Tunisie – Agriculture : Belles perspectives de la saison des grandes cultures

Par : TAP

cereaculteurs-680.jpgLes intervenants dans le secteur des grandes cultures en Tunisie, notamment les organisations professionnelles, affirment que la saison céréalière (2013/2014) s’annonce prometteuse, mais estiment qu’elle risque d’être entravée par les difficultés financières du secteur et l’impact du retard de versement de la deuxième tranche des crédits saisonniers.

Controverses sur les estimations des superficies

Selon les prévisions du chargé de la production végétale à l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), Chokri Rezgui, la saison des grandes cultures sera bonne grâce aux quantités de pluies enregistrées “dont la répartition était satisfaisante en dépit de leurs faibles quantités”, a-t-il dit.

Le groupement professionnel des entrepreneurs agricoles relevant de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) a souligné, depuis février 2014, que la saison des grandes cultures s’annonce prometteuse. Toutefois, les estimations relatives aux superficies consacrées aux grandes cultures sont différentes. Le membre du bureau exécutif du Syndicat des agriculteurs de Tunisie (SYNAGRI), Aziz Bouhejba, a déclaré à TAP que les superficies pour la saison 2013/2014 sont réparties sur près d’un million d’hectares (ha), critiquant les estimations officielles (1,4 million ha).

Bouhejba a appelé, dans ce cadre, le ministère de l’Agriculture à actualiser ses chiffres pour parvenir à une évaluation réelle des superficies des grandes des grandes cultures et de la production par hectare.

Les superficies des grandes cultures varient d’un gouvernorat à un autre. Ceux du nord-ouest accaparent la part du lion. Selon les délégations régionales de l’agriculture la superficie des grandes cultures est estimée à 236 mille ha à Béja, 210 mille ha à Siliana et 67 mille ha à Zaghouan.

Le commissaire régional à l’agriculture dans le gouvernorat de Zaghouan Abdallah Rabhi a considéré que les dernières précipitations, dont les quantités ont dépassé la moyenne annuelle normale dans la région, ont favorisé l’accroissement des grandes cultures, l’amélioration de son état, et l’alimentation de la nappe phréatique profonde.

En ce qui concerne le déroulement de la saison agricole, Chokri Rezgui a précisé que l’opération de fertilisation, notamment à travers l’utilisation de l’Ammonitrate a atteint une phase avancée, car la plupart des agriculteurs ont achevé, au début du mois de mars, la deuxième tranche de l’opération de fertilisation, alors que d’autres agriculteurs ont déjà accompli la troisième phase de cette opération.

Au sujet du traitement des superficies emblavées, Rezgui a fait remarquer que la deuxième phase de cette opération atteindra prochainement 90%. L’orateur a souligné l’insuffisance des pesticides permettant de lutter contre les mauvaises herbes, du fait que les importateurs ne fournissent que 40% des besoins, pour éviter le stockage de ces médicaments dans les entrepôts.

Il a souligné, dans ce contexte, que l’utilisation des pesticides vise à préserver les superficies consacrées aux céréales notamment dans d’autres régions autres que le nord. Mohamed Aziz Bouhejba avait souligné le manque de pesticides qui sont nécessaires à la réussite de la saison agricole, tant en terme de qualité que de quantités.

Pour sa part, le syndicat des agriculteurs de Tunisie avait demandé au gouvernement, dans un communiqué daté du 22 mars 2014, de fournir les pesticides insecticides nécessaires à dans toutes les régions de production, considérant que ceci est à même d’aider les agriculteurs, notamment les petits d’entre eux à faire face aux besoins de la céréaliculture.

Le syndicat avait précisé que l’objectif est d’augmenter le rendement et d’assurer de plus grandes quantités d’une meilleure qualité à même de renforcer la sécurité alimentaire. La corporation a considéré que ces mesures sont urgentes vu les prémices augurant d’une bonne récolte des céréales pour cette saison, d’où la nécessité de déployer davantage d’efforts afin d’assurer celle-ci. Nonobstant la hausse des coûts des intrants et le faible taux de financement pour une large catégorie des agriculteurs.

Retard de versement des crédits

Les prévisions des autorités officielles, y compris l’UTAP, divergent avec celles des autres organisations agricoles concernant le versement des financements destinés à la saison des grandes cultures.

