Après un début d’année encourageant, le Japon trébuche en avril

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écran de quotation à Tokyo le 28 mai 2015 (Photo : YOSHIKAZU TSUNO)

[29/05/2015 09:30:20] Tokyo (AFP) Après une croissance meilleure que prévu en début d’année, le Japon a montré des signes de faiblesse en avril, avec une chute surprise de la consommation et une inflation proche de zéro, à rebours de l’optimisme du gouvernement et de la banque centrale du Japon (BoJ).

Le mois dernier, les ménages ont restreint leurs dépenses (-1,3%) pour le 13e mois consécutif, selon les statistiques officielles dévoilées vendredi.

Les économistes tablaient pourtant sur un rebond de la demande intérieure de 3% comparé à un an plus tôt, quand celle-ci avait dégringolé sous l’effet d’un douloureux relèvement de la TVA qui a temporairement plongé le pays en récession.

Depuis cette mesure, les Japonais ont considérablement restreint leurs emplettes, faisant dérailler la reprise qui s’était amorcée dans la foulée du retour au pouvoir du conservateur Shinzo Abe fin 2012.

La consommation a bien retrouvé quelques couleurs dans les derniers mois de 2014, mais elle demeure désespérément anémique.

Dans ces conditions, les prix évoluent aux alentours de zéro: hors ceux des produits périssables, ils ont augmenté de 0,3% en avril sur un an.

Mais en excluant l’impact de la hausse de taxe qui a encore influé un peu sur les données (la disposition s’étant mise en place progressivement au cours du mois d’avril 2014), l’inflation est ressortie nulle, a précisé la BoJ.

Autant dire que la banque centrale est loin, très loin de l’objectif de 2% qu’elle vise courant 2016.

– Scepticisme à la BoJ –

Désigné il y a deux ans par Shinzo Abe pour conduire le volet monétaire de sa stratégie de relance dite “Abenomics”, le gouverneur Haruhiko Kuroda espérait à l’origine atteindre cette cible au cours de ce printemps. Mais il a dû revoir son calendrier face aux vents contraires.

Après des premiers résultats encourageants, l’inflation a ralenti l’an passé tandis que l’économie trébuchait, et est ensuite venue s’ajouter la dégringolade des prix du pétrole.

La BoJ continue cependant de parier sur une accélération à moyen terme, confiante dans “la reprise modérée” de la troisième puissance économique mondiale.

Conforté par une accélération de la croissance au premier trimestre (+0,6%), M. Kuroda a même assorti la semaine dernière ses déclarations d’une tonalité plus optimiste, éloignant la perspective d’un assouplissement à court terme.

Mais tous ne semblent pas de son avis au sein du comité de politique monétaire, selon les minutes de la réunion d’avril publiées mercredi. Plusieurs des neuf membres ont ainsi fait part de leur scepticisme sur la possibilité d’atteindre l’objectif dans les temps impartis.

Selon nombre d’économistes, la BoJ n’aura d’autre choix que d’étendre son généreux programme de rachat d’actifs d’ici à la fin de l’année.

Parmi les autres données publiées, une timide embellie a été constatée du côté de la production industrielle qui a augmenté de 1% en avril.

Ce chiffre “ne compense pas les importants reculs des mois précédents” (-0,8% en mars, -3,1% en février), a cependant noté Marcel Thieliant, de Capital Economics.

– ‘Croisée des chemins’ –

Selon un sondage mené par le ministère, les industriels prévoient un rebond en mai (+0,5%), avant une nouvelle contraction en juin (-0,3%).

“Même si ces prédictions, qui ont tendance à enjoliver les choses, se réalisent, la production industrielle devrait fléchir sur l’ensemble du second trimestre”, prévient-il.

Enfin, note positive dans ce tableau mitigé, le taux de chômage est tombé à 3,3% de la population active, évoluant à ses plus bas niveaux depuis 18 ans.

“Alors que la main-d’oeuvre décline, la pression sur les salaires va se faire plus forte, ce qui devrait doper l’économie et par ricochet l’inflation”, veut croire Takeshi Minami, de l’institut de recherche Norinchukin.

“Le Japon est désormais à la croisée des chemins. Le cercle vertueux – que gouvernement et BoJ appellent de leurs voeux depuis des mois – va-t-il enfin se concrétiser ?”

Ignorant cette volée de statistiques de mauvais augure, la Bourse de Tokyo s’affichait en hausse à la mi-journée: l’indice Nikkei gagnait 0,26% à 20.605,68 points, après déjà 10 séances positives, une série inédite depuis 1988, alors que le yen a glissé jeudi à son plus bas niveau face au dollar depuis plus de 12 ans.