La question palestinienne : Comment raison garder?


pelastine-10112012.jpgNos
traditions diplomatiques renferment les éléments fondamentaux pour persévérer
sur la voie de la résolution politique du conflit
israélo-palestinien. La «terre
contre la paix» doit rester la devise unique. La route est longue, il ne faut
pas pour autant abandonner le combat ni -erreur qui serait fatale- changer notre
fusil d’épaule et renoncer à la résolution politique du conflit.

Faut-il inscrire la question palestinienne dans la Constitution tunisienne?
Quelle suite donner à la proposition/avertissement de Mme Clinton qui intime aux
Palestiniens de mette genou à terre et de négocier avec le cabinet actuel issu
de la coalition des droites israéliennes, dont celle intégriste? Est-il
raisonnable que l’Autorité palestinienne abandonne son recours auprès de l’ONU,
quand bien même elle comporte une issue improbable?

La question palestinienne est enchevêtrée. Elle est minée, de tous endroits.
Fernand Braudel, éminent démographe français, l’a qualifiée de «conflit monde».
Tant l’affaire est complexe, tant la diplomatie tunisienne l’a ramenée à sa
véritable dimension, abondant dans un sens précis de résolution politique.

Ne pas se tromper de guerre

La Tunisie de l’indépendance a eu une position nette, franche et précise à
propos du conflit israélo-palestinien. La création de l’Etat d’Israël est une
injustice faite au peuple palestinien. Cette création est entérinée par l’ONU.
Par conséquent, l’humanité entière a validé la machination. Il serait irréaliste
de s’égosiller à la contester. Cette résolution prévoit la solution de deux
Etats. La revendication de la création du deuxième Etat doit être assumée par
les Palestiniens eux-mêmes. C’est leur cause nationale.

Du coup, le ralliement des pays arabes -par la suite les autres pays musulmans-
a été un acte calamiteux, en ce sens que, en volant à la rescousse de nos frères
palestiniens, nous avons brouillé la situation. Nous les avons poussés à la
guerre sans avoir les moyens de la gagner. Ce qui a été une erreur
impardonnable. On leur a simplement fait perdre du terrain et du temps et de
précieuses occasions de s’assumer. Nous n’en sommes pas plus avancés
aujourd’hui. Le seul élément qui ait changé dans l’intervalle est que les ténors
du retour au Jihad ont repris voix au chapitre dans une ola de cacophonie
propice à replonger dans le même genre d’erreurs.

Le ralliement arabe a fait perdre un atout précieux à la cause, qui est
l’opinion internationale. En fonçant en masse dans un conflit qui nous
dépassait, nous avons accrédité la cause du conflit des civilisations. L’opinion
internationale n’a pas pu voir avec sérénité que la cause palestinienne est
juste et défendable et qu’il faut l’appuyer. Tout le reste n’est qu’agitation
malsaine. Au mieux, elle ferait dérailler le processus de revendication
politique, conduit avec détermination par l’Autorité palestinienne, pour le
propulser encore dans une logique d’affrontement qui est un choix trompeur.

L’appui arabe doit être noyé dans l’appui international sinon nous ne ferons
qu’apporter une tare supplémentaire au conflit.

La Constitution tunisienne doit garder une empreinte nationale

De tous points de vue que l’on aborde le problème, on ne peut qu’affirmer haut
et fort que la Constitution de la Tunisie doit se consacrer aux affaires
communes aux seuls Tunisiens. Inscrire la question palestinienne dans la
Constitution tunisienne serait une erreur. La Constitution de la Tunisie doit
être circonscrite au périmètre national. En 1959, la question algérienne était
béante et pourtant nous ne l’avons pas inscrite dans notre Constitution.
L’Histoire a cependant retenu l’ampleur de notre engagement pour faire avancer
le conflit vers l’indépendance de nos frères algériens. L’Etat tunisien et les
citoyens n’ont ménagé aucun effort à soutenir la cause algérienne, mais nos
constituants n’ont pas commis l’amalgame de mixer les intérêts des deux pays,
indépendamment de la proximité, de l’unicité de langue, de religion ainsi que de
la similarité des deux causes. Il faut s’en tenir là.

