Tunisie – Politique : Sommes-nous dans la suprématie de la loi ou la démission de l’Etat de droit?

tunisie-institution-680.jpgDes juges qui ne s’appliquent pas et ne s’impliquent pas dans l’exécution des jugements émis par eux-mêmes ou leurs confrères; un exécutif qui ne suit pas; des opérateurs économiques qui se sentent délaissés et presque orphelins parce que mafieux et escrocs sont devenus, du coup, plus honorables et plus influents que ceux respectueux de la loi; des agents municipaux qui n’assurent plus et refusent de se soumettre aux ordres de leurs supérieurs; des fonctionnaires qui pratiquent le vandalisme; des maladies comme la tuberculose, le choléra, le paludisme, la rage et d’autres qui réapparaissent nous renvoyant en plein milieu du 20ème siècle; et le terrorisme qui s’installe dans nos villes et nos campagnes.

Ce sont là les fruits du “printemps arabe“ concocté par les services secrets occidentaux pour servir leurs intérêts au mépris du droit des autres peuples à décider eux-mêmes de leur futur.

Nous voulions un Etat de droit, nous avons eu un Etat de non droit. Et tous les efforts du gouvernement Jomaâ ou du prochain post-élections n’arriveront pas à juguler les phénomènes de banditisme, de népotisme et de passe-droits lesquels sont restés aussi forts sinon plus forts que par le passé, si on n’applique pas loi.

Est-ce normal qu’un Abdelkrim El Harouni déambule (vendredi 10 octobre au Bardo), menant campagne soit escorté par des officiers de police payés par les contribuables censés les protéger, eux, contre le terrorisme et non protéger le porte-étendard d’un parti politique? Cauchemardesque!

Quel Tunisien digne de ce nom peut se reconnaître dans cette nouvelle Tunisie ruralisée à souhait grâce aux discours populistes des politiciens opportunistes de dernière heure? Une Tunisie où une chaîne de télévision française pousse l’arrogance jusqu’à atterrir à Carthage, accueillie par un président qui parle de dictature, et de droits de l’Homme alors qu’il n’a même pas été capable de sauvegarder les archives nationales placées sous sa garde, publiant un “livre noir“ qui reflète à satiété la noirceur de ses desseins: dénigrer tous ceux qui ont osé s’opposer à lui y compris le présentateur de l’émission lui-même, lequel a été auparavant invité en Tunisie avec les honneurs.

«L’un des points les plus choquants: de Villardière se promenant dans le palais de Carthage, la veste sur les épaules, se croyant dans un campement en Centrafrique ou en Somalie. Quelle honte! Et qui a permis encore cette bourde immense: le …. (Président) qui a clochardisé déjà notre pays et le palais présidentiel. Et coup de grâce à cause d’informations réchauffées, il a clochardisé la fonction de Président de la République à la veille des élections. Quelle honte pour les médias français et pour M6 en particulier. Personnellement, je ne regarderai plus cette chaîne de la honte. Tant pis pour les rires que je me tapais à 20h avec “Scènes de ménages” et les informations du journal de 19h45. Qui a perdu dans cette histoire en ayant fait l’effet contraire de ce qui était escompté? Le «Président» et les islamistes et, dans une moindre mesure, la chaîne de télévision M6. C’était pas très malin de leur part». C’est le commentaire d’un lecteur avisé d’un journal électronique de la place.

Au fait, pour qui roule la France? Pour Marzouki et le CPR? Ou pour Ennahdha? D’ailleurs, il y en a même qui sont allés jusqu’à dire que l’ambassadeur de France en Tunisie est un fervent défenseur du parti islamiste et qu’il ferait mieux de les représenter, eux, plutôt que son propre pays. A vérifier !

Restaurer l’Etat de Droit, est-ce possible dans la Tunisie d’aujourd’hui?

