Après l’affaire Cahuzac, l’exécutif muscle la lutte contre la fraude fiscale

[23/04/2013 18:30:52] PARIS (AFP) Le gouvernement français, qui s’est engagé à muscler la lutte contre la fraude fiscale après le séisme Cahuzac, présente mercredi, dans le cadre de son opération “mains propres”, une série de mesures pour faciliter les enquêtes et durcir les sanctions.

Depuis la riposte du président François Hollande au scandale, le débat s’est focalisé sur la transparence du patrimoine des élus, qui fait l’objet de deux projets de loi présentés en Conseil des ministres. Mais un troisième texte doit aussi être dévoilé mercredi sur la “lutte contre la délinquance économique et financière”.

En attendant le parquet national pour les affaires financières et fiscales, qui arrivera lui sur la table du gouvernement dans les prochaines semaines, Matignon et Bercy entendent renforcer les pouvoirs de la police, de la justice et de l’administration.

Les investigateurs de la police fiscale créée en 2009 pourront dorénavant avoir recours à des “techniques d’enquête spéciales”, comme la surveillance, l’infiltration ou encore la mise en garde à vue.

Ils intègreront un nouvel Office central de lutte contre la fraude et la corruption, doté de 95 agents issus de la police judiciaire et de Bercy (contre 45 aujourd’hui pour la seule Division nationale des infractions financières et fiscale).

Côté sanctions, une circonstance aggravante sera créée pour les infractions de fraude fiscale commises en bande organisée ou impliquant un recours à des comptes bancaires à l’étranger ou des entités offshore, comme les trusts. Les sanctions iront jusqu’à sept ans de prison et deux millions d’euros d’amende, affirme-t-on à Bercy.

De la même manière, les peines encourues par les personnes morales, comme les entreprises, seront alignées sur celles prévues pour les personnes physiques, avec une possibilité de confiscation du patrimoine en cas de blanchiment.

En revanche, le gouvernement n’a pas prévu de permettre à la justice de s’autosaisir pour enquêter sur des cas de fraude fiscale. Aujourd’hui, c’est l’administration fiscale qui a le monopole en la matière: elle recouvre l’impôt, effectue des contrôles et, en cas de fraude grave, saisit le juge pénal sous contrôle de la commission des infractions fiscales.

effectifs supplémentaires

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affaire Cahuzac (Photo : Patrick Kovarik)

Pour accélérer le tempo, certains, dont le député socialiste Yann Galut, plaident pour une autosaisine du juge. “Le débat reviendra sûrement au Parlement”, reconnaît-on de source gouvernementale.

Mais au ministère de l’Economie, on défend le système actuel: “ça évite des situations dans lesquelles le juge se saisirait de lui-même et, dans le cadre d’un procès forcément contradictoire, donnerait au contribuable des éléments qui l’aideraient à échapper au recouvrement de l’impôt”.

Pour contourner le problème, dès lors que le parquet peut déjà enquêter de sa propre initiative sur les cas de blanchiment de fraude fiscale, comme il l’a fait pour le compte caché de l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, les compétences de la police fiscale vont être étendues à ces dossiers.

Voilà pour le volet répressif contre la grande délinquance fiscale.

En ce qui concerne la lutte contre la fraude ordinaire, le projet de loi doit, selon le ministère de l’Economie, “clarifier l’état du droit sur l’utilisation par l’administration fiscale d’informations d’origine illicite, dès lors qu’elles lui sont adressées par la justice ou par d’autres Etats”.

Le gouvernement veut éviter que, dans l’exploitation de fichiers d’exilés fiscaux comme celui volé par un ex-employé de la banque HSBC, les contrôles entrepris soient un jour remis en cause par une décision de justice.

Pour mettre en oeuvre ces mesures, l’exécutif a déjà promis des effectifs supplémentaires (50 enquêteurs de police judiciaire, 50 magistrats et 50 agents du fisc). Cette promesse “est à l’évidence largement insuffisante au regard des enjeux”, déplore le principal syndicat des impôts, Solidaires Finances publiques.

De leur côté, une centaine de personnalités du monde associatif, syndical ou politique, dont Eva Joly, José Bové ou Olivier Besancenot, ont lancé une pétition intitulée “Après Cahuzac: stoppez l’évasion fiscale!”. Elles déplorent que l’exécutif tarde à imposer la transparence des comptes des multinationales.