Les Rencontres de Tunis : Le Gouvernement Essid… dans l’attente du grand oral

gouvernement-essid-ministres-2015.jpgLes rencontres de Tunis sont un bel exercice de Com’ où les membres du gouvernement viennent tester leur argumentaire, en attendant d’avoir à affronter l’opinion publique.

C’est un format de café de l’économie que proposent en tandem Hassan Zargouni et Radhi Meddeb à leurs invités, dans ce nice gathering que sont les rencontres de Tunis. C’est encore un de ces charmes de l’irruption, dans le champ public, des think tank et de la société civile, en général.

Il faut reconnaître que c’est tout Bénef’ pour le débat public dans le pays. Sans compter que cela renforce cette tradition de recevabilité qui fait qu’un responsable politique se présente à l’interpellation des citoyens. C’est un acquis formidable.

Le rendez-vous du jeudi 30 avril portait sur le thème chaud du moment, à savoir l’appréciation du travail du gouvernement Essid entre les actions urgentes à effets immédiats et les réformes profondes. Au menu une enquête Sigma sur l’indice de confiance. Celle-ci, il faut le reconnaître, révèle quelques surprises. Et, trois ministres sur le grill: Saidi Aid, ministre de la Santé, Néji Jalloul, ministre de l’Education nationale, et Noomane Fehri, ministre des TIC. Tous se sont prêtés au jeu des questions-réponses des organisateurs et des participants. C’est un exercice d’échauffement dans l’attente de la date du 15 mai, échéance des 100 premiers jours du gouvernement et grand moment de confrontation avec l’opinion publique pour la publication d’une feuille de route.

Le gouvernement Essid: Une notoriété à relever

Ils sont 59% de Tunisiens à ne pas aimer l’action du gouvernement Essid mais ils sont 56% à apprécier positivement le patron. Cependant, les Tunisiens lui accordent des circonstances atténuantes car ils sont 53% à penser que les grèves ont paralysé son action. Ils sont 21% à penser que le terrorisme est un obstacle de taille. Cependant, Habib Essid tire son épingle du jeu et sauve la mise pour le gouvernement.

Ce dernier, malgré les nombreuses individualités qui le composent, n’a pas su se mettre sous les projecteurs de l’actualité. En la matière, il y a une carence regrettable. Comment expliquer alors que 32,5% des Tunisiens ne connaissent aucun des ministres?

Autre fait contrariant, alors que le pays est engagé à fond dans la lutte contre le terrorisme et que les forces de sécurité et l’armée font corps, Nejm Gharsalli, ministre de l’Intérieur, n’est connu que de 30% des Tunisiens. Fethi Horchani, ministre de la Défense, est tout simplement inconnu de tous.

On ne s’étonne plus de la cote d’amour de Said Aidi. L’initiateur de la prime “AMAL“, du temps où il était ministre de l’Emploi dans le gouvernement BCE de 2011, très largement récompensé aux élections législatives en tant que tête de liste de Tunis II avec un score record, titre 20%. Yassine Brahim tire, lui aussi, son épingle du jeu avec 16%. Mais tous arrivent derrière Taieb Baccouche qui réalise 34%. Et c’est Zied Ladhari qui ferme la marche avec un petit 13%. En-dessous de 10%, le score est considéré comme résiduel, et en la matière, il faut un appoint de Com’.

Les préoccupations des Tunisiens et leurs soucis du moment

Les Tunisiens ont une certaine constance dans les idées. A l’occasion de ce sondage, ce sont les mêmes topics qui resurgissent. Dans l’ordre ce sont la sécurité, l’éducation et l’emploi qui constituent les principales motivations du Tunisien dans son rapport à l’Etat. Et cela est inchangé. Ensuite, les circonstances actuelles font apparaître un classement cohérent des soucis de l’heure pour les Tunisiens.

Hassen Zargouni parlera d’un effet de coude pour trois priorités, à savoir la sécurité, la neutralité des mosquées et la lutte contre le terrorisme. Elles arrivent en pole position très loin devant les soucis de l’emploi et du pouvoir d’achat.

Plan d’action : entre actions urgentes et réformes de long cours

Les trois ministres se sont pliés au rituel de la séparation des actions entre ce que réclame l’urgence et les réformes en profondeur. Leur audit de la situation est conforme aux canons du modèle social. Saidi Aidi et Néji Jalloul appellent de concert à perpétuer le service public et à lui faire revenir sa splendeur des premiers temps de la 1ère République. Tous deux savent que c’est le prix à payer pour sauver le modèle tunisien.

Deux mesures phares pour chacun des ministres afin d’illustrer leurs interventions. Pour Said Aidi, il convient dans l’immédiat de redresser la qualité des soins des centres de première ligne, en l’occurrence les dispensaires de quartier? Cette prise en mains éviterait que les patients se ruent indistinctement vers les CHU et autres hôpitaux régionaux occasionnant leur encombrement.

Une mesure de long terme serait de promouvoir des pôles de santé dans les régions.

Néji Jalloul, pour sa part, appelle tout de suite à donner un petit coup sur le pare-brise à un cadre scolaire aux bâtiments souvent vétustes et parfois insalubres et sinistres. Le cadre de vie influe autant sur le rendement des enseignants que sur le moral des apprenants. Bien entendu la réforme de l’enseignement est inévitable à long terme, et Néji Jalloul sait qu’il faut rompre avec la réforme de 1990.

La seconde République doit innover pour garantir davantage que l’égalité des droits… C’est peut-être là le deal à construire avec le bon peuple de sorte à ressouder la solidarité nationale et à booster le génie national.

Et c’est l’innovation qui sera dans le tableau de bord de Noomane Fehri grand connaisseur du modèle de basculement de la Grande-Bretagne vers le e-gov, une expérience sans pareille dans le monde. Noomane Fehri promet pour tout de suite de baisser les tarifs d’Internet par deux. Et il promet la création d’un conseil stratégique du numérique auquel il associe neuf ministres en plus de grandes figures de la société civile.

Le basculement vers le numérique est le challenge significatif pour notre pays. C’est peut-être la clé du nouveau modèle économique tant recherché.

L’épreuve de bac blanc aux rencontres de Tunis constitue un training autant pour les membres du gouvernement que pour la société civile. Les uns et les autres s’appliquent à cultiver un relationnel démocratique et civilisé.