Accord d’association Tunisie-UE : 20 ans déjà!

tunisie_ue-20062015.jpgLe partenariat avec l’UE a eu des retombées contrastées. Les chefs d’entreprise reconnaissent, toutefois, qu’il a aidé l’économie à s’émanciper. La progressivité du processus de démantèlement des tarifs douaniers a permis de mettre en place le programme de mise à niveau pour conforter la résilience du tissu industriel. La même démarche peut-elle prévaloir pour l’ALECA?

En l’absence du moindre référentiel, la Tunisie a accepté d’ouvrir la voie aux autres pays du pourtour sud de la Méditerranée en étant le premier pays à signer un accord d’association avec l’UE. Celui-ci portait sur la libéralisation des importations industrielles européennes. Qu’en est-il, vingt ans plus tard? Et, sommes-nous plus prêt aujourd’hui à aborder l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA), plus connu sous le statut privilégié, que nous l’étions en juillet 1995 en signant le premier accord?

C’est l’interrogation majeure qui a prévalu lors du dîner débat organisé par l’Economiste maghrébin dans le cadre de son XVIIème Forum international, évènement auquel prenaient part l’ambassadeur européen, Laura Baeza Gilat, et de nombreuses figures tunisiennes et internationales du mondes des affaires, de la politique et de la diplomatie

Un bilan mitigé… 

Vingt ans plus tard, on sait que cet accord ne nous a pas procuré plus de un point de croissance. Est-ce pour autant un accord mirage? Le partenaire européen y voit un cadre généreux. La partie tunisienne le juge plutôt parcimonieux en regard des concours accordés aux PECO. Il faut dire que ce programme n’avait pas une finalité en soi.

Rappelons qu’il représentait un alignement aux accords d’Agadir, c’est-à-dire l’OMC. Ces derniers exigeaient le renoncement pur et simple aux préférences unilatérales. C’était un coup dur pour les pays du pourtour méditerranéen et certains pays africains qui exportaient en Europe en franchise, alors qu’ils percevaient des droits sur les exportations européennes. 

Les craintes de l’époque étaient qu’en ouvrant ses frontières, la Tunisie pourrait voir ses recettes douanières fondre comme neige au soleil outre qu’elle exposait des pans entiers de son tissu industrie à la disparition n’étant pas préparés à la concurrence. Cela a justifié qu’on les épaula par un plan de mise à niveau qui a suscité l’adhésion de quelque 4.000 entreprises. On peut penser que cette sécurité a donné une certaine résilience à l’économie du pays.

En bout de course, on sait que ce projet nous a révélés au monde. Et qu’il nous a aidés à avoir le plus fort taux de produits industriels dans nos exportations, parmi les pays de la région. Enfin qu’il nous a aidés à diversifier notre secteur exportateur en confortant les IME avec le secteur textile.

Ensuite qu’il nous a préparés à surmonter l’abandon des accords multifibres qui libéralisaient totalement les échanges du textile/habillement. On regrette toutefois qu’il n’ait pas facilité, à côté de la libre circulation des biens, celle des hommes encore soumise à visa. On déplore également qu’il n’ait pas aidé à l’émancipation démocratique de la Tunisie pour avoir fermé les yeux sur les pratiques de l’ancien régime. S’agissait-il d’un cadre à ce point statique?

Du partenariat au bon voisinage

Avec l’arrivée de Romano Prodi à la tête de la Commission européenne, les lignes ont bougé. On nous promettait tout sauf les institutions. Et c’était “More for More”. L’aide s’est améliorée. Le pays avait-il parfois manqué de répondant. La BEI nous a réservé une enveloppe de 4 milliards d’euros sur les premiers vingt ans.

Le pays n’a pu utiliser que 800 millions d’euros, faute de projets. Il est vrai que la Tunisie visait en priorité l’enveloppe de donation. Et celle-ci n’était pas à notre avantage. Les PECO ont reçu entre 2004 et 2006 le montant de 500 euros par tête d’habitant, et la Tunisie n’en a perçu que 5,9 euros.

Le fait de ne pas être membre devait-il nous sevrer de cette manne? Nous n’en sommes plus là aujourd’hui et voyons comment les entreprises ont perçu ce premier passage.

Aller à l’international

Les frictions avec la concurrence internationale bousculent le monde de l’entreprise qui s’éveille au rude combat de la productivité et de la compétitivité. Cet électrochoc a été salvateur pour le management national. L’enseignement le plus précieux de l’ouverture aura été, sans conteste, disent les chefs d’entreprise tunisiens, cet appel à l’international.

L’entreprise tunisienne a perdu ses frilosités et a découvert le monde. Elle a sauté le pas et s’est accommodée de l’implantation sur plusieurs pays étrangers. On se souvient que l’on disait à l’époque qu’il fallait suivre l’exemple des entreprises italiennes qui s’arrangeaient pour s’implanter sur plusieurs sites étrangers tout en gardant une structure de PME. Ce challenge est domestiqué, à présent. Maintenant il faut passer à la suite.

Quid de l’ALECA?

Il faut donc suivre le rythme et accepter de passer aux négociations de l’ALECA, cela semble inévitable. Mais avons-nous plus de pouvoir de négociation aujourd’hui qu’il s’agit d’aller vers “l’open sky“, l’ouverture de la grande distribution ainsi que des télécoms/IT enfin de l’agriculture? Il faut au préalable que le gouvernement décide du planning des négociations.

Il semble que cela doive se faire au courant juin 2015. Est-ce qu’il est nécessaire, comme on nous le recommande, d’avoir plus de soutien et d’aller dans ce club puissant du Conseil de l’Europe, comme le Maroc, pour se faire épauler?

A priori quelques axes de coopération semblent acquis. Ainsi en est-il de l’aide pour la gestion des frontières ou du soutien dans la lutte contre le terrorisme. Mais dans l’ensemble, on sent que le pays est traversé par quelques inquiétudes car il ne se sent pas en position de force pour demander des largesses légitimes.

L’Europe acceptera-t-elle de déplafonner les exportations tunisiennes d’huile d’olive? Si on ouvre l’agriculture, pourrions-nous bénéficier des subventions de la Politique agricole commune (PAC)? C’est à plaider.

L’ennui dans tout cela est que l’Europe ne semble pas avoir, encore, un projet pour nous. En comparaison l’IPEMED, qui plaide pour la colocalisation, est nettement plus avancé avec une proposition plus concrète.

Au vu des développements de la situation récente en Méditerranée, devenue, au demeurant, le plus grand cimetière du monde, on sent toujours ce sentiment d’indifférence, et cela est bien révoltant. Proposer comme résolution majeure de renforcer le programme Triton de surveillance de la Méditerranée ne met pas plus d’humanité dans les relations entre les deux rives.

En conclusion, notre sort est entre les mains de nos négociateurs et on leur demande d’être imaginatifs et de ne rien céder non pas sur nos besoins mais sur nos espérances.

A suivre.