Tunisie Elections 2014 : «Je suis plus jeune d’esprit que ceux qui me critiquent» (Béji Caid Essebsi) (suite et fin)

Il n’est de jeunesse que celle du cœur, disent les poètes et les écrivains versés dans le romantisme et le sentimentalisme. Pour Béji Caïd Essebsi, candidat à la présidentielle en Tunisie, la jeunesse d’esprit, le sens du compromis et la sagesse prévalent sur toutes les autres qualités en cette phase difficile par laquelle passe la Tunisie. Notre pays a-t-il besoin d’un père leader ou d’un jeune leader?

Reconnaissons qu’en matière de vivacité d’esprit, de sens de la répartie et de réponses convaincantes et bien argumentées, BCE dépasse de loin nombre de candidats à l’investiture suprême. S’il est élu président de la République, cela se traduira-t-il dans ses faits et actes? Qui vivra verra.

Entretien

bce-wmc-interview-2014.jpgConsidérez-vous qu’en donnant la primauté au Nidaa, le peuple tunisien a fait un choix de modèle sociétal plutôt que de parti et qu’il a voulu dire à ceux qui, en 2011, ont voulu diviser la Tunisie en musulmans et laïcs, nous, nous revendiquons notre appartenance à un pays tolérant et ouvert? Ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, veulent diviser le pays en Nord et Sud et en régions côtières et intérieures. Quel serait votre rôle si vous êtes élu pour garantir l’unité nationale?

Je pense que ce sont des fausses appréciations. Le peuple tunisien a fait beaucoup de progrès dans le sens de plus d’unité. Nous ne sommes plus au temps des tribus et des «Arouchs». Il est vrai qu’à cause du déficit de l’Etat, ces vieilles habitudes remontent à la surface. Et c’est pour cela qu’il est impératif que l’Etat reprenne sa place et son autorité.

L’Etat doit être remis dans son rôle, mais il faut qu’il soit un Etat de droit et un Etat équitable qui traite tous ses citoyens sur le même pied d’égalité et accorde autant d’importance aux régions intérieures qu’aux autres régions du pays.

Il faut considérer les divisions comme étant des situations provisoires qu’il faut gommer au fil du temps.

«Agiter l’étendard de la division entre le Sud et le Nord, c’est un comportement irresponsable…»

Certains agitent les étendards de la division entre le Sud et le Nord, et ce sont des comportements irresponsables. Il est incontestable que nombre de régions n’ont pas bénéficié du même soutien de l’Etat, c’est ce qui explique leur marginalisation, le chômage, un niveau de vie qui ne correspond pas au standard national et des populations qui se sentent en dehors de la dynamique économique. Il est de notre devoir de rattraper ces défaillances et d’aider ces régions à rattraper celles prospères.

Il faut bien entendu réduire le chômage, et cela ne se fera pas en un seul jour. Il faut diminuer la pauvreté et le nombre de Tunisiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté et doter les régions défavorisées des infrastructures nécessaires. Et cela ne se fera pas en une année mais exige du temps.

Pendant 4 ans, les leaders politiques ont entretenu un discours populiste qui a maintenu les régions dans un esprit d’assistanat. Ne pensez-vous pas que l’Etat a un rôle important à jouer en les dotant des infrastructures, des commodités et des facilitations nécessaires et que les régions elles-mêmes ont une responsabilité dans leur propre développement?

C’est vrai. Mais il faut tout d’abord que l’Etat assume ses responsabilités, et je suis sûr que s’il arrive à convaincre les populations sises dans les régions intérieures, qu’il se préoccupe de leur bien-être, se soucie d’y introduire sérieusement une dynamique socio-économique sans faux semblants et sans fausses promesses, les choses évolueront dans le bon sens même si, au début, nous ne percevrons que des frémissements, mais avec le temps et preuves à l’appui, la confiance sera rétablie et elles seront plus actives dans leur développement.

Parmi vos prérogatives figurent les volets sécuritaires et diplomatiques, comment appréhendez-vous votre mission si vous venez à être élu?

Tout d’abord, le rôle d’un président est plus global. Pour ce qui est de la problématique sécuritaire et principalement le terrorisme, j’estime que c’est un fléau qui doit être combattu aux échelles régionales et internationales et pas seulement nationale. Il faut inscrire cette action dans un cadre général et concevoir avec nos voisins une stratégie anti-terroriste globale.

«.. La problématique sécuritaire et principalement le terrorisme, j’estime que c’est un fléau qui doit être combattu aux échelles régionale et internationale»

Aujourd’hui, nous travaillons en étroite collaboration avec l’Algérie mais il faut impliquer l’Egypte, la Libye mais aussi le Mali, le Niger et aussi faire appel aux puissances mondiales comme les Etats-Unis et la France et les impliquer, car eux-mêmes ne sont pas à l’abri du fléau terroriste.

A ce propos, la carte géopolitique mondiale est en train de changer, l’uni-polarité américaine prend du recul, la Russie s’impose de plus en plus en tant que partenaire incontournable et derrière elle, il y a la Chine ainsi que d’autres pays. Comment voyez-vous le positionnement de la Tunisie dans ce nouvel environnement?

En réalité, la politique étrangère de notre pays, qui a toujours été soumise aux principes de neutralité, de non ingérence et de souveraineté des autres pays, a été au plus bas ces dernières années. Lorsque nous étions aux Nations unies, les pays arabes et africains s’alignaient sur nos positions. Il faut nous repositionner et nous pouvons y parvenir, nous avons des diplomates de qualité auxquels on ne fait malheureusement pas appel.

«Lorsque nous étions aux Nations unies, les pays arabes et africains s’alignaient sur nos positions»

Comment rétablir la confiance dans le site Tunisie, diplomatiquement et économiquement?

Pour cela, il faut un gouvernement crédible à l’intérieur et à l’extérieur.

Aurions-nous un chef de gouvernement issu d’un parti?

Nous aurons un chef de gouvernement compétent et issu d’un consensus.

La première décision que vous prendrez si vous êtes élu président de la République serait…

Dans le cadre de mes prérogatives, je commencerais, inchallah, à coopérer avec un chef de gouvernement de consensus pour remettre le pays sur les rails.