Tunisie – Crise économique : “Nous ne sommes pas encore au bord de la faillite”, affirme Moez Laabidi


economie_tunisie-21082013-l.jpgPendant
qu’Ennahdha et ses vautours se prêtent au jeu de pourparlers très controversés
avec l’opposition et une très grande partie de la société civile, les échecs
économiques, les déceptions sociales atteignent des seuils presque intolérables
dans le pays, même si pour l’INS le chômage aurait reculé de 2 points avec un
taux de 15,9% au deuxième trimestre 2013; mais d’après Mostapha Kamel Nabli, qui
s’est récemment exprimé sur France 24 international, le taux serait de 17%. Qui
croire?

Si ce n’est que nombre d’amnistiés proches de la Troïka ont été récupérés par
l’administration publique conjugué à de nouvelles recrues admises dans les
établissements publics dont plus de 5.000 au ministère de l’Intérieur…

Ce qui a été fait ressemblerait plus à un anesthésique pour calmer les
populations en rogne, faisant du surplace et paralysant encore plus une
administration de fait saturée, sans oublier les rumeurs persistantes d’une
police parallèle qui aurait profité de la situation de confusion par laquelle
passe le pays pour s’installer dans un ministère de souveraineté au risque de
perturber toute la politique sécuritaire du pays. Mais qui s’en soucierait? Une
politique sécuritaire dont l’impact sur l’économie est sans appel!

Et devons-nous croire aveuglément les estimations de l’INS, d’habitude
crédibles, lorsque des experts comme Mourad El Hattab, expert en risques
financiers remettent en question les chiffres de croissance annoncés par cette
institution, précisant qu’on ne peut parler de taux de croissance égale à 3,6%
ou 3,5% en l’absence de méthodologie crédible et scientifique permettant une
lecture juste des chiffres? Performances que le FMI situe à 3,3%.

Pendant ce temps là, l’ancien gouverneur de la BCT, Mustapha Kamel Nabli –MKN
pour les intimes-, à l’occasion, rappelait, lors d’un entretien diffusé sur
France 24 International, le risque de l’usage de la violence dans les débats
politiques qui a commencé par être verbale pour devenir ensuite physique. Il a
cité les perturbations des meetings politiques orchestrés par des personnes à la
solde de certaines composantes politiques et des groupuscules violents allant
jusqu’à incendier les sièges et les représentations des partis politiques.
«C’est extrêmement grave avec un impact dramatique sur l’économie, car ce dont a
besoin une économie, c’est un climat de confiance et de sécurité. Cette violence
que nous voyons au quotidien inquiète les investisseurs domestiques et étrangers
qui révisent leurs intentions d’investir et la conséquence directe est bien
entendu le recul des performances économiques».

MKN a rappelé que les raisons de son évincement de son poste de gouverneur
relevaient du fait qu’il refusait que la BCT soit un enjeu politique et estimait
que son rôle se limitait à l’ajustement de la politique financière du pays et à
veiller à l’équilibre des fondamentaux de l’économie nationale.

Pour Mouez Laabidi, universitaire économiste, la faillite de la Tunisie n’est
pas à l’ordre du jour, mais le pays risque par contre de ne pouvoir respecter
ses engagements extérieurs en s’acquittant de ses dettes. La dégradation de sa
note souveraine n’arrange pas bien entendu sa situation vis-à-vis de ses marchés
extérieurs, car son pouvoir de négociation avec les bailleurs bilatéraux et
multilatéraux s’affaiblit de plus en plus.

Quant au paiement des salaires, ce n’est pas le plus inquiétant: «Car, vous
savez ce que l’on fait dans ce cas, on fait fonctionner la planche à billets au
risque bien entendu de générer  une montée inflationniste sans précédent dans le
pays».

Le risque inflationniste se répercutera sur le pouvoir d’achat car c’est ce qui
s’appelle de l’érosion monétaire, avec un même salaire ou un salaire plus élevé,
les ménages ne peuvent pas s’offrir autant de choses que la période
pré-inflationniste. Cela se traduit par trop d’argent à dépenser sans qu’il y
ait en échange assez de produits à acquérir.

La Tunisie a souffert ces deux dernières années du recul de deux secteurs clés,
en l’occurrence le tourisme (-50%) et l’énergie et les mines (-60%). Conséquence
directe, la baisse du taux de croissance, la fragilisation du tissu
entrepreneurial -principalement les PME/PMI- et donc le recul des recettes
fiscales.

Comment un Etat pourrait-il honorer ses engagements dans pareille situation,
qu’il s’agisse envers son propre peuple ou envers ses partenaires étrangers?

Ce n’est pas que cela, estime Mouez Laabidi, la Tunisie est aujourd’hui
incapable de lancer les réformes structurelles sur lesquelles les gouvernements
postrévolutionnaires se sont engagés après le 14 janvier 2011 au vu d’un modèle
économique dont tout le monde a reconnu les limites; même les réformes exigées
par le FMI ne pourraient être honorées au vu du contexte socioéconomique
perturbé et instable du pays. Conséquence: la possibilité traîne un peu du pied
pour ce qui est du prêt à accorder à la Tunisie, mais pire, il n’y aura pas
d’IDE (Investissements directs étrangers), ni d’investissements domestiques
d’autant plus que les grèves sont devenues monnaie courante, et la grève
générale est de plus en plus banalisée.

Ceci sans oublier l’érosion des compétences de l’administration tunisienne
remplacées rapidement par les fidèles aux partis au pouvoir et l’incapacité de
l’Etat à asseoir son autorité sur les régions qui ne lui font plus confiance et
qui ne respectent même plus ses représentants.

En l’espace de quelques semaines, la Tunisie a perdu JAL Group qui a réparti ses
activités entre la République tchèque et la France, la firme allemande
Continental de fabrication de pneus quitte définitivement la Tunisie et
Latécoère qui réduit sa production dans notre pays.

A qui la faute?

«Auparavant, nous pouvions expliquer la récession en Tunisie par le fait que
nous dépendions de la dette souveraine européenne et que nous subissions les
pressions haussières des prix des hydrocarbures, aujourd’hui, en plus, nous
souffrons également d’une instabilité politique, sociale et d’une incapacité à
enclencher les réformes nécessaires au pays, à commencer par celle du système
éducatif. Mais les préoccupations de nos politiques semblent être ailleurs!»,
conclu Mouez Laabidi.

C’est ce qui expliquerait que, lors de son dernier conseil d’administration, la
BCT ait appelé «à prendre les mesures urgentes nécessaires sur les plans
politique, sécuritaire et économique à même de pallier, moyennant la conjugaison
de tous les efforts, la situation difficile et d’aider à retrouver le rythme
requis de l’activité économique pour les derniers mois de cette année».

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