Internet : 400 acteurs européens unis face à Google

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écran tactile, à Lille, le 14 mai 2014 (Photo : Philippe Huguen)

[15/05/2014 11:38:53] Paris (AFP) L’Open Internet Project (OIP), qui regroupe quelque 400 acteurs européens du numérique lance jeudi à Paris sa première conférence pour défendre la “Neutralité du Net” face à Google et doit déposer à Bruxelles une nouvelle plainte contre le géant américain.

Ces start-ups, groupes de médias comme Axel Springer, Lagardère Active, ou CCM Benchmark, en passant par le Geste, syndicat des éditeurs de contenus en ligne, ou celui des tour operators (SETO), issus de 15 pays d’Europe, dénoncent le monopole de Google sur les moteurs de recherche qui lui permet de manipuler “les résultats de recherche afin de promouvoir ses propres services et dégrader ceux de ses concurrents”.

L’OIP, rejointe également par des associations de défense de consommateurs, souligne que la part de marché de 90% de Google sur les moteurs de recherche en Europe risquait d’étouffer l’innovation sur le continent et demande l’interdiction des pratiques de Google qui consistent à favoriser ses propres services.

“C’est de notre responsabilité de se lever, dans trois ou quatre ans il sera trop tard”, a expliqué Benoît Sillard, patron du groupe de médias en ligne CCM Benchmark à l’AFP.

“On interpelle la Commission européenne (…) il faut de la régulation sinon on va écraser la créativité européenne”, lance-t-il. Il donne en exemple le site de comparaison de prix en ligne Twenga, en difficultés depuis qu’il a subi une dégradation de sa visibilité sur Google, avec qui il se retrouvait en concurrence.

Le mois dernier le patron du géant de la presse européenne Axel Springer, l’Allemand Mathias Döpfner, avait sonné l’alarme, en déclarant avoir “peur de Google”, qui combine le plus grand moteur de recherche au monde, la plus importante plateforme vidéo (Youtube), le courrier électronique le plus populaire (Gmail) et Android, le système d’exploitation pour mobiles le plus répandu.

Soulignant qu’une grande partie des médias “obtiennent leur trafic surtout par Google” et que dans les autres secteurs “le consommateur ne trouve l’accès au fournisseur presque uniquement par Google”, Mathias Döpfner pointait la grande dépendance des sociétés européennes envers Google, qui en revanche peut se passer d’elles, dans une lettre ouverte au patron du géant américain.

Il appelait le commissaire à la Concurrence Joaquin Almunia à changer de paradigme et combattre “l’abus de position dominante” du groupe.

Une nouvelle plainte devait être déposée jeudi à Bruxelles par l’OIP, pour dénoncer de nouveaux “excès” attribués à Google.

– opposition coordonnée à l’échelle européenne –

Cette démarche vient compléter les procédures en cours devant la Commission. L’OIP dénonce notamment les “remèdes” proposés dans le cadre d’une plainte de 2010 en cours à Bruxelles contre Google pour entrave à la concurrence qui devrait déboucher sur un règlement à l’amiable.

Le Commissaire Almunia a défendu sa position mardi, soulignant que Bruxelles avait “obtenu des concessions essentielles de la part de Google”, dans une tribune publiée par le Frankfurter Allgemeine Zeitung.

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érique Axelle Lemaire, le 2 mai 2014 à Paris (Photo : Jacques Demarthon)

La secrétaire d’Etat au numérique Axelle Lemaire a souligné mercredi que la position du commissaire Almunia était de plus en plus contestée.

L’opposition commence à se coordonner à l’échelle européenne, et cette période charnière est l’occasion pour la France de définir une stratégie à proposer à la Commission européenne qui doit être renouvelée après les élections européennes, a-t-elle indiqué à des journalistes.

Les règles du droit de la concurrence, que l’on a appliqué jusqu’à présent, ne sont pas du tout adaptées au secteur numérique, selon Mme Lemaire.

Le Ministre français de l?Economie Arnaud Montebourg ainsi que Ole Schroeder, Secrétaire d?Etat parlementaire du ministère fédéral de l?Intérieur et député du Bundestag en Allemagne et Francesco Boccia, Président de la Commission des finances de la Chambre des députés italienne, devaient intervenir à la conférence.

La fronde contre Google a aussi commencé à imprégner le milieu politique allemand puisque le gouvernement d’Angela Merkel avait mis sur la table la notion de “recherche sans discrimination” dans l’accord de coalition CDU/CSU/SPD.

L’Association de la Presse IPG, qui regroupe des éditeurs français de quotidiens et news magazine, a indiqué ne pas participer à l’OIP et avoir créé avec Google le Fonds pour l’innovation numérique de la Presse destiné à soutenir financièrement le secteur.