Tunisie – Résultats des élections et pluviométrie : Y a-t-il une fatalité des chiffres?

nations-tun-680.jpgLe soir des élections, SIGMA a osé afficher des chiffres avant tout le monde et a tapé dans le mille. J’imagine le niveau de lapidation qu’aurait subi le pauvre Hassan si ses chiffres s’étaient avérés erronés, d’autant plus que, dans ce domaine, qu’on le veuille ou pas, nous n’avons pas beaucoup d’expérience. Et les appellations de ce qu’a fait SIGMA diffèrent selon les experts et les appartenances; 3C études a été plus prudent et n’a commencé a livrer ses chiffres que plus tard sur une chaîne de moins grande écoute, mais qui n’ose pas ne récolte rien. Et pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître!

Du coup, on peut se demander pourquoi avoir dépensé tout cet argent –un calcul sommaire montre qu’un député revient de 10.000 à 1 million de dinars selon les partis. Si on y ajoute les frais engagés par l’Etat, une campagne comme celle-ci coûterait au moins 50 millions de dinars et peut atteindre les 8 zéros –mais ça c’est un autre sujet aussi complexe qu’opaque, ce qui peut amener à se poser une question très simple: “la fameuse démocratisation a un coût ou à un prix?“

Revenons aux résultats des élections et à l’avalanche de chiffres qui nous inondent et à tous ces exégètes qui se sont remis sur les plateaux de télé pour analyser, commenter, tirer des conclusions et tutti quanti. Je ne vais pas y mettre aussi mon grain de sel si ce n’est d’une manière que vous commencez à connaître et, j’espère, à apprécier aussi!

Il y a une seule et principale observation à faire: le découpage a suivi presque à la lettre les étages bioclimatiques du pays! Cette terminologie barbare est très bien expliquée dans GOOGLE. Vous serez surpris du parallèle!

Alors, j’ai essayé d’être plus explicite en considérant les informations collectées auprès de l’ISIE sur le découpage par région des résultats par parti politique et les données relatives aux pluies moyennes de chaque région mesurées sur une très longue période et qui sont très représentatives de la climatologie du pays.

Les résultats sont donnés dans le tableau ci-joint et les commentaires explicatifs sont donnés ci-après:

– Le pays est découpé en 24 gouvernorats et les votes de l’étranger ont été regroupés sous le label “étranger“. Par ailleurs, il a été considéré que la pluviométrie moyenne du pays –moyenne des pluies des gouvernorats était de 337 mm valeur extrêmement faible avec des écarts de plus de 1000 mm au nord et moins de 100 mm au sud-, ce qui fait la diversité du pays et sa richesse.

– Pour chaque gouvernorat ou ensemble de gouvernorats, il a été décompté le nombre de sièges par famille électorale: NIDAA TOUNES, AFEK TOUNES et MOUBADARA sont naturellement alliés; le CPR continuera à traîner ses guêtres derrière ENNAHDHA; il apparaît un troisième groupe que nous avons appelé “ARBITRE“ qui regroupe des gens très différents comme par exemple JABHA et UPL –avec ces deux partis, on est en plein CHODERLOS DE LACLOS où le vice et la vertu se livrent un combat acharné– et les indépendants;

taleau-ibtissem.jpg

– Sur la base de ces données, il a été calculé:

o L’indice pluviométrique, qui est le rapport de la pluie de la région à la pluie moyenne du pays et ces valeurs, varie dans un rapport de 1 à 10;

o Pour chaque région, deux chiffres ont été calculés:

§ Le rapport des voix entre NIDAA et ENNAHDHA qui varie de 300% à 20%,

§ Le poids des voix des arbitres, très variable, va de 0 à 50%,

La lecture de ces calculs –et il y en aura d’autres, je pense même qu’il y aura des thèses– montre certaines constantes.

– La frange côtière a généralement voté NIDAA, et le changement se fait à partir de SFAX; là où il n’a plus de plages;

– Le nord bien arrosé vote dans le même sens que la côte;

– Le centre a des comportements diversifiés, par exemple tourne le dos aux structures classiques, alors que le poids des structures arbitrales est très élevé dans les régions qui ont subi dans leur chair les trois dernières années…

– Le sud est totalement intransigeant et vote contre ce qu’il considère une suite de l’ancien régime.

Une première approche qui demande à être approfondie montre que:

– Pour les régions où il pleut plus de 400 mm et généralement régulièrement, le pays reste attaché à ses structures existantes, bien que le nord-ouest n’ait pas beaucoup profité du développement.

– Le centre où il pleut entre 400 et 200 mm, la situation est et restera variable et instable, et le quasi équilibre des voix à SFAX sous-capitale régionale est caractéristique de cet équilibre fragile.

– En dessous de 200 mm, il y a du travail à faire…

Et si les politiciens pensent que gouverner c’est prévoir, LYAUTEY a précisé que «GOUVERNER C’EST PLEUVOIR».