L’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) entre l’UE et la Tunisie en 10 questions

Par : Tallel

tunis-ue-2014-680.jpgLa Tunisie et l’Union européenne ont déjà une longue expérience de relations commerciales fructueuses. L’Union européenne est de loin le premier partenaire commercial de la Tunisie. Plus de la moitié des échanges commerciaux de la Tunisie se font avec l’UE. C’est aussi le premier investisseur étranger dans le pays.

Les exportations vers l’UE ont ainsi représenté 74,3% du total des exportations tunisiennes, et 52,8% du total des importations en 2014. La Tunisie est l’un des partenaires commerciaux de l’UE les plus établis dans la région méditerranéenne.

En 2014, les échanges commerciaux de la Tunisie avec l’Union européenne, ont continué à évoluer. Ainsi, les exportations ont enregistré un accroissement de 6.9% durant l’année 2014 par rapport à l’année 2013. Les importations en provenance de l’union européenne ont progressé de 1.1%.

1- Qu’est-ce que ça veut dire ALECA?

L’Accord de libre-échange complet et approfondi –connu par son acronyme ALECA- n’est pas un nouvel accord commercial mais une intégration plus profonde de l’économie tunisienne dans l’espace euro-méditerranéen. Il vise à compléter et à approfondir la zone de libre-échange pour les produits manufacturés, mise en place suite à la signature de l’Accord d’association signé en 1995.

En effet, l’Accord d’association prévoyait uniquement l’élimination des tarifs douaniers pour le commerce des produits industriels. Donc, le seul avantage des produits tunisiens étaient de pouvoir être exportés vers l’UE à droit de douane nul.

L’ALECA est une étape logique qui vient compléter cette ouverture existante par une intégration plus poussée de la Tunisie dans l’économie européenne, en réduisant les obstacles non tarifaires, en simplifiant et facilitant les procédures douanières, en libéralisant le commerce des services, en assurant la protection de l’investissement et en harmonisant les réglementations dans plusieurs domaines de l’environnement commercial et économique.

2- Quels sont les bénéfices du futur ALECA?

L’ALECA concrétise un objectif majeur du Partenariat Privilégié agrée en Novembre 2012 et constitue un instrument d’intégration de l’économie de la Tunisie dans le marché intérieur de l’UE.

L’ALECA a pour objectif une intégration plus étroite dans l’espace économique européen et se base sur le rapprochement de la législation tunisienne vers l’acquis communautaire, là où ça sera avantageux. Par conséquent, il permettra aux produits tunisiens d’accéder plus facilement au marché européen de 500 millions des consommateurs, notamment grâce à la réduction des barrières non tarifaires au commerce et la facilitation des procédures douanières; il améliorera les conditions d’investissement et le climat des affaires, qui seront plus favorables grâce à un cadre réglementaire plus prévisible et plus stable et plus proche à celui de l’UE; il facilitera la participation des entreprises des deux parties dans le cadre des passations de la commande publique.

L’adaptation progressive de l’économie tunisienne aux normes européennes devrait également contribuer à hausser la qualité des produits et services tunisiens, ce qui sera bénéfique aussi aux consommateurs tunisiens, et améliorera leur accès aux autres marchés.

3- Pourquoi un ALECA avec la Tunisie?

L’UE est en train de négocier une nouvelle génération d’accords commerciaux avec des partenaires de grande envergure (Etats-Unis, Japon, etc.). Le choix de la Tunisie pour négocier un ALECA montre une fois de plus l’importance que l’UE donne à la Tunisie, son partenaire privilégié, qui a un rôle dynamisant clé dans le processus d’intégration dans la région méditerranéenne.

La Tunisie est depuis toujours bien intégrée avec un nombre limité de pays européens, à savoir la France, l’Italie et d’une moindre mesure l’Allemagne qui absorbent à elles seules 76% des exportations Tunisiennes. L’ALECA pourrait devenir un vecteur d’une intégration plus profonde et équilibrée de la Tunisie dans un nombre plus important des pays européens.

4- ALECA : où en est-on?

Une commission nationale dédiée à l’ALECA a été créée sous l’égide du Ministère du Commerce et de l’Artisanat et travaille pour identifier les intérêts et priorités de la Tunisie, en termes d’ouverture réciproque et de rapprochement réglementaire, et négocier l’accord. Elle a aussi pour mission d’évaluer et anticiper les impacts du nouvel accord sur les secteurs, notamment sur ceux les plus sensibles, et de consulter les parties intéressées en Tunisie, notamment la société civile et le secteur privé.

Trois réunions préparatoires entre DG Trade et le ministère du Commerce ont eu lieu depuis 2012. La dernière réunion, du 19 juin 2014 à Tunis, a conclu le processus préparatoire et ouvert la voie à la décision du lancement des négociations.

L’annonce officielle a été prononcée par le chef du gouvernement, Habib Essid, à l’occasion de sa rencontre avec la Haute représentante de l’Union européenne, Federica Mogherini à Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le lancement des négociations a eu lieu le 13 octobre 2015 à la présidence du gouvernement à la Kasbah, en présence du Commissaire européen au Commerce, Cecilia Malmström. Le lancement sera suivi par le premier round des négociations la semaine du 19 octobre 2015 à Tunis.

