Tsipras arrache un accord gazier en Russie avant de rencontrer Poutine

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à Athènes (Photo : ANGELOS TZORTZINIS)

[19/06/2015 09:49:32] Saint-Pétersbourg (AFP) Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a arraché vendredi à Saint-Pétersbourg un accord pour un gazoduc russe de deux milliards d’euros en Grèce, vu d’un mauvais oeil par Bruxelles, avant de rencontrer Vladimir Poutine.

Ce contrat, encore à un stade préliminaire, a tout du camouflet pour les Européens dans un contexte de tensions de plus en plus fortes entre Moscou et les Européens.

Le gel d’actifs du gouvernement russe en France et en Belgique, lié à l’affaire Ioukos, a en effet piqué au vif les autorités et responsables des entreprises publiques russes, réunis dans l’ancienne capitale impériale pour le Forum économique international.

La diplomatie russe a par ailleurs indiqué préparer sa riposte et menacé de “mesures de rétorsions”, a priori juridiques, tout pays qui “s’aventurerait” à autoriser le gel de ses avoirs.

Ce nouveau sujet de discorde assombrit encore l’événement voulu comme un “Davos russe” à destination des investisseurs internationaux présents en Russie, qui se tient sur fond de récession et d’isolation causée par la crise ukrainienne.

Après l’échec des négociations de l’Eurogroupe et avant de rencontrer le président russe dans l’après-midi, le Premier ministre grec a mis la pression sur ses bailleurs de fonds, qui exigent des réformes jugées inacceptables par Athènes pour débloquer une nouvelle aide. Une sortie de la zone euro, hypothèse redoutée en cas de défaut de paiement, signerait “le début de la fin” de cette union monétaire, a-t-il prévenu dans le quotidien autrichien Kurier.

Critique de longue dates des sanctions et en visite en Russie pour la deuxième fois en moins de trois mois, Alexis Tsipras doit rencontrer Vladimir Poutine en fin d’après-midi. Avant même ce rendez-vous, son ministre de l’Energie Panagiotis Lafazanis a paraphé un accord négocié depuis des mois pour prolonger sur le territoire grec le projet de gazoduc TurkStream entre la Russie et la Turquie.

Le document, encore au stade de protocole d’entente, prévoit une construction entre 2016 et 2019 par une société commune détenue à parité, selon le ministre russe de l’Energie Alexandre Novak.

Ce projet constitue un double revers pour les Européens, qui voient Athènes se rapprocher de Moscou et la Russie envisager de renforcer sa capacité de livraison de gaz au marché européen.

Jeudi déjà, Gazprom avait annoncé un accord avec des géants énergétiques européens, l’anglo-néerlandais Shell, l’autrichien OMV et l’allemand EON ouvrant la voie à un doublement des capacités du gazoduc Nord Stream vers l’Allemagne par la Baltique.

– Ambiance de crise –

Isolée comme jamais depuis la Guerre froide et ébranlée par la chute des cours du pétrole, sa principale source de revenus avec le gaz, la Russie traverse elle-même une profonde crise. Elle vient de renouer avec la récession et son produit intérieur brut devrait chuter autour de 3% cette année, selon ses prévisions et celles des organisations internationales.

Le ministre de l’Economie Alexeï Oulioukaïev a répété vendredi qu’il attendait un retour de la croissance dès le quatrième trimestre.

Vladimir Poutine doit s’exprimer lui-même devant les participants du Forum vers 11H00 GMT. Son message est très attendu vu le contexte de difficultés économiques qui ont entraîné des appels aux réformes jeudi à l’ouverture du Forum, son ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine appelant même à une présidentielle anticipée pour donner l’élan nécessaire aux transformations nécessaires au pays.

Il sera aussi très écouté par des investisseurs étrangers venus plus nombreux que l’an dernier, quand l’événement avait été déserté à cause de l’annexion de la Crimée. Mais les investisseurs ont une marge de manoeuvre étroite en raison du contexte économique et diplomatique difficile.

Non seulement les 28 pays membres de l’Union européenne se sont mis d’accord pour formaliser lundi la prolongation des sanctions économiques contre la Russie, mais certains actifs du gouvernement russe en France et en Belgique ont été gelés à la demande des ex-actionnaires de Ioukos, dans le cadre d’une procédure de compensation de son démantèlement contesté.

Cette affaire ramène aux premières années de pouvoir de Vladimir Poutine au début des années 2000, quand la société de l’opposant Mikhaïl Khodorkosvki avait été vendue à la découpe, permettant l’émergence du géant Rosneft.

A Saint-Pétersbourg, elle a provoqué la colère des dirigeants d’entreprises publiques, le président des chemins de fer Vladimir Iakounine rétorquant à l’hypothèse d’un gel concernant sa société: “Je n’ai rien à dire contre les idiots, à part qu’ils devraient s’adresser à un psychiatre”.