Tunisie – 20 mars 1956 – 20 mars 2013 : Recherche indépendance économique désespérément…

dettes-exterieure-belkhamsa.jpgLe pays célèbre aujourd’hui, 20 mars 2013, le 57ème anniversaire de son indépendance. Après avoir recouvré sa souveraineté politique nationale, la Tunisie s’efforce de conforter cet acquis par un socle économique lui aussi émancipé et affranchi de toute tutelle.

Cinquante ans de plans de développement et une révolution plus tard, l’économie tunisienne a-t-elle retrouvé les marques de son indépendance?

La collectivisation, la libéralisation et le corset de la sous-traitance

Les années 60 ont vu la «décolonisation» de l’économie tunisienne. La planification a pu introduire une certaine forme de prise en mains de nos ressources et l’édification d’une infrastructure nationale, avec l’irruption d’opérateurs nationaux structurants, telles que la STEG ou la SONEDE. Une certaine culture du développement était née.

Hélas, la politique de la collectivisation nous a mis sur la voie de l’introversion économique. Le gâchis qui en a découlé ne  nous a pas mis sur le sentier du décollage. La libéralisation qui a succédé, dans les années 70, a fini par faire repartir la machine.

Encore une fois, malgré l’élan de dynamique de la croissance, le pays s’est enfermé dans une logique d’import-substitution. On a pu développer un secteur exportateur mais il restait quasiment monoproduit lié au secteur de la confection, enfin faiblement diversifié.

Le secteur manufacturier a pu diffuser une certaine attractivité à la délocalisation des investisseurs internationaux mais la sous-traitance a fait plafonner notre potentiel de croissance.

Plus tard, les années 80 n’ont rien apporté de bien consistant et d’ailleurs l’effondrement économique nous a pris de court. Le FMI nous a imposé un PAS nous familiarisant avec le libéralisme et la reconfiguration du rôle de l’état.

Avec les années 90 et le retour de la croissance, la Tunisie, à l’instar de la planète, a fait le choix de l’ouverture et du cap libéral. Rien n’y fait, malgré l’ouverture et la diversification du système exportateur, le pays est resté à un palier de croissance qui ne nous a pas épargnés le chômage, la pauvreté et la dépendance technologique.

Les observateurs critiques nous rappellent au succès de la Corée et à sa trajectoire d’émancipation économique. Personne à ce jour n’a pu donner une explication plausible à notre ratage économique. Ahmed Ben Salah, Mansour Moalla et Tijani chelly, les trois principaux stratèges de notre système économique, n’ont pas trouvé de réponse convaincante à cela.

La course aux IDE et enfin l’espoir de rupture

Un déficit de masse critique de notre marché national et une faible marge de valeur ajoutée ont mis le pays dans une posture de traque tous azimuts des IDE. L’ennui est que durant les années 2000, là où nous réunissions tous les atouts pour séduire les investisseurs internationaux, les blocs régionaux se sont constitués. L’ASEAN et ses dix dragons, l’ALENA, puis l’UE ont fait que notre offre nationale était masquée par la notoriété des blocs naissants.

Même notre effort d’mancipation monétaire par le lancement d’un processus de convertibilité du dinar est resté sans grands échos. La FIPA a tout essayé. En plus de la chasse aux IDE, elle a tenté la triangulation. Elle vendait l’image du pays secure avec une main-d’œuvre qualifiée qui permettait aux grands groupes de produire chez nous et de forcer les portes de l’UE -soit dit en passant le marché le plus riche de la planète.

L’offre nationale restait sous-dimensionnée. Notre option ferme en faveur de la société de l’information, qui a culminé avec l’organisation du Sommet mondial de 2005, n’a pas non plus porté ses fruits. La crise des subprimes a détruit tous nos espoirs. La prédation économique a fait le reste.

Ligaturée par la modeste taille de son marché, la faiblesse de ses ressources naturelles, plombée par la sous-capitalisation, l’économie n’a pas pu venir à bout de ses carences.

L’injustice sociale, le déséquilibre régional, les écarts de distribution de richesses, le process de féodalisation de l’Etat avec la mainmise du clan des BAT ont orchestré l’implosion de l’économie.

A la recherche d’un nouveau modèle économique en rupture avec le précédent, le pays tâtonne encore. Les chantiers sont lourds de conséquence, et même si la vision est là, le leadership manquerait dallant et de conséquence. On le voit hésiter devant les réformes structurantes.

Quid de la régionalisation, de la réforme fiscale et du nouveau rôle de l’Etat? A mi-chemin entre un basculement vers une économie où le financement par les fonds propres et la poursuite du financement par la dette, le pays hésite. On le voit hésiter à réformer le système bancaire, à s’acheminer vers la vérité des prix qui délivrerait ses finances publiques et assainirait les finances de l’Etat.

De quoi sera fait demain?

La Tunisie sait que l’émancipation économique viendra d’un basculement vers l’économie du savoir. Elle a entamé une politique en ce sens. Des parcs technologiques dédiés ont été mis sur pied. Tout le monde sait que cette configuration autant de nos universités que de nos entreprises est la voie dorée, car l’innovation est la matière première de la richesse et de la croissance demain.

Pourquoi ne pas foncer sur cette même voie? Rechercher des alliances stratégiques avec la Turquie est peut-être illusoire. Il faut identifier le compagnon de route avant de se lancer dans une expédition d’avenir.

Un cluster avec la Turquie est-il la solution? D’abord, la formule des clusters a été lancée et approfondie par l’Italie, dans le bassin méditerranéen, et ce pays en a retiré une grande connaissance et un grand profit pour développer ses régions économiques.

La Turquie peut-elle nous apporter de la technologie? On peut en douter. Et puis créer 25.000 emplois dans le Grand Tunis, alors que les régions en ont le plus besoin…

La Tunisie s’est battue pour obtenir la reconnaissance par l’UE de la règle du cumul des valeurs ajoutées. Et son combat s’est couronné de succès en 2007 et cela donne une perspective précise avec ce que doit être la coopération avec a Turquie.

L’exemple nous vient du Maroc. Ce pays achète ses matières premières et notamment son textile en Turquie, les transforme à domicile par des opérateurs marocains et les exporte en franchise de douane autant en UE qu’en Amérique du Nord. A la différence de la Tunisie, le Maroc a su négocier un accord de libre-échange avec les USA, et ce pays nous le refuse à ce jour. Voilà quoi devrait s’employer notre diplomatie à l’avenir, si elle veut donne une perspective d’émancipation de notre économie.