Partenariat BCT – Banque de France : Traquer l’inflation


banque_france-25042013-l.jpgQuelle
politique monétaire pour l’avenir? La
BCT

a implémenté le dispositif de
prévision de la Banque de France. Elle est en mesure de rendre la politique
monétaire plus transparente, plus crédible et surtout plus efficace dans la
maîtrise des prix, protégeant ainsi la valeur de la monnaie. Le but est d’aider
les opérateurs économiques à intégrer les anticipations inflationnistes dans
leur calcul économique. Ce faisant, on va vers la modernisation du marché des
capitaux et la courbe des taux monétaires est à l’horizon.

Prédire la conjoncture revient à prédire la conjoncture. C’est une façon de se
donner une vision de l’évolution de l’économie réelle. C’est un travail
technique et la Banque centrale de Tunisie, dans le cadre d’un partenariat avec
la Banque de France, a implémenté cette expertise.

Ce travail de jumelage a nécessité 24 mois de travail, mobilisé 40 experts
français et européens, coûté 1,1 million d’euros (2,3 millions de dinars), pris
en charge par l’UE dans le cadre du Plan d’action de voisinage. L’effort de
transfert a été également coordonné avec les Banques centrales, européenne,
suédoise et anglaise.

L’INSEE s’est mis de la partie et la Banque centrale de Pologne, qui a bénéficié
d’une assistance similaire, était de la partie. A l’occasion de la fin de cette
mission et une fois que le programme est à présent opérationnel, Chedly Ayari a
présidé un séminaire auquel ont assisté notamment Laura Baeza-Giralt,
ambassadeur de l’UE, et Anne le Lorier, premier sous-gouverneur de la Banque de
France.

Ainsi outillée, la
BCT peut, désormais, moderniser la politique monétaire
montrant que cela rejaillirait sur la compétitivité du secteur bancaire,
l’optimisation du marché des capitaux et améliorer les comportements des
opérateurs.

Cibler l’inflation par les taux réels, c’est dépassé

Il est un consensus assez largement partagé dans le monde quant au rôle des
Banques centrales. Elles sont exclusivement ou prioritairement, selon les écoles
de pensée, chargées de garantir la stabilité des prix et par conséquent la
valeur de la monnaie.

Deux grandes écoles coexistent. La Banque centrale européenne, sous l’impulsion
de Wim Duisenberg, puis de Jean Claude Trichet, s’est tenue à cibler l’inflation
avec un objectif précis, celui de 2% maxi. La Fed (la Banque centrale
américaine), pour sa part, va plus loin. Elle cible l’inflation, mais dans une
fourchette et fait davantage puisqu’elle s’emploie à soutenir la croissance.

La première se contente de favoriser un climat propice à la croissance. La
seconde y prend part activement. La différence est que la première se contente,
simplement, de veiller à ce que le taux d’intérêt réel soit positif. Cet
instrument a du bon. Mais on a vu qu’il peut présenter des dommages collatéraux.
Sans vouloir lui chercher des poux dans la tête, certains observateurs
considèrent qu’il incite les opérateurs économiques, appâtés par les rendements
élevés, à prendre des postions excessives. Cela peut être contreproductif en
période de crise comme on l’a vu, en 2008.

Enfin, cette école a fait son temps, disent les conjoncturistes. Ces derniers
regardent vers une autre démarche techniquement plus affinée.

Cibler le PIB nominal : anticiper le trend de croissance

Ainsi que l’expliqueront Mohamed Salah Souilem, DG de la politique monétaire à
la BCT, et Laurent Paul, adjoint au directeur de la coopération internationale à
la Banque de France, les deux teams leaders du projet de partenariat, baptisé
“projet de jumelage“ -car il procède à un transfert réel d’une expertise
certaine- un saut de palier a été réalisé.

La BCT, qui se contentait, jusque-là, d’une politique monétaire basée sur le
change fixe et le ciblage d’agrégats monétaires, peut désormais aller vers le
ciblage du PIB nominal. Elle possède, à présent, des modèles statistiques et
économétriques du niveau de ce qui fonctionne auprès des plus importantes
Banques centrales du monde, soit le peloton du top européen du G8, à savoir la
Suède, la France et la Grande-Bretagne.

Ces modèles se nourrissent de bases de données extrêmement fournies. On
collecterait 5.000 variables économiques et financières nationale et
internationale. Elles sont moulinées dans des modèles économétriques et
statistiques qui permettent d’anticiper le trend de croissance.

Dès lors qu’on a cette vision de la conjoncture, la politique monétaire,
affirment les deux responsables centraux, se met en perspective. Le moulinage
statistique c’est pour désaisonnaliser les données, compte tenu des spécificités
tunisiennes. C’est aussi pour connaître l’inflation sous-jacente et dériver les
pulsions monétaires adéquates.

C’est également la connaissance de la croissance potentielle et voir si la
conjoncture s’annonce sous l’angle de la surchauffe ou de la reprise pour
décider s’il faut être laxiste ou restrictif.

Décider du taux directeur, en connaissance de cause

La lecture du trend donne, selon des modes de calcul, telle la loi de Taylor, le
taux directeur théorique. A partir de là, les décideurs peuvent arrêter le taux
directeur qui sera appliqué par la BCT. Il arrive, comme l’a expliqué Tomas
Lyziak, directeur de la recherche macro-économique à la Banque centrale de
Pologne, que les deux soient en décalage. Mais cela est laissé à l’appréciation
des responsables et dirigeants. On agira donc en connaissance de cause et avec
une relative fiabilité. Dès les premiers mois, les argentiers polonais ont
enregistré une meilleure maîtrise de leur politique monétaire.

Enfin la courbe des taux

La portée de la modernisation de la politique monétaire ne s’arrêtera pas là,
parce que la prédiction du PIB nominal, comme l’a expliqué Françoise Drumetz,
est aussi une modernisation du marché monétaire qui rejaillira sur
l’interbancaire. Elle ajoutera que la transmission fluide des impulsions
monétaires aidera à optimiser les conditions d’échange sur le marché
interbancaire.

Mohamed Rekik, vice-gouverneur à la
BCT, qui a modéré le séminaire, précisera
que les instruments et les procédures évolueront de sorte qu’une courbe des taux
monétaires soit désormais à notre portée. La libéralisation financière est
devant nous, ajoutera-t-il. On se détacherait de la sorte de l’emprise du Taux
du Marché Monétaire (TMM) pour avoir des taux appropriés aux maturités des
crédits.

Quid des pré-requis?

L’ennui est que tout cet attirail statistique et ce dispositif de prévisions
nécessitent, a dit le gouverneur, une stabilité macroéconomique. Or, l’inflation
a grimpé à plus de 6% sur le premier quart de 2013. Les déficits jumeaux se
creusent, celui budgétaire est voisin de 6%. Et les réserves de change tombent à
94 jours. Outre cela, la politique économique n’a pas sa profondeur de vision de
long terme.

Par ailleurs, la coordination de la politique budgétaire avec la politique
monétaire n’est pas encore assurée.

Indépendant, le gouverneur se veut collaboratif mais jamais complaisant. C’est
tout à son crédit.