Pour le groupement interprofessionnel des entrepreneurs agricoles, relevant de la CONECT, le retard enregistré en matière de versement des crédits saisonniers complémentaires va impacter automatiquement les résultats de la saison.

Le groupement avait souligné auparavant que ces prêts, généralement versés vers mi-Février de chaque année, n’ont pas été versés à temps au cours de cette saison, en ce, en dépit d’une saison des grandes cultures prometteuse.

Pour leur part, les banques et le commissariat régional à l’agriculture à Siliana, imputent le retard de versement de ces prêts au retard enregistré en matière de publication de l’arrêté relatif aux crédits complémentaires destinés aux grandes cultures.

Il y a lieu de souligner que l’arrêté de la Banque centrale de Tunisie (BCT) relatif à ce sujet n’a été publié que vers la fin de la première semaine du mois de Mars.

Le financement de l’agriculture, la relation de l’agriculteur avec les banques, le retard de versement des prêts et tous les autres problèmes précités constituent les principales problématiques auxquelles le secteur est confronté en Tunisie.

Mokhtar Arfaoui, petit agriculteur dans la région El Menchar (gouvernorat de Béjà) ,a indiqué, dans ce cadre, qu’il n’a pas osé déposer un dossier pour l’obtention d’un financement complémentaire en raison du refus de la banque, de rééchelonner une partie de ses dettes. «La porte est close même si l’on y frappe », a-t-il dit.

La plupart des agriculteurs de Béja, dont le nombre s’élève à 70.000, souffrent du problème d’endettement. Plusieurs agriculteurs n’ont pas bénéficié des crédits saisonniers en raison de la non concrétisation de ces mesures.

“Le retard de décaissement des crédits complémentaires par la Banque nationale agricole (BNA) a suscité l’inquiétude de plusieurs agriculteurs dans la région de Siliana, devenus incapables de faire face, par leurs propres moyens, aux dépenses de la saison”, selon les déclarations de Marouen Dhaoudi, Abdsattar Sadkaoui et Salah Samti, des agriculteurs de la région.

Ils ont affirmé que les indicateurs encourageants, concernant la saison agricole actuelle, auraient dû être accompagnés de mesures, telle que la fourniture des quantités d’Ammonitrate nécessaires pour assurer, dans les meilleurs délais, la troisième partie, des besoins des plantes en ce produit, afin de permettre leur croissance. Ils ont appelé à réviser les critères adoptés lors de l’octroi des crédits agricoles, proposant l’augmentation des sommes octroyées, conformément à la hausse des coûts de production…

Le commissariat régional à l’agriculture à Béja a indiqué qu’au cours de la saison agricole 2013/2014, 688 agriculteurs ont bénéficié de crédits saisonniers moyennant des investissements estimés à 12 millions 664 mille dinars. Toutefois, le commissaire régional à l’agriculture, à Béja, Habib Balti, a assuré que le non financement d’un nombre d’agriculteurs n’a pas d’impact sur le rendement de la saison.

La chargée des crédits agricoles à la BNA, Nabaouia Amri, a fait savoir que la BNA a refusé, au cours de cette saison, le financement de 24 agriculteurs sur un total de 564 agriculteurs ayant déposé des demandes de financement.

Amri a souligné que les crédits complémentaires attribués par la Banque ont atteint, jusqu’au début du mois de mars, 12 millions de dinars, au profit de 565 agriculteurs, contre 11,5 millions de dinars, au profit de 704 bénéficiaires en 2012.

Elle a cité, dans ce cadre, les causes directes de refus de financement de certains agriculteurs. Il s’agit de la non clarté du titre de propriété du terrain ou encore de la mauvaise foi de certains qui essayent de tricher pour obtenir plus d’un crédit pour un seul terrain. Amri a précisé que le volume des crédites agricoles saisonniers varie entre 800 dinars et 600 mille dinars par agriculteur.

Selon le SYNAGRI, les crédits complémentaires ne représente que 3% du coût total supporté par l’agriculteur, mais appelle le gouvernement à octroyer des crédits complémentaires et des avances en nature aux agriculteurs via les sociétés de collecte de blé, les services régionaux d’agriculture et les structures de vulgarisation.

WMC/TAP