Céréalier dans la Marne, il tourne le dos au “tout chimique”

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à Paris (Photo : Pierre Andrieu)

[26/02/2014 13:45:16] Paris (AFP) “Le tout chimique est derrière nous”: Jean-Paul Vinot est céréalier dans la Marne et il tente, à sa modeste échelle, de protéger la biodiversité qui l’entoure, sans être bio pour autant.

En traversant les riches régions céréalières et de grandes cultures du nord de la France, le paysage est uniforme, les haies ont disparu, la monoculture productiviste enlevant ses droits à la nature.

Après des impasses techniques, certains céréaliers ont compris qu’un tel système avait fait son temps. Ils ont revêtu leur costume d’agronome pour trouver un équilibre entre une “agriculture raisonnable” et l’utilisation de produits chimiques.

C’est le cas de Jean-Paul Vinot, céréalier et producteur de noix sur 240 hectares à Saint-Quentin-le-Verger, dans la Marne. Lui, ça fait 25 ans qu’il tente de trouver des systèmes plus vertueux. Un pionnier dans cette riche région céréalière où la productivité prime sur le reste, venu raconter sa démarche au public du salon de l’agriculture à Paris.

Son point de départ est simple: “l’environnement, si je le dégrade, je suis le premier à en pâtir”.

– Sols vivants –

Alors il tente de protéger la biodiversité qui l’entoure à travers quatre grands principes: rotation des cultures, intercultures, pas de labour et préservation des haies, pour protéger les parcelles du vent et accueillir insectes et oiseaux locaux.

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ées et colza. (Photo : Joel Saget)

“Sur chaque parcelle, j’ai des cycles de 7 à 8 ans. Je plante successivement du blé, des betteraves, de l’orge de printemps, du chanvre, des ?illettes (pavot), des graminées semence, du colza et de la luzerne”, énumère-t-il.

“Quand tu fais de la monoculture, il y a des problèmes de maladie. Si la culture change, un champignon qui attaque le blé mais pas forcément une autre culture va finir par s’éteindre au fil de la rotation”, ajoute-t-il.

Et puis, il y a des légumineuses, comme la luzerne, qui enrichissent le sol en azote.

Jean-Paul Vinot, qui représente la 7ème génération d’agriculteur de sa famille, pratique aussi le sans-labour, parce qu’il faut que les sols vivent. “Sous nos pieds, il y a des champignons, des bactéries, des insectes et moins on y touche, mieux c’est”, explique-t-il.

Là encore cette technique ne fait pas que protéger la faune, elle aide à réduire l’usage de produits chimiques. Sans labourer, les carabes (insectes notamment destructeurs d’insectes et de larves) reviennent dans les sols, et elles débarrassent l’agriculteur du problème des limaces.

Entre deux cultures, le céréalier plante du radis, de la moutarde ou du sarrasin. Des productions qui ne sont pas destinées à la vente mais à protéger les sols. Un système vertueux qui profite à tout le monde et même aux abeilles, lorsqu’il y a des fleurs.

– Produire plus avec moins –

Au final, l’agriculteur a réussi à réduire de 30% son usage de fongicides et d’insecticides. Sur les herbicides, c’est un peu plus difficile. Il fait partie du réseau des fermes DEPHY, dans lequel près de 2.000 fermes tentent de réduire leurs usages de pesticides.

Et pour partager son expérience auprès d’autres agriculteurs, il participe au Forum des agriculteurs responsables respectueux de l’environnement (Farre).

Il se défend de faire du prosélytisme mais reconnaît quand même que l’agroécologie est un peu “une religion”. “Il y en a qui veulent rien entendre mais la mentalité des céréaliers est en train d’évoluer”, veut-il croire.

“Nous, on est réaliste, ce paquebot agricole, vous ne le ferez pas changer du jour au lendemain”. Alors “Il faut modifier progressivement le système et rester en même temps hyper-productif. Car il va falloir qu’on double la productivité sur la planète d’ici 2020 avec moins de terres, moins de chimie, moins d’eau et moins d’énergie”, rappelle Gilles Maréchal, directeur de Farre.

“Le tout chimique a eu son heure de gloire, et c’est derrière nous”, conclut Jean-Paul Vinot.