Le défaut de la Grèce, un processus inédit et chaotique

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éen et grec, le 25 février 2015 à Athènes (Photo : Louisa Gouliamaki)

[18/06/2015 12:12:26] Paris (AFP) Rien à voir avec une faillite d’entreprise décrétée par un tribunal: si la Grèce devait faire défaut, il s’agirait d’un processus inédit et chaotique, qui pourrait aboutir à sa sortie de la zone euro, voire de l’UE.

Q: “Faillite” ou “défaut”?

Un Etat ne peut “faire faillite” au sens juridique du terme, défini par la “situation d’un commerçant dont le tribunal a constaté la cessation de paiements” et comme la “procédure organisée pour le règlement collectif de cette situation”.

En l’absence de “tribunal” pour les Etats, ou de “procédure organisée pour le règlement collectif”, la Grèce ne peut faire faillite, mais elle risque le “défaut”, l’incapacité à rembourser sa dette, ou au moins à payer les intérêts. Le scénario est désormais ouvertement envisagé par les responsables européens.

Contrairement à ce qui se passe lorsque des créanciers privés ne sont pas remboursés, le défaut ne sera pas prononcé par les agences de notation comme Standard and Poor’s ou Moody’s, qui ne notent pas les obligations grecques détenues par la BCE.

Q: Quand?

La date de tous les dangers est le 30 juin. Ce jour-là, la Grèce doit rembourser environ 1,5 milliard d’euros de prêts du FMI et il est peu probable qu’elle y parvienne sans le déblocage de 7,2 milliards d’euros restant à verser dans le cadre du deuxième plan de sauvetage au pays. Ce plan, en cours depuis 2012, expire également le 30 juin.

La Grèce est dans l’incapacité depuis 2010 de faire comme la majorité des Etats, qui “rafraîchissent” indéfiniment leur dette en empruntant sur le marché. L’Etat grec recourt depuis plusieurs semaines à des montages financiers compliqués pour payer ses fonctionnaires, la note d’électricité des ministères, et rembourser le FMI, mais le système semble avoir touché ses limites.

Si les ministres des Finances de la zone euro ne s’accordent pas pour signer le chèque lors de leur réunion ce jeudi soir à Luxembourg, une solution devra être trouvée très rapidement, un accord devant encore être avalisé par plusieurs parlements nationaux, dont celui de l’Allemagne.

Q: Comment?

Si la Grèce manque officiellement son remboursement du 30 juin au FMI, s’en suivrait probablement un “bank run”, ou panique bancaire, c’est-à-dire une ruée des épargnants et des investisseurs sur les banques grecques, lesquelles se retrouveraient en faillite. Le gouvernement pourrait alors décider de mesures de contrôle de capitaux.

La BCE risque quant à elle de mettre un terme aux fonds d’urgence, la dernière source d’approvisionnement qui maintient les banques grecques en vie. Si la Grèce n’honore pas d’autres paiements attendus le 20 juillet auprès de la BCE, l’institut de Francfort n’aura d’autre choix que de fermer le robinet.

Q: Defaut = Grexit?

La Grèce ne serait pas le premier Etat en situation de défaut, mais il s’agirait d’une situation inédite pour un pays membre d’une union monétaire. La Banque de Grèce a averti qu’un défaut déboucherait sur une sortie de la zone euro (surnommé “Grexit”, contraction de “Greek exit”), et “probablement” de l’Union européenne.

Une sortie qui n’est pas prévue par les traités européens. Le risque serait de créer un phénomène de contagion sur les marchés, qui chercheraient le prochain maillon faible, ouvrant la porte à de nouveaux départs.

Q: Le défaut peut-il encore être évité?

Oui, si les négociations entre la Grèce et ses créanciers, sur un arsenal de réformes et d’engagements budgétaires, prennent un élan décisif et libèrent l’aide de 7,2 milliards d’euros.

A plus long terme, la zone euro et la Grèce ne pourront éviter une discussion sur la lourde dette du pays, qui représente plus de 170% de son Produit intérieur brut.

La situation de la Grèce est toutefois différente de celle de l’Argentine par exemple, qui a fait défaut en 2001, mais qui est encore aux prises aujourd’hui avec des créanciers privés récalcitrants.

La Grèce a elle restructuré en 2012 l’essentiel de sa dette privée. A 70%, sa dette est détenue désormais par des organisations internationales et des Etats.

Q: La dette de la Grèce peut-elle être effacée ?

Le FMI est prêt à envisager un effacement partiel, mais les Européens, dont les États et institutions détiennent plus des trois quarts de la dette grecque qui s’élevait fin mars à 312,7 milliards d’euros, répugnent à ouvrir ce dossier très sensible.

Au-delà de mesures techniques comme un contrôle des capitaux et un rééchelonnement, un effacement pur et simple obligerait les pays créanciers à solder leurs pertes.

Le gouvernement d’Athènes rappelle lui qu’en 2012, les créanciers ont eux-mêmes évoqué des mesures supplémentaires afin “d’assurer une réduction crédible et viable” de la dette, sous certaines conditions.

Il paraît peu probable que le président français ou la chancelière allemande, chacun à deux ans des élections nationales, s’y risquent.