Commerce international : l’OMC à la croisée des chemins

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OMC (Photo : Fabrice Coffrini)

[10/10/2014 17:23:19] Genève (AFP) Fragilisée par l’échec de juillet dernier, quand l’Inde a bloqué un accord commercial conclu à Bali en décembre 2013 lors d’une conférence ministérielle, l’OMC (Organisation mondiale du commerce) est à la croisée des chemins.

“Nous sommes dans une situation extraordinaire dans l’histoire de cette organisation, et sa crédibilité est en jeu”, a déclaré récemment un diplomate européen sous couvert d’anonymat.

Si l’OMC cédait sur les exigences de l’Inde, qui exige des assurances sur ses aides alimentaires, ce serait “créer un très mauvais précédent” et ouvrir en quelque sorte la boite de Pandore, a-t-il ajouté, car chaque pays-membre pourrait se sentir autorisé à changer d’avis, après avoir donné son accord sur un texte adopté par consensus.

Pour les Européens, l’accord conclu à Bali par l’ensemble des pays-membres de l’OMC, y compris l’Inde, ne peut pas être renégocié, car il en va de la crédibilité de l’organisation.

Cet accord constituait la première avancée concrète depuis des années de l’OMC, censée réformer et simplifier les règles du commerce international.

Appelé accord sur la facilitation des échanges, ce texte a été négocié pendant presque 10 ans, avant que les États-membres de l’organisation ne s’entendent sur un texte final.

Cependant, tout a été bloqué le 31 juillet dernier, quand l’Inde a refusé de signer le protocole de l’Accord sur la facilitation des échanges, conclu à Bali, et qui était l’étape indispensable pour ouvrir la période de ratification de cet accord par les États-membres.

L’Inde a bloqué le protocole, car elle souhaitait avoir des garanties concernant ses aides financières versées à ses producteurs agricoles, et qui sont contestées par les pays occidentaux qui les considèrent comme des subventions déguisées.

L’Inde a obtenu à Bali le droit de continuer ce programme jusqu’à fin 2017, le temps de trouver une solution définitive à cette question dans l’enceinte de l’OMC.

Après Bali, l’Inde a demandé que cette solution soit trouvée à la fin juillet 2014, ce qui n’a pas été le cas. Un nouveau délai a été proposé par Delhi pour fin décembre 2014.

Il y a 10 jours, le 30 septembre dernier, le Premier ministre indien, Narendra Modi, a cependant indiqué au président américain, Barack Obama, espérer qu’un accord serait “bientôt” trouvé afin de faire sortir de l’impasse cet accord bloqué par New Delhi.

“L’Inde soutient la facilitation des échanges. Cependant, j’entends également que nous soyons capables de trouver une solution qui prenne en compte nos inquiétudes en matière de sécurité alimentaire”, a déclaré M. Modi à l’issue d’une rencontre avec M. Obama.

Les États-Unis de leur côté décidé de bloquer la suite des travaux du comité chargé de négocier cet accord, faute de progrès avec l’Inde.

Pour sa part, le directeur général de l’OMC, le Brésilien Roberto Azevedo, qui ne ménage pas ses efforts pour débloquer la situation, a déclaré jeudi devant les chefs d’entreprises canadiens à Toronto qu’il “fallait sortir de cette impasse”.

Le prochain rendez-vous sur ce dossier épineux sera le 21 octobre, à Genève, avec la réunion du Conseil général, l’organe exécutif de l’OMC.

“Si on ne trouve pas un accord le 21 octobre, l’OMC va entrer dans une période mettant en cause son existence même”, a indiqué pour sa part un diplomate à Genève, siège de l’OMC.

L’accord incriminé prévoit une simplification des règles douanières, des règles de transit des marchandises, et concerne aussi les redevances et formalités au moment de l’exportation ou de l’importation.

Selon M. Azevedo, les bénéfices tirés de la mise en oeuvre de cet accord devraient s’élever à près de mille milliards de dollars chaque année.

Créée le 1er janvier 1995, il y a presque 20 ans, l’OMC a principalement deux missions : définir de nouvelles règles du commerce international, et régler les conflits commerciaux entre ses pays-membres, 159 actuellement.

L’accord sur la facilitation des échanges est le premier accord commercial multilatéral conclu depuis sa création.