Construction de logements : haro sur les recours abusifs

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à droite: la ministre du Logement Cécile Duflot, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et sa directrice adjointe de cabinet Camille Putois à Matignon, le 17 juillet 2013 à Paris (Photo : Patrick Kovarik)

[17/07/2013 19:37:40] Paris (AFP) Très attendue par les professionnels du bâtiment en France, une ordonnance validée mercredi en Conseil des ministres vise à mettre fin aux recours abusifs et parfois mafieux contre les projets de construction de logements, devenus au fil des années un véritable sport national.

Selon le ministère, la construction de 25.000 à 30.000 logements serait actuellement bloquée par des recours — certes pas tous abusifs — devant les tribunaux administratifs, qui peuvent durer jusqu’à six ans.

Sur la seule ville de Marseille, la mise en chantier de 5.000 logements serait suspendue chaque année par des recours “malveillants”, alors que le département des Bouches-du-Rhône en entier n’en produit que 6.000 par an. A l’échelle du pays, quelque 15.000 emplois seraient concernés.

“C’est devenu un vrai business, un loto où l’on gagne à tous les coups. Dès qu’il monte une opération, le promoteur se fait attaquer par le voisinage: soit il va devant les tribunaux, au risque de voir l’opération capoter, soit il est forcé de trouver des arrangements… à 90% en signant un chèque”, s’indigne auprès de l’AFP Yoann Joubert, qui préside le promoteur Realites, spécialiste de l’Ouest de la France.

“Et là bizarrement, le voisin qui était très choqué par le bruit, la pollution du chantier, la densification urbaine…. tout d’un coup ne l’est plus du tout”, poursuit-il. Si certains “veulent juste un petit aménagement que nous concédons, un sur deux veut juste de l’argent”, estime M. Joubert.

Pour mettre fin à ces abus, la ministre de l’Egalité des Territoires et du Logement, Cécile Duflot, a présenté mercredi en Conseil des ministres une ordonnance visant à combattre les recours “manifestement” abusifs et à “réduire les délais de traitement des litiges dans le domaine de l’urbanisme”.

Une limitation d’ordre géographique est créée : il sera désormais impossible de “déposer un recours alors qu’on habite à Marseille et que le projet est prévu à Brest, en prétextant qu’on avait l’intention de s’installer à deux pas” du futur chantier, a explicité le ministère.

Et il ne sera plus possible de justifier un recours a posteriori. C’est la “situation du requérant à partir de la date d’affichage en mairie de la demande de permis de construire” qui permettra de juger de sa validité. Ainsi la construction projetée devra être “de nature à affecter directement les conditions d’occupation ou d’utilisation de son bien”.

“Cela fait trente ans que nous attendions ce type de mesures!”

L’ordonnance impose aussi de déclarer auprès du fisc toute transaction réglant un contentieux en matière d’urbanisme.

“Cela fait trente ans que nous attendions ce type de mesures!” s’est réjoui Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). “Espérons que cela permettra d’endiguer certaines dérives mafieuses, notamment dans le Sud-Est”, dit-il.

Le tribunal administratif pourra aussi condamner l’auteur d’un recours malveillant à verser des dommages et intérêts au bénéficiaire du permis de construire, “si ce dernier a subi un préjudice excessif”. Toutefois, les associations de protection de l’environnement jouissent d’un “régime de protection particulier, fondé sur la présomption que leurs recours obéissent, par principe, à un motif d’intérêt général”.

“En quel honneur? Alors pour les associations de protection de l’environnement, la chasse aux promoteurs est ouverte?” s’interroge M. Joubert, pour qui construire des logements collectifs “relève autant de l’intérêt général que défendre un jardin”.

Et de l’avis de plusieurs professionnels, ramener les délais de jugement des recours à six mois aurait réglé le problème. “La seule façon de sortir de l’ornière est de réduire les délais de procédure”, juge Emmanuel Launiau, directeur général du promoteur OGIC, dont “une opération sur trois en France est bloquée par des recours… et toutes à Marseille”.

Au tribunal administratif de Grenoble, “les délais actuels sont de 36 mois”, rapporte Grégory Monod, qui dirige le promoteur Sogimm. “Lorsque le projet peut enfin démarrer… le marché risque de ne plus répondre présent”.

“Si la punition est plus forte, cela renforcera notre détermination à aller jusqu’au bout des procédures”, affirme M. Launiau, qui comme ses confrères sera très attentif aux modalités d’application de l’ordonnance, précisées dans un décret attendu d’ici la rentrée.