Tunisie – Loi de finances 2013 : Aucune vision politique, pour une réforme fiscale globale

Par : TAP



finances-150312.jpg«Il n’existe aucune logique, ni vision politique, derrière les mesures fiscales incluses dans la Loi de finances 2013», a déclaré Radhi Meddeb, PDG du groupe Comete Engineering (bureau d’études pluridisciplinaire).

Dans un entretien accordé à la TAP, l’expert et président de l’association “Action et développement solidaire” a relevé que “la fiscalité ne se présente pas uniquement comme un dispositif technique pour collecter des ressources pour le pays, mais comme un instrument qui traduit un projet politique de l’Etat”.

Il estime que “le gouvernement n’a pas opté pour une véritable réforme fiscale, se contentant d’un ensemble de petites mesures, dont l’objectif se limite à chercher de l’argent là où il a l’habitude de le collecter”. Ces mesures risquent, selon lui, de “renforcer l’inefficacité et l’injustice du système fiscal en Tunisie, étant donné que l’impôt sur le revenu des personnes physiques est essentiellement, supporté par les salariés. Les professions libérales et informelles échappent à cette obligation fiscale, en s’orientant vers le régime forfaitaire, lequel leur permet de déclarer des revenus insignifiants. Au vu du train de vie mené par ces catégories sociales, il est indécent de les voir échapper à l’effort de solidarité nationale».

Instituer des notes d’honoraires pour les professions libérales

A ce propos, il a recommandé “d’instituer, pour les professions libérales, des notes d’honoraires numérotées, qui seront déclarées par la suite aux services des impôts. Ces notes doivent bien préciser la nature de la prestation, la date, le tarif et le mode de règlement”.

Concernant l’impôt sur les sociétés, la situation est la même, puisqu'”une minorité d’entreprises organisées et transparentes est en train de payer les impôts, alors qu’une grande partie des sociétés se dérobe à la fiscalité”.

Le secteur informel prospère, depuis la révolution, avec l’explosion d’une multitude des marchés parallèles, qui échappent totalement à la fiscalité. “Ils représentent, aujourd’hui, entre 35 et 40% du PIB, contre 30% avant le 14 janvier 2011”. “Dès lors, le plus grand gisement de la collecte de l’impôt réside dans la lutte contre la fraude fiscale”, souligne M. Meddeb, qui préconise d’impliquer toutes les catégories sociales dans cet effort national.

“Il faut lutter contre le régime forfaitaire, en se fixant comme objectif politique, de l’éliminer d’ici 3 à 5 ans”. Il est également prioritaire, d’après lui, “de rendre formel le secteur informel, en le réintégrant dans le circuit économique. Nous pouvons même encourager ces commerces à régulariser leur situation, en commençant par leur appliquer des taxes très faibles». Une telle opération permettrait de donner un nouvel élan à l’économie nationale mais, aussi, de protéger le consommateur, en contrôlant les produits mis sur le marché, dont la majorité est d’origine asiatique (produits alimentaires, cosmétiques, électroniques…).

Par ailleurs, l’expert a proposé de réévaluer, systématiquement, tous les ans, les taux d’imposition des salariés pour qu’ils s’adaptent à leur pouvoir d’achat, tout en tenant compte du niveau de l’inflation. “Même un simple smigard, dont le revenu annuel ne dépasse pas les 4.000 dinars, est imposé, aujourd’hui, alors qu’il n’est pas capable de subvenir aux besoins vitaux et quotidiens de sa famille”, a-t-il noté.

Remettre à plat le système d’exonération fiscale

Selon M. Meddeb, il est indispensable aujourd’hui “de remettre à plat tout notre système d’exonération d’impôt et de déduction fiscale, à savoir la logique des niches fiscales, en vue d’évaluer leur coût sur la communauté nationale”. A ce niveau, il a estimé que “la fiscalité est devenue une forêt dans laquelle, ne se retrouvent que les spécialistes”. Pour cet expert, “la réforme de la fiscalité doit être portée par un projet politique axé sur le renforcement de la solidarité sociale et de la cohésion nationale, tout en oeuvrant en même temps à la modernisation de l’économie et la promotion de l’efficacité de l’entreprise privée, en vue de créer davantage d’emplois”. “Nous ne pouvons pas parler de fiscalité sans parler de son utilisation”, a-t-il relevé, en faisant remarquer que “l’augmentation du budget de l’Etat en 2012 de 25% par rapport à 2011, n’a pas profité au développement. En effet, il a été orienté vers les augmentations salariales, plutôt que vers le budget de l’investissement”.

“Selon le gouvernement, le budget de fonctionnement a été décaissé, à fin septembre, à hauteur de 76%, alors que celui de l’équipement, dédié au développement, a été exploité à 50%. En réalité, le taux de réalisation de ce budget, n’a pas dépassé les 35%”, a fait remarquer l’expert.

Par ailleurs, M. Meddeb a fait remarquer que la nouvelle loi de finances 2013, a été élaborée “sans la réalisation d’une évaluation de la Loi de finances 2012”.

WMC/TAP