Hébergement des données informatiques : les limites du “cloud made in France”

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ées à Forest City (NC) aux Etats-Unis (Photo : Rainier Ehrhardt)

[01/12/2012 13:35:27] PARIS (AFP) Le contrat décroché par l’Américain Amazon pour gérer une partie de l’infrastructure informatique du conseil régional de Bretagne est une mauvaise nouvelle pour l’Etat qui prône des solutions “made in France” mais a tardé à investir dans le secteur du “cloud computing”.

Lundi, le conseil régional a annoncé qu’au terme de plus d’un an d’expérimentation, il confiait au géant américain (dont les serveurs européens sont basés en Irlande) la gestion à distance d’une partie “non-critique” de son système d’information.

A l’issue d’un appel d’offres, le projet d’Amazon “a su répondre aux critères très stricts de notre cahier des charges prévoyant notamment un hébergement de la plateforme sur le territoire européen”, résume le conseil régional dans son communiqué.

“C’est vraiment une première: un conseil régional annonce son choix pour le +cloud computing+ d’Amazon et délocalise ses données en-dehors de la France”, a déploré Denis Soucheyre, président de Neo Telecoms, opérateur français qui propose notamment des solutions “cloud”.

“D’un côté l’Etat veut créer des infrastructures nationales, un +cloud à la française+, et de l’autre, des collectivités optent pour les acteurs américains. Cherchez l’erreur!”, souligne-t-il à l’AFP.

L’informatique “en nuage” ou “cloud computing” permet de gérer à travers le web des données informatiques stockées dans des serveurs distants. Aujourd’hui, deux tiers des parcs de serveurs informatiques sont situés aux Etats-Unis.

L’Etat français a investi cette année 150 millions d’euros dans deux projets d’ampleur – Cloudwatt porté par Orange/Thales et Numergy par SFR/Bull, qui démarrent à peine commercialement – afin d’offrir aux entreprises et administrations la garantie d’un stockage sur le sol français des données informatiques.

le spectre du Patriot Act

Ces deux projets “se démarquent des offres existantes et devraient permettre de lever les derniers freins à l’utilisation du cloud computing”, déclarait en octobre la ministre déléguée à l’Economie numérique Fleur Pellerin.

Plusieurs entreprises françaises, présentes depuis des années sur le marché du “cloud”, se sont insurgées contre un investissement aussi conséquent de l’Etat dans deux nouvelles entités.

“Malheureusement, ce contrat avec Amazon est certainement une histoire de prix. Aujourd’hui en France on n’a pas ou peu d’acteurs qui peuvent proposer les prix d’Amazon, qui a mutualisé son infrastructure”, résume Benoit Huart, directeur du développement du prestataire Navaho.

M. Huart, tout comme Fabrice Coquio, responsable en France du groupe pan-européen Interxion, soulignent que le contrat passé par le Conseil régional de Bretagne “ne concerne pas des informations critiques ou le coeur du réseau”.

Et si “cette communication n’est pas très heureuse” pour le gouvernement, ce contrat “est la preuve qu’il y a clairement un besoin, et particulièrement pour les structures publiques”, ajoute M. Coquio, qui évoque le “mauvais timing” de l’arrivée tardive de Cloudwatt et Numergy sur un marché “où les grands acteurs américains ont débuté il y a des années”.

“Amazon, comme toute entreprise américaine, est soumise au Patriot Act et l’Etat américain a donc un droit de regard sur les données hébergées, et ceci partout dans le monde”, rappelle pour sa part Fabien Richard, directeur général de Hits Datacenter, basé à Nantes et qui héberge notamment le coeur du réseau du conseil régional des Pays de la Loire.

Selon lui, “il est clair que localement, des acteurs (français) légitimes étaient capables de répondre aux critères. Et un acteur comme le conseil régional de Bretagne devrait aussi être un vecteur du développement économique de son territoire”.