5- Quels sont les domaines couverts par l’ALECA?

L’ALECA couvre plusieurs domaines très diversifiés; tels que le commerce des services, l’établissement et la protection des investissements, le commerce des produits agricoles, agricoles transformés et les produits de la pêche, les marchés publics, les mesures sanitaires et phytosanitaires, la transparence des réglementations, la politique de concurrence, la propriété intellectuelle, les mesures anti-dumping et compensatoires, le développement durable et les aspects liés au commerce de l’énergie.

Etant donné l’importance de fournir un soutien adéquat à la mise en œuvre de l’ALECA, et en particulier appuyer le processus de rapprochement réglementaire et l’exécution des engagements, l’ALECA va créer un cadre qui facilitera la coopération dans les domaines mentionnés ci-dessus.

6- La Tunisie est en train de définir son propre modèle économique. Y a-t-il des réformes que la Tunisie doit mettre en place pour bénéficier de l’ALECA?

 

L’ALECA devra être un accord dynamique et vivant, qui tiendra compte du niveau de développement de la Tunisie et correspondra à ses efforts de réforme et de modernisation. Beaucoup de réformes souhaitées dans le cadre de l’ALECA sont les mêmes qui sont actuellement en cours ou déjà prévues par la Tunisie. Le travail de convergence réglementaire a en effet bien commencé dans de nombreux domaines couverts par le futur ALECA, tels les marchés publics, la politique de la concurrence et obstacles techniques au commerce.

Le nouvel accord respectera entièrement les choix souverains de la Tunisie, y inclus le choix de son nouveau modèle de développement. L’Union européenne adaptera ses offres et ses demandes à l’agenda des réformes économiques et les priorités choisies par la Tunisie. C’est aussi le cas en Europe, où le marché intérieur permet à chacun des 28 états membres de choisir le modèle économique qui correspond le mieux à ses besoins et spécificités.

7- Une évaluation de l’impact commercial durable de l’ALECA a été menée : avec quels résultats?

Une étude indépendante de l’évaluation de l’impact de l’accord commercial durable en support des négociations pour un ALECA entre l’UE et la Tunisie, a été commandée par la Commission européenne à des consultants externes (société Ecorys), et ce suite à la demande du Parlement Européen. Cette étude a été préparée, entre autres, sur la base de consultations publiques avec l’administration et la société civile qui ont eu lieu tant à Tunis qu’à Bruxelles.

Le rapport présente une analyse complète des dimensions économique, sociale et environnementale de l’accord, et montre que l’ALECA UE-Tunisie devrait avoir un impact macroéconomique positif pour la Tunisie. Il inclut aussi les conclusions des études sectorielles approfondies. Les effets attendus en termes de variation de la valeur ajoutée et celle des échanges commerciaux sont importants surtout pour les secteurs les plus protégés.

L’étude est disponible sur le site: http://www.trade-sia.com/tunisia/

8- Quels sont les aspects juridiques et institutionnels de l’ALECA?

Une fois les négociations terminées, l’Union européenne et la Tunisie devront procéder aux ratifications prévues par leur propre Constitution. En ce qui concerne l’Union européenne, le texte final sera présenté pour ratification aux deux autorités législatives, à savoir le Parlement européen et le Conseil.

Une fois ratifié par chaque partie, l’ALECA fera partie intégrante de l’Accord d’association entre UE et Tunisie conclu en 1995. Il reposera sur le cadre institutionnel existant de l’Accord d’association, complété le cas échéant par des mécanismes spécifiques (par exemple dans les domaines des engagements en matière de rapprochement réglementaire, ou du commerce et du développement durable).

9- Comment l’Union européenne entend-elle accompagner la Tunisie?

La Tunisie est un pays auquel l’UE prête toute son attention. L’appui financier de l’Union Européenne a plus que doublé depuis la révolution de 2011, pour accompagner la Tunisie dans cette phase historique et assurer la pleine réussite de sa transition politique.

L’UE mettra à la disposition de la Tunisie un niveau conséquent d’assistance technique en vue d’accompagner les négociations, et la mise en œuvre du futur accord. L’accompagnement à l’ALECA est considéré comme un des axes prioritaires de notre coopération à l’avenir.

Nous discutons aujourd’hui avec les autorités tunisiennes des mesures d’accompagnement et des instruments les mieux adaptés à répondre aux besoins qui ont été identifiés. On ne peut pas délimiter aujourd’hui d’une manière précise le champ de notre soutien qui sera lui aussi un processus continu. De nouveaux besoins vont apparaître au cours des négociations et de la mise en œuvre de l’accord, auxquels nous devrons nous adapter.

10- Pourquoi l’implication de la société civile dans ce processus est importante?

L’implication de la société civile aussi bien tunisienne qu’européenne dans le processus de préparation et de négociation de l’ALECA est primordiale. En effet, la société civile doit contribuer à la définition des priorités pour la négociation, et à comment atteindre ses objectifs.

Un site internet a été mis en place par le ministère tunisien du Commerce pour animer les échanges de la société civile: http://www.tunisie-ue-aleca.tn/  

Plusieurs réunions d’échange avec des représentants de la société civile tunisienne ont eu lieu tout au long du processus préparatoire et d’autres réunions de consultation sont prévues dans le futur.