UE – Quota supplémentaire de l’huile d’olive tunisienne : Aide ou appât?

huile_olive-10102015.jpgEn vertu d’une proposition législative, adoptée le 17 septembre 2015, la Commission européenne offre temporairement, à la Tunisie un quota tarifaire unilatéral exempté de droit de douane de 35.000 tonnes d’huile d’olive, jusqu’à fin 2017, et ce en plus des 56.700 tonnes déjà prévus par l’accord d’association entre la Tunisie et l’Union européenne. Cette proposition n’est pas applicable immédiatement. Elle sera soumise, au préalable au Conseil et au Parlement européens pour examen et adoption formelle avant son entrée en vigueur.

Le débat risque d’être houleux en raison de l’opposition des oléiculteurs italiens à ce quota supplémentaire. Une virulente campagne est, actuellement, menée contre cette proposition par la Confédération générale de l’agriculture de Taranto (une ville du sud-est de l’Italie) et le Mouvement «5 Stelle» (5 Etoiles), dirigé par l’acteur Beppe Grillo.

Les protestataires, qui sont déterminés à saborder cette proposition, sont allés jusqu’à accuser de complicité les représentants de l’Italie à la commission européenne. Ils ne veulent pas de l’huile d’olive tunisienne qui commence à s’imposer sur le marché italien. Selon des statistiques italiennes, les exportations de l’huile d’olive tunisienne a augmenté durant le premier trimestre 2015 au fort taux de 68,1%.

Pourtant si on regarde de près cette proposition, elle présente des faiblesses et failles qui servent plus, sur le moyen et long termes,  les intérêts stratégiques des européens que ceux de la Tunisie. Deux facteurs militent en faveur de cette thèse :

Un quota précieux en cette période

Premièrement, ce quota est exceptionnel et temporaire. Il est de courte durée (deux saisons seulement). La Haute représentante/vice-présidente, Federica Mogherini, a été claire à ce sujet: «Les périodes exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles. La proposition d’aujourd’hui est un signal fort de la solidarité de l’UE avec la Tunisie».

Conséquence: ce quota additionnel est perçu comme une aide, voire comme une assistance et non comme un droit économique en ce sens où la production de l’huile d’olive a fortement baissé en Italie au taux de 35% par l’effet, entre autres, de la bactérie tueuse, et en Espagne -premier producteur mondial d’huile d’olive-, par l’effet de la sécheresse.  

Ces deux pays sont obligés cette année d’importer de l’huile d’olive. L’Espagne a estimé à elle seule ses importations pour cette année à 170.000 tonnes.

La Tunisie dont la production oléicole a été excellente cette année, ne peut en toute logique économique et selon la règle de l’offre et de la demande, que profiter de la situation et exporter l’excédent sur les pays qui en demandent. Et c’est le cas cette année pour toute l’Europe. Selon le ministère de l’industrie, d’ici la fin de l’année en cours, la Tunisie va exporter 265 mille tonnes d’huile d’olive pour un montant record de recettes probables de 2000  MDT, soit 60% de la valeur des exportations alimentaires.

C’est pourquoi qualifier ce quota additionnel d’«aide» me semble déplacé. Et les Italiens qui protestent ont intérêt à se calmer. 

Un quota qui prépare la libéralisation du commerce des produits agricoles

Deuxièmement, ce quota est présenté comme un cadeau du ciel. Ceci est vrai dans la mesure où l’initiative de la commission va entraîner, temporairement, une augmentation des exportations d’huile d’olive tunisienne vers l’Union européenne, et offrir à la Tunisie un avantage économique précieux en cette période récession.

Néanmoins,  au regard des enjeux des prochains rendez tuniso européens, l’initiative ne serait qu’une manœuvre à travers laquelle les européens cherchent à appâter les tunisiens et à les séduire en prévision des négociations pour l’établissement d’un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) lequel prévoit aussi la poursuite de la libéralisation réciproque du commerce agricole. Ces négociations sont prévues pour le 15 octobre 2015. Les négociateurs tunisiens sont avertis. Car les enjeux de la libéralisation des échanges des produits agricoles sont plus délicats que ceux de la libéralisation du commerce des produits industriels, en vigueur depuis 2008.