Tunisie – Crise politique : L’accord Abbassi-Ghannouchi, une nouvelle manœuvre nahdhaouie?!

rached_abbasi-23082013-l.jpgOPINION
– L’effet d’annonce de l’accord conclu entre le secrétaire général de la
centrale syndicale, Houcine Abbassi, et Rached Ghannouchi, leader du parti
Ennahdha en vertu duquel Ennahdha accepte l’initiative de l’UGTT pour sortir de
la grave crise politique que connaît le pays, n’aura duré que quelques minutes
puisque les faucons nahdhaouis se sont invités sur les plateaux des radios pour
en minimiser l’impact et rappeler que rien n’a été encore décidé.

D’abord, rappelons que l’initiative de la centrale syndicale comporte sept
points:

1) La formation d’un gouvernement de compétences nationales restreint,
indépendant dont les membres s’engagent à ne pas se présenter aux prochaines
élections et donnant la priorité au volet sécuritaire et économique.

2) La dissolution des Ligues de protection de la Révolution.

3) La neutralité de l’administration, des institutions éducatives et
religieuses.

4) La révision de toutes les nominations locales, régionales, centrales et
diplomatiques.

5) La formation d’un comité national pour enquêter sur les derniers assassinats
politiques et attentats terroristes.

6) La constitution d’un comité d’experts pour achever l’élaboration de la
Constitution et en réexaminer les points litigieux.

7) L’élaboration d’une loi électorale dans un délai ne dépassant pas les 15
jours après la création de l’Instance supérieure indépendante pour les élections
(ISIE).

Officiellement, le parti Ennahdha a rendu, juste après la déclaration de son
leader Ghannouchi annonçant l’aboutissement à un accord, un communiqué dans
lequel le parti reconnaît certes avoir accepté l’initiative de la centrale
syndicale en tant que point de départ du dialogue visant à acheminer le pays
vers une sortie de crise, mais ajoute un élément d’information qui risque de
ramener les négociations à la case de départ.

En effet, le même communiqué précise que “le gouvernement de la Troïka ne
démissionnera pas et continuera sa mission jusqu’à ce que le dialogue national
aboutisse à un choix consensuel qui garantira la transition démocratique et
l’organisation d’élections libres et transparentes”.

Pis, intervenant sur les ondes de Radio Express Fm, deux faucons nahdhaouis, en
l’occurrence le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, et le secrétaire d’Etat
auprès du ministre des Affaires sociales chargé de l’Emigration et des Tunisiens
à l’étranger, Houcine Jaziri, ont déclaré que la position de leur parti n’a pas
été bien comprise. Pour eux, l’accord n’était qu’un accord de principe aux
termes duquel Ennahdha accepte le principe d’entamer le dialogue.

Décryptage: Ennahdha campe toujours sur ses pistions initiales. Le parti reste
au final attaché à un gouvernement d’union nationale présidé par une
personnalité nahdhaouie et à la poursuite des travaux de l’Assemblée nationale
constituante (ANC).

Moralité : l’annonce de cet accord n’aura a été qu’une énième manœuvre de Rached
Ghannouchi et de ses sbires pour gagner du temps.

Pour sa part, l’opposition crie au piège et met en garde ses composantes contre
toute adhésion naïve à cet accord de principe. Le porte-parole du Parti des
Travailleurs et membre du Front Populaire, Jilani Hammami, rappelle du reste que
cet arrangement n’est pas encore une «décision définitive» des nahdhaouis, c’est
tout juste un engagement sur «la base d’un dialogue».

Sur sa page Facebook, Mohsen Marzouk, membre du bureau politique de Nida Tounes,
appelle les opposants à la prudence estimant qu’«en attendant une vision plus
claire de la part du parti Ennahdha et une acceptation franche du contenu de
l’initiative de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’opposition doit
camper sur sa position et surtout ne pas applaudir les déclarations à chaud des
protagonistes».

La députée, Karima Souid (opposition), a mis en garde, dans un post sur sa page
officielle, contre la «manœuvre» d’Ennahdha et rappelle que le sit-in du
«Départ» ainsi que la mobilisation du samedi 24 août restent d’actualité. Pour
elle, il ne peut y avoir de dialogue sans la démission, au préalable, du
gouvernement actuel et la formation d’un gouvernement de salut national.

Cela pour dire in fine que la situation n’a pas bougé d’un iota, nous sommes
toujours au point de départ. Un seul élément nouveau. La balle est, cette
fois-ci bel et bien dans le champ d’Ennahdha qui risque de payer gros ces
manœuvres auprès d’une population usée et désabusée.