Les banques grecques, ou l’état d’urgence permanent

a42baea0fe7ad2b5c549c8420fd0c19c1229f985.jpg
à Athènes, le 21 mars 2013 (Photo : Louisa Gouliamaki)

[05/02/2015 15:51:54] Athènes (AFP) En bouchant le dernier canal de financement à peu près normal dont elles disposaient, la BCE a fragilisé encore les banques grecques, habituées depuis des années à un état d’urgence qui les empêche d’irriguer l’économie du pays.

La Banque centrale europénne, dans une décision aussi technique que lourde de conséquences politiques mercredi soir, a indiqué qu’elle n’accepterait plus que les banques grecques lui apportent des obligations émises par Athènes pour emprunter auprès d’elle, à des durées plus ou moins longues, comme le font en permanence tous les établissements de la zone euro.

La décision atteint par ricochet l’Etat grec, déjà en “faillite” à en croire son ministre des Finances, puisqu’il n’y a guère plus que les banques pour lui prêter l’argent qui sert à payer les fonctionaires et les factures d’électricité.

Frederik Ducrozet, analyste de Crédit Agricole, estime que les banques grecques détiennent quelque 18 milliards d’euros en dette publique.

Mais la BCE “ne veut certainement pas prendre la responsabilité de pousser la Grèce hors de l’euro” en asséchant toutes les sources de financement, relativise auprès de l’AFP Dario Perkins, économiste chez Lombard Street Research, faisant valoir que la banque centrale avait laissé ouvert le dernier parachute, le système “ELA”.

Mieux encore, selon une source gouvernementale grecque jeudi, l’institution de Francfort a porté “à 10 milliards d’euros” ce dispositif permettant à la banque nationale grecque de maintenir à flot les établissements privés lors de très mauvaises passes.

Platon Monokroussos, économiste chez Eurobank, soulignait toutefois que cette bouée était “plus coûteuse pour les banques grecques, à un taux de 1,55%, que le financement courant auprès de la BCE”, dont le taux directeur n’est plus que de 0,05%.

Selon Gizem Kara, chez BNP Paribas, les banques grecques ont réclamé en janvier quelque 5 milliards d’euros par ce biais.

Les chiffres restent dérisoires par rapport aux montants atteints lors de précédents soubresauts en 2012 ou 2013, quand les banques grecques aspiraient par ce biais plus de 100 milliards d’euros par mois.

– La réaction des Grecs, une inconnue –

Les économistes dans leur majorité gardaient donc leur calme jeudi, même si, comme le reconnaît Nathalie Janson, économiste à la Neoma Business Schol de Reims, “la grande inconnue sera la réaction des Grecs”.

Si ces derniers vident leurs comptes en masse, provoquant une “ruée bancaire”, les banques grecques pourraient épuiser très vite ce fameux dispositif de secours et faire faillite les unes après les autres.

La préoccupation est partagée par Dario Perkins qui rappelle que les retraits de fonds avaient déjà atteint 5 milliards d’euros en décembre: “Pour janvier, on a entendu des officiels grecs avancer le chiffre de 11 milliards, mais c’est peut-être sous-estimé”.

Le ministre des Finances Yanis Varoufakis a commenté depuis Berlin que le gouvernement faisait “tout ce qui est en son pouvoir pour éviter le défaut de paiement”.

Les banques grecques, à force de soutenir depuis 2010 l’Etat grec, n’ont jamais “retrouvé leur mission première qui est de fournir à l’économie réelle des crédits abordables et rapides”, souligne Jens Bastian, de la Friedrich-Ebert Stiftung.

En novembre 2014, il écrivait ainsi qu’une PME allemande obtenait de ses banques un taux de 2,5 à 4% pour un crédit d’un million d’euros sur 5 ans, contre entre 6 et 8,5% pour une entreprise grecque.

Bien que recapitalisées en deux fois depuis 2013, à hauteur de 50 milliards d’euros au total dont la majeure partie grâce à des fonds européens, Alpha Bank, Eurobank, Banque du Pirée et Banque nationale de Grèce, qui contrôlent 90% du marché, restent vulnérables aussi face aux créances douteuses.

Ces crédits qui sans doute ne seront jamais remboursés pèsent selon les analystes un bon tiers de leur portefeuille.

Dernière faille: la fonte ultra-rapide de la capitalisation boursière de ces instituts, dont le prix des actions n’atteint plus que des centimes d’euros, rend très difficile voire impossible d’attirer les nouveaux actionnaires dont ils auraient bien besoin.