Comment restaurer et réinstaurer un Etat dont le président -fort heureusement non élu au suffrage universel- se soucie peu ou pas du bien-être et de la qualité de vie de ses concitoyens et encore moins de leurs droits à décider librement du choix de leurs nouveaux gouvernants. Un président qui a condamné des milliers de nos concitoyens vivant en Syrie à ne plus avoir de représentation diplomatique pour défendre leurs intérêts. Un président tellement obnubilé par les prochaines élections qu’il ne sent pas le mal-être de tout un peuple déchiré entre survivre au chaos créateur instauré par lui et ses acolytes de la Troïka et panser ses plaies suite à une pseudo-révolution où le leadership politique confiné dans sa position d’opposant professionnel a failli dans sa mission de remettre le pays sur les rails. Un pays meurtri et déçu par des leaders qui ont justifié la contrebande par le chômage et qui n’ont pas voté pour le droit au travail et la libre initiative alors qu’ils ont constitutionnalisé le droit à la grève.

Pour résumer, la Tunisie d’aujourd’hui, c’est qui et quoi exactement? C’est une Constitution cousue de fil en blanc abâtardie à force de consensus; c’est une loi électorale qui instaure la division du peuple et l’instabilité du Parlement; et c’est un peuple dont une grande partie pense que la démocratie n’est que droits et jamais obligations ou devoirs!

La Tunisie d’aujourd’hui est un Etat où un prisonnier de droit commun peut devenir président puisque le bulletin numéro 3 n’est pas exigé et où les contrebandiers peuvent le devenir tout autant puisqu’avec leur argent facile, ils peuvent acheter des voix.

La Tunisie est aujourd’hui un pays où les vaguemestres «dégagent» les directeurs centraux de leurs bureaux et où le respect de la hiérarchie a complètement disparu -amnistiés intégrés et UGTT aidant!

La Tunisie d’aujourd’hui est celle où le principe de la légalité et de la suprématie de la loi a complètement disparu. Les contrevenants ne sont pas inquiétés puisque protégés par les syndicats et les partis …

La Tunisie d’aujourd’hui est celle où les grands patrons des groupes privés se réfugient dans les bras de l’UGTT pour intercéder en leur faveur auprès du gouvernement ou mieux encore les protéger de leurs propres employés, alors que la logique des choses voudrait qu’ils s’adressent à la Centrale patronale pour renforcer leur institution et la placer en tant que seul et unique défenseur de leurs intérêts.

La Tunisie d’aujourd’hui est celle où certains juges font la loi parfois au mépris de la loi usant de leur pouvoir discrétionnaire et en l’absence de garde-fous, telles la société civile ou encore d’une inspection efficace au sein du ministère de la Justice.

C’est drôle, l’histoire est un éternel recommencement. Abou Al Taieb Al Mutanabbi n’a-t-il pas dit, s’adressant au Khalife de l’époque: «Oh toi, le plus juste de tous sauf lorsqu’il s’agit de me juger, je veux que tu me rendes justice mais tu es juge et parti».

Où sommes-nous de l’Etat de droit qu’ambitionnaient ceux qui se sont plus souciés de corruption que de la destruction de tout un système de valeurs d’équité, de justice, de méritocratie et de légalité?

Pour avoir une portée pratique, le principe de l’État de droit suppose l’existence d’une justice indépendante, compétente, neutre et incorruptible. Nous ne saurons dire si c’est le cas de la Tunisie aujourd’hui, car à voir la qualité de l’application de la loi, nous ne pouvons prétendre avoir l’Etat de droit tant souhaité!

L’État de droit, devenu aujourd’hui un thème hautement politique, nous fait défaut. Car il s’agit en premier lieu de faire de l’application de la loi et des règles de droit des instruments de choix dans la régulation de l’organisation politique et socioéconomique. Sans le respect de la légalité, il n’y a aucune légitimité.

Dans la Tunisie d’aujourd’hui, la seule légitimité est celle de l’égalité dans l’ignorance, l’incompétence, la médiocratie et le populisme.

Les prochaines élections sauveront-elles la mise? Rien n’est moins sûr!.