En Amérique latine, le pétrole comme appât à compagnies étrangères

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étrolière de la compagnie mexicaine PEMEX, dans le golfe du Mexique (Photo : Omar Torres)

[24/08/2014 08:16:10] Mexico (AFP) Pour exploiter le pétrole d’une région qui accapare 20% des réserves mondiales, certains pays d’Amérique latine cherchent à attirer les entreprises étrangères, s’efforçant toutefois de ne pas perdre le contrôle de l’Etat sur ce secteur stratégique.

Au premier rang: le Mexique, le Brésil et l’Argentine, cibles de choix pour leurs réserves inexploitées et les possibilités de développer celles existantes.

Le Mexique a approuvé il y a quelques jours une réforme historique, mettant fin à 76 ans de monopole de la compagnie publique Pemex dans l’exploration et l’exploitation du pétrole.

Dans la foulée, la deuxième économie d’Amérique latine a lancé des appels d’offres pour 16 projets d’infrastructures électriques et de gazoducs, d’un montant total de 4,9 milliards de dollars (3,7 milliards d’euros).

Au total, le gouvernement mexicain espère capter pour 50 milliards de dollars d’investissements, avec comme objectif de stimuler la production pétrolière, qui ne cesse de chuter faute de financement suffisant, passant de 3,4 millions de barils par jour en 2004 à moins de 2,5 millions actuellement.

L’idée est aussi d’attirer des entreprises ayant la capacité technologique nécessaire pour exploiter le pétrole en eaux profondes dans le Golfe du Mexique, auquel Pemex n’a pu accéder.

Cette dernière reste toutefois en position très confortable, s’étant vu attribuer juste après la réforme 83% des réserves probables et prouvées de pétrole du pays, estimées à 20,6 milliards de barils.

Mais avant de venir, les compagnies étrangères voudront d’abord connaître les termes précis des contrats.

“Le plus important dans cette ouverture (du marché) est (qu’elles) puissent acheter et extraire du pétrole avec des conditions légales de certitude juridique, de non-expropriation”, explique à l’AFP Raymundo Tenorio Aguilar, directeur du département Economie de l’Institut technologique de Monterrey.

Autre obstacle susceptible de les rebuter: la charge fiscale. “Les impôts locaux sont très élevés. Il faudra voir si cela attire vraiment les investisseurs”, dit-il.

– Des groupes publics forts –

Au Brésil, les énormes gisements que compte le pays au large de ses côtes, sous une couche de sel (Presal), sont un bon moyen d’attirer les capitaux étrangers.

Mais pour opérer, les groupes non-brésiliens doivent s’associer à l’entreprise publique Petrobras, qui a au moins 30% de participation dans chaque projet et le monopole opérationnel.

En novembre dernier, le pays a attribué la concession du plus grand de ses champs pétroliers, Libra, au français Total, à l’anglo-néerlandais britannique Shell et à deux entreprises d’Etat chinoises… gardant 40% du total pour Petrobras.

Pour l’avenir, tout repose sur le résultat des élections d’octobre: si la présidente Dilma Rousseff, partisane d’un grand contrôle de l’Etat en matière énergétique, n’est pas réélue, cela serait un bon signal pour les groupes étrangers.

Si Marina Silva passe devant elle, malgré son engagement écologiste, “cela pourrait peut-être attirer plus d’entreprises privées” car “peut-être qu’elle ne protégera pas autant le monopole de Petrobras”, explique Adriano Pires, expert du secteur.

Il voit dans la victoire d’Aecio Neves, troisième dans les sondages, “le meilleur scénario pour les entreprises privées car il propose un calendrier de concessions et veut remettre en question cette clause des 30% pour Petrobras”.

Du côté de l’Argentine, c’est le précieux gisement de Vaca Muerta, en Patagonie, et ses réserves d’hydrocarbures non conventionnelles, qui attire les regards.

Le projet n’en est qu’à ses débuts mais plusieurs géants pétroliers, comme Total, les américains Chevron, Dawn Chemical et Exxon, l’allemand Winter Shale et Shell ont déjà signé des accords avec l’entreprise publique YPF.

Mais difficile de ne pas oublier la mésaventure de l’espagnol Repsol, dont l’essentiel de la part dans YPF a été nationalisé en 2012, ce qui a donné lieu à une bataille judiciaire, soldée par une forte indemnisation.

Et l’Argentine garde elle aussi un contrôle strict sur ce réservoir de 30.000 kilomètres carrés: sur les 180 puits en développement, plus de 70% sont à YPF.

“Vaca Muerta, en termes stratégiques, est très important”, souligne Horacio Lazarte, spécialiste de l’énergie chez le consultant Abeceb. “Toutes les projections jusqu’à maintenant estiment que le gisement arrivera à une exploitation pleine après 2020”, avec un potentiel de 27 milliards de barils, soit dix fois les réserves actuelles de l’Argentine.