Pas de débâcle pour l’économie sud-africaine après Mandela

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é le 11 février 2012 à Pretoria (Photo : Stephane de Sakutin)

[07/12/2013 18:21:45] Johannesburg (AFP) Les acquis économiques du régime de Nelson Mandela restent fragiles, mais l’Afrique du Sud ne risque pas la débâcle que prédisent certains économistes pessimistes après sa mort, estiment des analystes.

Après l’annonce du décès du grand homme jeudi soir, la Bourse de Johannesburg (JSE) et le rand sud-africain n’ont pas été affectés outre mesure. L’indice JSE All Share a pris près de 1%, tandis que le rand, fort malmené ces dernières semaines, s’est apprécié d’à peu près autant par rapport au dollar.

“L’absence de réaction du ZAR (rand) a été notable, les Cassandres annonçant un scénario à la zimbabwéenne sont restés silencieux jusqu’à présent”, estime Peter Attard Montalto, analyste à la banque japonaise Nomura, faisant allusion à la descente aux enfers de l’économie zimbabwéenne dans les années 2000, quand le président Robert Mugabe a entrepris de saisir les terres des fermiers blancs.

“Cela dit, il y a une minorité dérangeante dans la communauté sud-africaine des finances qui soutient cette ligne”, reconnaît-il.

Depuis des mois, des rumeurs infondées circulent dans le pays, prédisant une révolte des couches pauvres noires après la mort de Mandela le réconciliateur. Et des politiciens populistes réclament de plus en plus la nationalisation des mines et des banques et l’expulsion des fermiers blancs.

La mort de Nelson Mandela, qui a quitté le pouvoir en 1999, à poussé les économistes sud-africains à s’interroger sur son rôle dans la transformation de l’économie du pays.

“Le rôle de Mandela dans le développement politique de l’Afrique du Sud est indiscutable”, note Shilan Shah, économiste de Capital Economics. “Des progrès significatifs ont été accomplis sous sa direction. Cependant, ils risquent maintenant d’être annulés.”

Les inconditionnels du héros national disent qu’il a apporté à l’Afrique du Sud la stabilité dont a besoin son économie après plusieurs années de sanctions économiques, tout en impliquant les travailleurs noirs.

Il a également reconstruit des institutions affaiblies par le népotisme, qui pendant des décennies ont employé des travailleurs blancs, quelle que soit leur compétence.

“Entre 1980 et 1993, la croissance du PIB réel a été de 1,4% en moyenne par an. Entre 1994 et 2012, la croissance moyenne a augmenté à 3,3%”, a relevé M. Shah.

Mais vingt ans après la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud reste l’un des pays les plus inégalitaires au monde. L’économie croît trop lentement pour faire reculer le chômage, qui touche officiellement le quart de la population active.

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évrier 2012 (Photo : Stephane de Sakutin)

Certains accusent l’administration Mandela d’avoir semé les graines d’où ont germé les problèmes d’aujourd’hui, en particulier la corruption et la mauvaise gestion du gouvernement de l’ANC.

Les critiques disent que Mandela était trop désireux de promouvoir ses camarades de lutte anti-apartheid à des postes de responsabilité, même s’ils n’en étaient pas capables.

“Avait-il des faiblesses? Bien sûr que oui”, a dit vendredi son ami, l’ancien archevêque Desmond Tutu.

“Parmi eux, sa loyauté indéfectible à son organisation (l’ANC, ndlr), et à certains de ses collègues qui l’ont laissé tomber en fin de compte. Il a gardé dans son gouvernement des ministres sous-performants et franchement incompétents.”

Peter Attard Montalto, de Nomura, conteste également la décision de Mandela d'”avoir créé un cercle de riches hommes d’affaires noirs qui ne sont pas des industriels ou de vrais (si nous sommes honnêtes) créateurs d’emplois”.

Et si l’alliance gouvernementale formée entre l’ANC, le Parti communiste et la confédération syndicale Cosatu a apporté une certaine stabilité, elle empêche toute réforme économique de fond.

“Après les premières mesures prises après l’apartheid, le processus de réforme est maintenant au point mort. Les négociations collectives avec le Cosatu ont fait que les coûts de main d’oeuvre ont confortablement dépassé les gains de productivité au cours des dernières années”, relève M. Shah. “En fait, il n’y a quasiment eu aucun progrès dans la réduction du haut niveau de chômage en Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid”.