Hakim Ben Hammouda : Le rapport de la Banque mondiale est injuste envers le secteur privé tunisien (1/4)

Les soutiens des amis de la Tunisie à l’international, qu’il s’agisse des proches voisins, des partenaires européens traditionnels, des pays arabes du Golfe ou des grandes puissances économiques comme les Etats-Unis, la Chine ou le Japon, sont importants. Mais ce qui est encore plus important, c’est que les Tunisiens se prennent en charge eux-mêmes pour assurer le succès de la phase transitoire.

Aux dernières nouvelles, le gouvernement a déclaré avoir emprunté 350 MDT pour pouvoir couvrir les salaires du mois d’avril et qu’il aurait besoin de 600 MDT supplémentaires pour couvrir les dépenses de fonctionnement d’ici juillet, sinon le gouvernement serait incapable de payer les salaires des fonctionnaires. Les salaires et les investissements ne figurent plus en tête des préoccupations de Tunisiens. «Nous devons compter sur nos propres ressources et sur la capacités, sur notre secteur privé, pivot de l’économie pour redynamiser et relancer l’économie nationale. Il n’y a pas de solutions miracles ou parachutées qui puissent sauver notre pays de la dégringolade économique. Ce sont les Tunisiens eux-mêmes, maîtres de leur destin, qui pourraient le faire».

Il s’agit de Hakim Ben Hammouda, ministre de l’Economie et des Finances, qui s’est ainsi exprimé lors d’une interview accordée à WMC.

Entretien

hakim-ben-hamouda-finances-01.jpgWMC : Tout d’abord, monsieur le ministre, nous voudrions savoir ce que vous pensez de la dernière étude publiée par la Banque mondiale, et dans laquelle on affirme que, du temps de Ben Ali, plus de 21% du secteur privé était corrompu et a trompé dans des malversations…

Hakim Ben Hammouda : Il est évident que je ne l’approuve pas. J’ai été le premier surpris par ce constat que je trouve injuste envers le secteur privé dans notre pays. Un secteur qui a évolué au fil des ans grâce à son audace, son savoir-faire, son imagination et sa capacité à s’imposer dans des activités très compétitives au national et à l’international. Il existe en Tunisie nombre de groupes qui se sont battus pour arriver là où ils sont aujourd’hui. On n’a ni le droit de généraliser ni de sous-estimer leur mérite.

Pour rester dans l’actualité brûlante, qu’en est-il du budget 2013? A-t-il été clôturé?

Le budget 2013 n’a pas encore été clôturé. Nous avons trois mois pour le clôturer selon la réglementation internationale. Nous savons qu’il va y avoir un report négatif que nous estimons à peu près un peu plus de 1 milliard de dinars sur le budget 2014. Nous avions près de 2,6 de milliards de report négatif dont une partie a été résorbée par l’emprunt du FMI et l’emprunt turc arrivés vers la fin du mois de juillet. Nous allons parachever rapidement la clôture des comptes du budget 2013, lequel, probablement, dégagera un déficit que nous estimons à plus de 1 milliard qui sera reporté sur le budget 2014.

Vous avez par conséquent d’ores et déjà réduit le gap…

C’est le gap que nous avons déjà annoncé dès le début. Ce qu’il y a eu d’abord est un report. La Loi de finance pour 2014 avait inclus un financement extérieur hors ressources propres du budget de l’Etat. Soit 7,8 milliards de DT à peu près. A ce financement, il faut rajouter un peu plus d’un milliard de report négatif sur 2014, et ensuite il faut aussi rajouter des moindres recettes, qu’il s’agisse des recettes fiscales, ou de celles liées aux confiscations et à leurs revenus. Ce qui nous fait un besoin total de financement de l’ordre de 13,1 milliards de dinars.

Sur ces 13,1 milliards de dinars, il y a un certain nombre de financements identifiés et sécurisés, notamment l’accord du FMI, conclu avec le gouvernement précédent. Nous mêmes venons tout juste de sacrer cet accord ainsi que celui convenu avec la Banque mondiale.

D’autres ressources ont été identifiées mais elles ne sont pas encore sécurisées. Nous pouvons citer à ce propos les garanties américaine et japonaise pour lever des fonds.

Pour terminer, nous estimons le gap à 3,5, 4,5 ou 4 milliards de dinars.

La Tunisie peut-elle encore compter sur des ressources en provenance des marchés extérieurs par la levée des fonds?

Deux conditions sont importantes, nous multiplions les efforts pour trouver le financement le plus vite possible de manière à nous permettre de boucler le budget, ce n’est pas encore le cas, nous n’avons pas encore finalisé touts ces financements, ce qui se traduit par de fortes pressions sur les finances publiques. Ce sont des pressions qui risquent de toucher même les salaires ainsi que de nombreux aspects de la vie de nos concitoyens. Nous essayons de faire face à ces tensions, car, ne nous leurrons pas, la situation est difficile. Nous sommes décidés à mobiliser les ressources internes en lançant bientôt l’emprunt national qui démarrera très probablement au début du mois de mai.

Nous préparons également une stratégie de communication pour sensibiliser nos compatriotes, toutes catégories socioprofessionnelles et sociales confondues, à l’importance de l’emprunt national pour sauver notre pays et remettre notre économie debout. Nous y associerons bien évidemment la presse et la société civile.