Les constituants de 2012 n’ont rien de supérieur à leurs aînés et ne sont pas
plus illuminés. Faire de la cause palestinienne une cause arabe, c’est l’exposer
à la faillite. Un conflit monde doit recueillir la sympathie et l’engagement du
monde entier. Le combat contre Israël ne doit pas prendre la pente glissante
d’un conflit entre deux blocs. Ce combat doit revêtir la forme d’une
délégitimisation de la politique d’occupation israélienne. C’est bien
l’occupation qui est l’aspect le plus abject de ce conflit. Et c’est le seul
aspect défendable du point de vue du droit et de la légalité internationale.

Il ne faut pas nous laisser abuser par d’autres considérations. Le droit, le
droit rien que le droit et … la lucidité. Au lieu d’appeler au meurtre des
Tunisiens juifs, n’aurait-il pas été plus inspiré d’inviter les militants du
camp de la paix et de mieux les soutenir, sans animosité, sans hostilité mais
avec une totale sérénité. Ne nous cachons pas les yeux. Dans l’inconscient
international, les Arabes sont injustement affligés d’être des “gens impulsifs“
et “sanguinaires“. Il faut démentir cette affabulation par un travail sensé
d’image building, pour établir, enfin, la preuve de notre maturité et de notre
sens de la responsabilité. C’est le moment de montrer que nous savons nous
mettre en paix avec l’histoire, ce qui est le plus conforme à notre nature et à
notre personnalité.

Comment neutraliser le message de Netanhanyu à l’ONU

A la tribune des Nations unies, le Premier ministre israélien a usé et abusé de
la primauté technologique de son «pays», de sa devanture démocratique, qui lui
permet d’occulter le sous-bassement d’Apartheid, de son avance de liberté et
d’humanité. Ce n’est qu’une manœuvre de Com’! Hélas, elle est payante.

Dans les hôpitaux israéliens, des patients arabes reçoivent des soins! Qu’est-ce
que vous dites de ça? Ce message paraîtrait neutre de prime abord. Mais chaque
élément positif pour Israël désigne, à l’opposé, un caractère négatif chez les
Arabes.

La seule solution est de montrer qu’un retard scientifique n’est pas une tare
civilisationnelle. Nous sommes en compétition, nous n’avons pas abandonné la
partie, et ce n’est pas pour autant que nous ne savons pas nous obliger à un
comportement digne et responsable.

La terre contre la paix, jusqu’à la victoire

Quand Mme Clinton tente, avec obstination confondante et presque maladive, à
dissuader l’Autorité palestinienne de plaider auprès des Nations unies, ses
propositions semblent aller à contresens. L’ONU est seule habilitée, après avoir
entériné la création d’Israël, d’agréer celle de l’Etat palestinien. Quand elle
convie les Palestiniens à retourner à la table des négociations, c’est pour
s’entendre dicter qu’Israël est un Etat juif. Tout porte à croire que cette
solution est vaine parce qu’elle nous met sur le sentier de la guerre. Dans ce
conflit, la seule route de la paix, c’est la résolution politique.

La Tunisie de l’indépendance l’a toujours préconisé. La Tunisie a défendu toutes
les causes justes. Elle a refusé l’inféodation capitaliste à l’Amérique,
l’alignement doctrinaire au bloc soviétique, le ralliement aux pays Non alignés
parce qu’ils nourrissaient une hostilité malsaine contre l’Occident. Ce faisant,
elle gardait les coudées franches et la voie qui porte haut pour défendre la
cause de la Namibie. Elle disait que les Africaners devaient restituer les
terres aux autochtones. Elle a soutenu l’Angola. Elle a appuyé l’entrée du
Vietnam à l’ONU. Mohamed Masmoudi, ministre des Affaires étrangères, à l’époque,
avait rallié 35 pays africains pour soutenir l’entrée du Vietnam et cela a
beaucoup joué pour l’admission de ce pays à l’ONU.

La diplomatie tunisienne doit poursuivre sur le même référentiel et le faire
porter à la connaissance de la communauté internationale. La voie est longue
mais il ne faut pas pour autant s’en écarter sous peine de s’égarer, une fois
encore!