Le multimilliardaire hongkongais Li Ka-shing se tourne vers l’Europe

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à Hong Kong, le 9 janvier 2015 (Photo : Philippe Lopez)

[01/02/2015 09:45:06] Hong Kong (AFP) Connu pour son sens aigu des affaires et sa propension à investir exactement au bon moment, le multimilliardaire hongkongais Li Ka-shing est en train de se détourner d’une Chine qui s?essouffle et cherche à faire son marché en Europe.

Li Ka-shing et son vaste empire symbolisé par un gratte-ciel en verre de 63 étages sont emblématiques de l’ancienne colonie britannique. Chaque jour, ses décisions affectent ses sept millions d’habitants.

Mais aujourd’hui, il semble s’intéresser davantage à l’extérieur, comme en témoigne l’annonce récente de “discussions exclusives” en vue du rachat de l’opérateur britannique de téléphonie mobile O2, pour un minimum de 12,1 milliards d’euros.

Parallèlement, il se déleste d’actifs en Chine et à Hong Kong tandis que son empire est en cours de réorganisation, avec la fusion et le redécoupage prévus des deux mastodontes, Cheung Kong et Hutchison Whampoa.

L’an passé, le magnat de 86 ans, parfois appelé “superman”, avait balayé d’un revers de la main les rumeurs selon lesquelles il tournait le dos à la Chine. C’est une “vaste blague”, disait-il.

Mais les analystes estiment que Li Ka-shing a pris acte de l?essoufflement de l’économie chinoise et des soubresauts politiques à Hong Kong.

A l’automne, des quartiers entiers de la ville avaient été paralysés par des manifestants qui réclament un véritable suffrage universel.

– Horizons nouveaux –

Le magnat “s’inquiète du ralentissement de la croissance économique en Chine et de la situation politique à Hong Kong”, explique l’analyste financier Castor Pang à l’AFP. Mais ce sont les “inquiétudes sur la croissance économique qui expliquent en grande partie les décisions spectaculaires des derniers mois”.

M. Li s’est débarassé d’importants actifs immobiliers acquis dans les années 1990 en Chine, qui a vu sa croissance ralentir en 2014 un niveau plus vu depuis 24 ans.

Son navire amiral, Cheung Kong, a annoncé en janvier le rachat de la société ferroviaire britannique Eversholt Rail Group pour 3,3 milliards d’euros.

Il cherche à faire de bonnes affaires en Europe, explique Castor Pang, directeur de recherches chez Core Pacific-Yamaichi International. “Il a toujours eu du flair pour acheter aux prix les plus bas, c’est peut-être pour ça qu’il choisit l’Europe en ce moment”, dit-il.

Pour l’analyste indépendant Francis Lun, l’aventure O2 signifie clairement que Li Ka-shing se détourne de Hong Kong et de sa région.

Les sociétés qui résulteront de la réorganisation de son empire seront enregistrées aux îles Caïman. “Il transfert ses sociétés aux Caïman, réduit ses actifs chinois et hongkongais et investit dans ce qu’on pourrait appeler des secteurs politiquement sûrs”, ajoute Francis Lun.

Les analystes estiment aussi qu’il est en train de préparer sa succession. Les actions de Cheung Kong et de Hutchison Whampoa, parmi les plus importants groupes de Hong Kong, s’étaient envolées après l’annonce de la réorganisation.

– Un entrepreneur iconoclaste –

L’homme le plus riche d’Asie, qui pèse selon Bloomberg 31,4 milliards de dollars, est né dans la ville chinoise de Chaozhou en 1928. Sa famille a fui à Hong Kong pendant la guerre sino-japonaise. Il a raconté au magazine Forbes comment petit, sur les bancs de l’école, il entendaient tomber les bombes.

C’est en 1950 qu’il a créé sa première affaire, une fabrique de fleurs en plastique baptisée Cheung Kong, nom cantonais du fleuve Yangtze, avec 8.700 dollars d’investissements.

Il a ensuite beaucoup investi dans l’immobilier, faisant fortune dans les années 1960, avant de multiplier les incursions dans de nombreux secteurs: distribution, télécoms, les services…

Le magnat s’intéresse depuis longtemps à l’étranger, investissant en particulier dans l’immobilier et l’énergie au Canada dans les années 1980.

S’il désinvestit localement, d’autres magnats hongkongais comme la famille Kwok, propriétaire de Sun Hung Kai Properties, restent fortement présents.

C’est ce qui fait sa différence, souligne Francis Lun. “C’est un iconoclaste, peut-être que c’est un précurseur”.

Sur le continent, les commentateurs minimisent. “Il mérite son surnom de +superman+ mais peut-être qu’il n’est pas le baromètre de l’avenir”, commente le Global Times, proche du parti communiste au pouvoir.

Li Ka-shing explique agir dans l’intérêt de la nouvelle génération. Après l’annonce de la réorganisation, comme on lui demandait s’il allait passer le flambeau à son fils Victor, il a répondu: “Les rails ont été posées, tout le monde a un objectif, c’est une bonne chose”.

Mais personne ne le voit aller pêcher à la ligne. “Je ne pense pas qu’il se retirera totalement des affaires, ce n’est pas la manière chinoise de procéder”, dit Francis Lun. “Même s’il ne peut pas marcher, il ira au travail tous les jours”.