Info ou pub ? Reworld, Webedia ou Buzzfeed mélangent les genres

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à Washington le 25 mars 2014 (Photo : Nicholas Kamm)

[02/04/2014 14:50:18] Paris (AFP) Les nouveaux médias comme Reworld, Webedia ou Buzzfeed gomment la frontière entre éditorial et publicité, et même les plus sérieux, du Monde au New York Times, cèdent au “native advertising”, ces publi-reportages fondus dans leurs pages .

Pour Pascal Chevalier, fondateur de Reworld Media, que Lagardère vient de choisir pour lui céder huit magazines déficitaires, le concept est le “content commerce” : un contenu qui vise à faire acheter, monétisé cher auprès des annonceurs.

“Quand on parle à quelqu’un d’un produit intéressant, il est normal de dire où l’acheter. Les marques médias se doivent d’être des marketplace, de dire où acheter pour aller au bout de l’information, grâce aux ‘coups de coeur’ de la rédaction”, avait-il expliqué lors d’une interview fin 2013.

Pascal Chevalier va plus loin, en faisant participer les journalistes aux contenus publicitaires. “Je pense que les régies et la rédaction doivent être fusionnées car c’est le même métier, qui est de raconter une histoire, mais avec une liberté d’expression”, a-t-il expliqué au Journal du Net. “Nous avons fait des sites pour des marques, du +brand content+. Il faut faire une histoire, scénariser du contenu, comme pour le site de Chanel que nous avons fait à l’image de celui de Marie France. Nous avons créé son contenu avec l’équipe éditoriale de Marie France. Les journalistes écrivent des contenus en rapport avec les produits de Chanel, type +j’ai testé pour vous+. Mais avec notre liberté d’expression”, a-t- il précisé à l’AFP.

Discours très similaire chez Webedia, pôle média de Fimalac (20 millions de chiffre d’affaires), propriétaire d’Allo Ciné, du site de cuisine 750g, et des sites de shopping et de divertissement Pure People, PureShopping, PureMedias, etc.

Comme chez Reworld, les bannières publicitaires, désormais bradées, sont dépassées: Webedia parie sur les “opérations spéciales”, où les marques habillent ses sites pour plusieurs dizaines de milliers d’euros. “Faire de l’information d’un côté, et vendre des carrés de publicité de l’autre, ça ne marche pas”, estime-t-on chez Webedia.

– ‘Faire rêver le cookie’ –

Là aussi la rédaction rédige parfois des publicités: une rédactrice beauté, en plus d’articles classiques, peut faire des fiches produits, au nom d’une synergie des coûts. Car Webedia, qui s’appuie sur ces compétences rédactionnelles pour réaliser des sites pour des marques, comme L’Oréal ou L’Occitane, pour plusieurs centaines de milliers d’euros.

Autre exemple, le site d’informations légères Buzzfeed, dont les populaires listes en 10 points, peuvent être sponsorisés par des marques.

Tout le but est de remplacer des bannières sur lesquelles personne ne clique par des articles discrètement sponsorisés et de qualité, qui fondent la marque dans un média reconnu, en plongeant le lecteur dans l’univers de la marque sans même qu’il en ait conscience.

Pour de telles publicités intégrées, les annonceurs paient cher, car ils profitent de l’image de sérieux du média qui les accueille.

Agir en secret peut faire partie de la stratégie. Ce secret est parfois presque un jeu : une récente vidéo qui a fait le tour du net en mars, “First Kiss”, s’est révélée, sans aucun logo mais par bouche à oreille, une publicité pour une marque de vêtements, que portaient les acteurs.

Les médias vantent désormais leur nombre de “contacts” (lecteurs), recueillent sur eux le plus de données possibles pour que les annonceurs les ciblent mieux, grâce aux “cookies” (programmes espions) cachés sur les pages, et les attirent par des articles intéressants.

“Il faut faire rêver le cookie”, a résumé un publicitaire du web.

Même de grands médias cèdent à cette tendance. La régie du Monde, “M Publicité”, a fait une récente présentation à ses annonceurs pour afficher sa conversion au “native advertising”. La semaine dernière, Les Echos ont remplacé leur “Une” par une fausse “Une” pour promouvoir une voiture. Le New York Times a publié sa première “native ad” en janvier. Et les publicités intégrées ont envahi les résaux sociaux, avec des “tweets sponsorisés” et des articles sponsorisés sur Facebook, au milieu des messages de vos amis.