Elections britanniques : le nord, laboratoire de la dévolution à l’anglaise

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Angleterre, le 7 avril 2015 (Photo : OLI SCARFF)

[15/04/2015 07:19:16] Manchester (Royaume-Uni) (AFP) Avec la nuée de grues qui s’y activent, la cité de Manchester symbolise le renouveau économique du vieux nord industriel mais pas seulement: elle incarne la redistribution des pouvoirs habituellement centralisés à Londres, une révolution en Angleterre qu’accentueront les législatives.

A trois semaines du scrutin, le gouvernement du conservateur David Cameron met en avant le développement des régions septentrionales anglaises comme l’une des grandes réussites de son action depuis son arrivée au pouvoir 2010, et promet des lendemains encore plus chantants.

Signe de la transformation du nord dont la population se sent souvent méprisée par les élites londoniennes, une entité administrative et politique dotée de nouveaux pouvoirs a été créée, le “grand Manchester”.

Outre la cité mancunienne elle-même, elle compte neuf autres municipalités, dont Salford, Bury et Stockport, rassemblant au total quelque 3 millions d’habitants.

“Nous aurons un pouvoir qui permettra aux gens d’ici de choisir quelles sont leurs priorités”, explique à l’AFP Peter Smith, dirigeant de l’Autorité conjointe du grand Manchester (GMCA), dans son bureau de la ville moyenne de Wigan.

La GMCA a déjà gagné son mot à dire dans l’utilisation du vaste budget du service public de santé, le NHS, au sein duquel le seul grand Manchester représente pas moins de 6 milliards de livres annuel (8,3 milliards d’euros). Et en 2017, le grand Manchester élira pour la première fois son maire, à l’instar du grand Londres.

“Ce processus a été encouragé par le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse l’an passé”, explique Paul Swinney, économiste au Centre for Cities, un institut de recherche indépendant.

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Angleterre, le 7 avril 2015 (Photo : OLI SCARFF)

Ce référendum a été perdu par les nationalistes et l’Ecosse est restée une composante du Royaume-Uni, aux côtés de l’Angleterre, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord. Mais pour garantir la victoire du “non” à l’indépendance, Londres a promis de nouvelles délégations de pouvoir à Edimbourg qui inspirent le reste de l’Union.

“L’Ecosse va obtenir encore davantage de dévolutions, cela confère du poids à ceux qui voudraient le même processus dans certaines régions d’Angleterre”, souligne M. Swinney.

– Investissement ferroviaire –

Sur l’une des artères commerçantes, Rion Barker, un jeune analyste des marchés, juge ce processus bienvenu pour aider le nord de l’Angleterre à combler, au moins en partie, l’écart de richesse qui le sépare de Londres et des opulentes régions du sud-est anglais.

“Le pays est géré depuis Londres et Londres tend à ne penser qu’à lui”, note-t-il. “Comme l’Ecosse, nous pourrions avoir davantage de dévolution et d’autonomie de décision.”

A Manchester, ce changement politique en cours va de pair avec la modernisation galopante de cette ancienne place-forte de la révolution industrielle du XIXe siècle. Un gigantesque projet de rénovation est notamment conduit dans l’est de la cité où des complexes résidentiels et d’affaires ont remplacé les anciennes usines textiles et de charbon.

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à la gare ferroviaire toute proche, le 7 avril 2015 (Photo : OLI SCARFF)

A Salford, dans l’ouest du GMCA, la chaîne de radio-télévision publique BBC a redéployé des milliers d’employés dans un centre bâti sur les rives du canal de Manchester, d’où les navires emmènent du fret plus à l’ouest, jusqu’au port de Liverpool sur la mer d’Irlande.

Le ministre des Finances, le conservateur George Osborne, a salué lui aussi en la formation du grand Manchester “une direction donnée au-delà des divergences politiques”. Reste à savoir si la droite anglaise en tirera un quelconque bénéfice électoral, dans ce fief travailliste.

Au-delà de la stricte agglomération mancunienne, M. Osborne a récemment annoncé un plan de “hub du nord” d’ici à 2019. Il s’agit d’un investissement de quelque 600 millions de livres (830 millions d’euros) dans le réseau ferroviaire de la région, afin d’abréger les temps de trajet entre Manchester et ses voisines Liverpool et Leeds.

D’après le Trésor britannique, le nord-ouest de l’Angleterre connaît la plus forte dynamique de création d’emploi du pays, avec 117.000 nouveaux postes l’an passé.