Au bord de la faillite, la Tunisie toujours dans le flou !

Par : Tallel

chedly-ayari-bct-05042013.jpgAvant-hier, c’était au tour du gouverneur de la Banque centrale, Chedly Ayari, de prendre ses distances par rapport au gouvernement de la troïka en Tunisie et d’annoncer que «l’économique et le politique sont indissociables». «Il nous faut juste un échéancier clair pour la Constitution et les élections pour que ça reparte», a-t-il dit. Ayari ne croyait pas si bien dire.

Tunis, de notre correspondant

«Tout le mal est là», lui a répliqué le président de l’Association des économistes tunisiens (Asectu), Mohamed Haddar, en ajoutant que «depuis les premiers mois de la transition, l’attention des autorités tunisiennes a été attirée sur le fait que la Tunisie est sous la loupe de tous les dirigeants et décideurs du monde». Ils l’ont par ailleurs aidée à tous les niveaux.

En contrepartie, il fallait renvoyer des signaux positifs sur la réussite de la transition. En premier lieu, il est impératif d’avancer dans la rédaction de la Constitution et l’échéancier électoral. Or, rien n’a été vraiment fait dans ce sens. Que de promesses depuis le voyage de Hamadi Jebali en Europe en mars 2012, quand il a prédit des élections en mars 2013.

Donc, il est normal que l’élan d’aide ne soit plus comme avant et que l’on ait recours au Fonds monétaire international (FMI), à la place des sorties sur le marché monétaire international, parrainées par le trésor fédéral américain ou japonais, obtenant ainsi des taux d’intérêt raisonnables. Par contre, avec le FMI, c’est autre chose. Ses conditions sont draconiennes et l’on se rappelle de sa dernière intervention en Tunisie en 1986 et du coût social élevé de ce passage. C’est pourquoi on le présente comme étant le «dernier recours». Donc, pourquoi en est-on encore à ce stade ?

Un échéancier politique vague

Après quinze mois de gouvernance, la troïka n’a toujours pas réussi à bouger l’échéancier politique. Les blocs dominants à l’Assemblée ont promis depuis leur investiture, il y a plus d’une année, de mettre sur pied les instances indépendantes des élections, de la magistrature et des médias. Rien de cela n’a été réalisé. A sa première apparition devant l’Assemblée, en février 2012, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, avait promis de proposer dans les semaines qui allaient suivre (avant la fin de mars 2012, avait-il alors dit) les propositions de lois sur les instances des élections, de la magistrature et des médias, prévues par l’organisation provisoire des pouvoirs. Lorsqu’il a démissionné le 19 février 2013, Hamadi Jebali n’avait pas encore rien réalisé de ces promesses.

L’Instance indépendante des élections était encore en phase de loi qui attend sa concrétisation. Elle l’est encore aujourd’hui. Les instances de la magistrature et des médias font l’objet de tiraillements entre les différents intervenants sur la scène politique, notamment entre ceux qui prônent une véritable indépendance de ces structures et ceux qui veulent plutôt perdurer la mainmise de l’Exécutif sur ces instances censées être indépendantes. Le parti Ennahdha, car c’est de lui dont il s’agit, veut exploiter à souhait sa domination sur les nœuds névralgiques de l’Etat pour mettre à genoux les acquis de la révolution en matière de structures démocratiques, notamment l’instance des élections. Et la société dans tout cela ?

Toujours la même rengaine

Le politologue Hamadi Redissi pense en guise de réponse que «le doute, observé chez les bailleurs de fonds internationaux, n’est que la traduction du même sentiment chez les locaux». «Rappelez-vous comment les citoyens de Sidi Bouzid ont chassé Ben Jaafar et Marzouki un certain 17 décembre 2012. Depuis, les responsables de la troïka n’osent plus se déplacer dans les régions. Finies les promesses creuses», a-t-il expliqué. Face à ce doute quasi généralisé, les islamistes d’Ennahdha ne veulent pas lâcher prise et s’entêtent à donner des justifications à qui veut les entendre. Et ces justifications sont du style : «C’est l’opposition qui sabote nos programmes de développement par les sit-in et les débrayages sur les sites de production; c’est dur de reprendre après cinq décennies de pillage systématique; Il faut immuniser la révolution contre les vestiges du régime déchu qui veulent faire revenir le RCD.»

Fidèles à leurs habitudes, les islamistes tiennent ce discours populiste auprès des couches les plus démunies. Pour garder «intact» leur électorat, ils n’oublient pas bien sûr de mettre la main à la poche pour arroser tout le monde. «C’est la même méthode que le RCD de Ben Ali», leur reproche le membre de l’Assemblée, Samir Taïeb, porte-parole du parti de l’opposition Al Massar. Un terrain politique flou sans aucun tableau de bord fiable et une situation économique au bord de la faillite représentent les deux côtés de la médaille tunisienne après plus de 15 mois de gouvernance de la troïka. Même Ali Laârayedh, qui vient de s’installer à la tête du gouvernement, on ne lui accorde pas de chèque à blanc. «Attendons pour voir !» C’est ce que, pour le moment, tout le monde répète en chœur.

Source : elwatan.com