effectivement réalisé, dans les régions, qu’à hauteur de 45%.

Inefficace et lourd, l’investissement budgétaire pourrait être remplacé par une formule d’un derwriting public, c’est-à-dire une garantie de l’Etat pour couvrir les émissions que les régions pourraient faire en leur nom propre en allant sur le marché.

On peut faire confiance aux organisateurs pour configurer un dispositif de Fonds Equity, ces précieux fonds propres qui assurent le financement le plus sain pour les projets.

Souveraines pour leurs finances publiques, les régions auraient les mains libres pour faire souscrire jusque leurs originaires basés à l’étranger. Des compartiments de Bourse dédiés à ces fonds peuvent être montés en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Le sous-développement des régions n’est plus une fatalité dans le système ainsi refondé. Et la finance alternative répondrait à tous les appels de capitaux nécessaires au décollage des bases locales. Une densification du tissu local peut être également soutenue et pourvue par les associations de microcrédit destinées à appuyer l’économie sociale et solidaire laquelle peut libérer bien des énergies.

Courir deux lièvres à la fois

Le timing du séminaire nous semble bien ciblé par les organisateurs. Dans l’effervescence ambiante de réformes tous azimuts, agiter la problématique de la régionalisation est on ne peut plus opportun.

Le cadre y est-il propice? A priori, il existe une plateforme constitutionnelle favorable. Comment dès lors pousser dans cette direction? On ne sait trop. Quelle partie sur la scène politique nationale pourrait faire un lobbying dans cette direction? La question reste entière.

Il est reconfortant de voir que les résolutions de ce séminaire et toutes les contributions des participants peuvent constituer une rallonge à la Note d’orientation du Plan quinquennal de développement. Tout ce qui a été dit et présenté est immédiatement exploitable. Cela vaut autant pour le découpage régional que pour la finance alternative.

Des solutions à la clé ont été avancées, prêtes à l’application. Une régionalisation optimisée, par son effet de synergie, est le sel du dynamisme économique et de la croissance inclusive.

Pour sa part, la finance alternative pourrait pourvoir à tous les appels en financement du développement régional. Cependant, les organisateurs doivent prendre conscience qu’ils courent deux lièvres à la fois: instituer un pouvoir régional et promouvoir la finance alternative régionale. Ils ont su donner de la voix. Parviendront-ils à se faire entendre?